J'ai fait le même constat que mon collègue Balanant. Il existe des phénomènes dits de « sextorsion » qui passent par les réseaux sociaux : des majeurs utilisent ces réseaux pour entrer en contact avec des mineurs ; ces prédateurs usent de stratagèmes pour obtenir des éléments ayant trait à la vie privée des enfants et les amener à leur donner des photos, ce qui leur permet de les soumettre à un chantage. Cela peut aller très loin : on demande à l'enfant de se livrer à des actes d'autopénétration. On a pourtant tendance à considérer ces infractions comme moins graves que si elles avaient lieu dans la vie « réelle ».
En pratique, les mêmes faits sont qualifiés tantôt de violence, tantôt de corruption de mineur. C'est un vrai problème. Je propose donc moi aussi qu'ils soient réprimés pénalement – le droit pénal sert à exprimer les interdits.
Un problème particulier se pose dans le cas de l'autopénétration induite à distance. Je suis partie du principe qu'il fallait sans doute la criminaliser et peut-être modifier en ce sens l'infraction de viol, mais les juristes interrogés ont été presque unanimement hostiles à cette proposition. Nous n'en devons pas moins nous demander comment mieux protéger les mineurs de ces violences en ligne qu'il ne faut absolument pas minimiser. Dans la dernière affaire dont on nous a parlé, il y avait quarante victimes pour un auteur : les réseaux sociaux fournissent aux prédateurs un terrain de chasse sans précédent.
Il faut en tirer les conséquences en matière de peines et d'accompagnement : il convient de tenir compte de l'aspect sexuel dans la qualification de l'infraction, d'autant que les victimes souffrent de psychotraumatismes assimilables à ceux qu'entraîne un viol de droit commun – voire pires, en raison des photos et des vidéos qui peuvent resurgir des années après les faits.