Intervention de Didier Paris

Réunion du mercredi 10 février 2021 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Paris :

Je suis extrêmement favorable à ce que des discussions s'engagent sur le sujet, quel que soit le groupe à l'initiative. C'est un débat auquel nous ne pouvons pas échapper. J'exprimerai cependant deux regrets et quelques doutes.

Je regrette d'abord que cette proposition de loi arrive à l'ordre du jour alors que d'autres réflexions ont été engagées. Je pense, en particulier, à la commission sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, coprésidée par le juge Édouard Durand. D'autres propositions encore sont en cours. Bien sûr, on arrive toujours trop tard pour des sujets de cette importance mais, en l'espèce, peut-être sommes-nous, non pas à contretemps, mais légèrement en avance par rapport à une réflexion qui devrait aboutir à des résultats rapides.

Je regrette ensuite que l'on aborde le sujet uniquement sous l'angle pénal. En effet, il ne se pose pas qu'en ces termes. La question du secret professionnel, par exemple, est laissée de côté, alors qu'elle est extrêmement prégnante dans ces affaires. Rien n'est dit de la manière dont nous pourrions libérer encore davantage la parole. Les mesures prévues dans le texte sont importantes mais elles ne suffiront pas à résoudre toutes les difficultés que nous rencontrons, y compris au niveau départemental.

Venons-en à mes doutes. Aujourd'hui, l'âge de quinze ans est un élément constitutif du délit d'atteinte sexuelle mais il n'est qu'une circonstance aggravante du viol et de l'agression sexuelle. Il y a là, en effet, un hiatus auquel réfléchir. Il me semble que la loi du 3 août 2018 a amélioré la situation, en précisant la définition de la contrainte qui peut découler d'une différence d'âge significative entre la victime et l'auteur des faits. C'est déjà, à mon avis, une avancée forte même si, hélas, nous ne disposons d'aucune étude qui atteste de son bien-fondé ou non. On n'arrête pas de voter des lois sans savoir ce que les précédentes ont donné. Si le problème est général, il prend, en l'espèce, une acuité particulière.

Réfléchissons une seconde. Est-on nécessairement une victime à quinze ans ? Un adolescent de quatorze ans et demi ou de quinze ans est-il vraiment incapable d'être responsable de son corps ? Personnellement, je n'en suis pas persuadé. D'ailleurs, la responsabilité pénale est fixée à treize ans et non à quinze, ce qui veut bien dire que, même si des excuses de minorité sont prévues, on peut être pénalement responsable à cet âge-là. Je me souviens même que nous avons débattu dans cette enceinte de l'abaissement de l'âge de la majorité à seize ans. Est-ce à dire qu'à seize ans, on pourrait être jugé pleinement responsable civilement, mais qu'à quinze ans, on n'aurait aucune responsabilité sur son corps ? Ce texte supprimerait toute gradation au profit d'un effet couperet – étant précisé que l'âge doit être connu de l'auteur des faits, sinon l'élément moral ne serait pas constitué. Écoutons aussi la parole des adolescents ; le planning familial lui-même s'inquiète des conséquences en matière de contraception.

Pour conclure, je pense que la décision prise par le Sénat mérite réflexion. Ne nous précipitons pas vers la mesure couperet introduite par cette proposition de loi.

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