Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Réunion du mercredi 10 février 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel :

Les violences commises sur les mineurs sont à la fois un phénomène d'ampleur et un tabou.

C'est un phénomène d'ampleur. D'après les données de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales recueillies lors des enquêtes sur le cadre de vie et la sécurité en France, entre 2012 et 2017, 2,4 % de la population déclarait avoir été victime de violences sexuelles avant l'âge de 15 ans. Je précise qu'il ne s'agit que d'une estimation basse car ces données se fondent sur une dénonciation ou un dépôt de plainte. Il semble que les mineurs soient les plus représentés parmi les victimes de violences sexuelles. L'enquête sur les violences et rapports de genre (Virage) conduite par l'Institut national d'études démographiques est, de ce point de vue, édifiante : plus de 52 % des actes de viols déclarés par les femmes et 75 % de ceux déclarés par les hommes surviennent avant quinze ans. Ces violences sont commises majoritairement dans le cadre familial. Les auteurs sont principalement des hommes, cohabitant ou non avec l'enfant au moment des faits, et ayant agi seul la plupart du temps, en particulier les oncles et les beaux-pères. Elles concernent tous les milieux sociaux.

Ces violences sont encore un tabou. Les victimes sont peu nombreuses à entreprendre des démarches pour dénoncer ce qu'elles ont enduré parce qu'elles sont souvent convaincues de l'inefficacité ou de l'inutilité de l'action judiciaire. Les conséquences psychologiques et physiologiques sont pourtant dévastatrices. Nombreux sont les obstacles qui entravent la libération de la parole des victimes. La difficulté à comprendre la gravité des actes subis et l'emprise de l'agresseur placent l'enfant dans un conflit de loyauté. Comme l'a souligné M. Alain Legrand lors de son audition, les liens familiaux tendent à renforcer la confiance de l'enfant envers les personnes a priori protectrices.

Les précédentes réformes, notamment la loi du 3 août 2018, ont posé plusieurs jalons. Elles ont renforcé les peines de prison et les amendes applicables en cas d'atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans. Elles ont lutté contre les crimes incestueux, terme introduit dans le code pénal par la loi précitée du 14 mars 2016, en les faisant tomber sous le coup de la loi, qu'ils soient commis sur un mineur ou sur un majeur.

Il nous semble nécessaire, notamment à la lumière d'affaires récentes, de compléter ces dispositions et d'améliorer un droit parfois difficile à appréhender : la distinction entre consentement et discernement du mineur de quinze ans est délicate. Un interdit clair permettrait d'écarter toute recherche du défaut de consentement. Tel est l'objet de la démarche de notre collègue Isabelle Santiago, membre de la Délégation et dont je salue l'engagement sur le sujet.

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