L'objet de mon amendement est de servir de base pour un travail en séance publique en vue d'améliorer le texte, et cela suivant plusieurs axes.
En premier lieu, il convient, pour des raisons qui tiennent à la lisibilité du droit, de créer dans le code pénal une section dédiée aux infractions sexuelles sur mineurs. C'est pourquoi j'ai rédigé un amendement visant à créer cette nouvelle section, qui reprend plusieurs des éléments relatifs aux infractions autonomes, mais dans une rédaction différente.
Je suis tout à fait favorable au principe d'une infraction autonome pour une simple et bonne raison : aujourd'hui, le crime de viol et le délit d'agression sexuelle protègent cette valeur sociétale qu'est la liberté sexuelle ; c'est la raison pour laquelle il faut rechercher l'existence ou non d'un consentement. En revanche, s'agissant de mineurs de moins de quinze ans – seuil qui rallie la majorité des suffrages –, ce que l'on veut protéger, ce n'est pas la liberté sexuelle, c'est l'intégrité physique et psychique des enfants. C'est pourquoi il faut changer de raisonnement juridique et écarter toute idée de consentement en posant l'interdit de toute relation sexuelle avec un majeur. Il convient néanmoins de faire attention à l'effet couperet. Le Conseil d'État avait appelé notre attention sur ces couples d'adolescents que nos collègues sénateurs appellent « Roméo et Juliette » : dans le cas d'une relation nouée entre deux mineurs, dans un cadre donc parfaitement légal, le simple fait que l'un d'eux parvienne à l'âge de la majorité rendrait cette relation criminelle et ferait peser sur la personne concernée le risque d'être mis en accusation devant la cour d'assises. Je pense que nous devons impérativement tenir compte de tels cas particuliers, car ils forment le cœur même du droit pénal et de la vie judiciaire. Il s'agit donc d'un sujet complexe et j'y ai beaucoup réfléchi. Deux options peuvent être envisagées.
La première consiste à prévoir ce qu'on appelle un fait justificatif : si la relation a commencé avant la majorité, on tient compte de cette circonstance pour neutraliser la responsabilité pénale. Cette formule a un inconvénient, lié aux effets de seuil : qu'en est-il si le couple se forme alors que le plus âgé vient tout juste d'avoir 18 ans ?
L'autre solution réside en la fixation d'un écart d'âge maximum de cinq ans. L'une des juristes qui m'a assistée dans mes travaux, Mme Hardouin-Le Goff, a fait beaucoup de droit comparé. Certains pays ont retenu cette option.
Quant à l'inceste, il faut qu'il trouve toute sa place dans le code pénal car il n'est aujourd'hui qu'une surqualification. Il convient non seulement d'évacuer la question du consentement des mineurs concernés, mais aussi de réprimer l'infraction incestueuse davantage qu'un délit de droit commun afin d'établir une hiérarchie, de tirer les conclusions de tels actes en matière d'autorité parentale et de prévoir des circonstances aggravantes.
Enfin, l'article 1er tel qu'il est rédigé n'est pas satisfaisant pour ce qui concerne l'élément moral. Il convient de prendre en considération la connaissance par l'auteur de l'âge du mineur ; à défaut, ces dispositions risqueraient d'être déclarées inconstitutionnelles.
L'objectif de l'amendement est en définitive de limiter le risque constitutionnel et d'engager le débat, notamment sur l'écart d'âge. Tel est l'objet des sous-amendements de mon collègue Jean Terlier : il ne faudrait pas que l'on tienne compte du critère de l'écart d'âge lorsqu'il s'agit de faits incestueux.