J'entends ces arguments qui sont très justes. Mais je pense aux affaires récentes dans lesquelles les victimes sont nombreuses. Le classement sans suite d'une procédure judiciaire faute de preuve est, certes, un traumatisme, mais l'ensemble des victimes d'un même auteur doivent bénéficier, par principe, d'une égale protection. L'abbé Preynat a fait plusieurs centaines de victimes, mais seules quatre plaintes font l'objet d'une procédure judiciaire : quel traumatisme pour toutes les autres victimes ! La seule solution réside dans l'imprescriptibilité.
Vous dites que la première action à mener est de libérer la parole : nous sommes tous d'accord ! Et je suis très fière de vivre dans une société dans laquelle, grâce aux réseaux sociaux, la parole se libère. Toutefois, la situation d'emprise perdurera quoi qu'il arrive : c'est ce que nous ont dit les victimes et les magistrats qui reçoivent ces enfants tous les jours. L'extension du délai de prescription à trente ans est un véritable progrès. Mais ce n'est pas suffisant – toutes les associations le disent. Compte tenu de l'existence d'amnésies traumatiques, lesquelles sont scientifiquement démontrées – c'est une pathologie –, il faut à tout le moins faire débuter le délai de prescription au moment où les souvenirs ressurgissent. À défaut, je demande l'imprescriptibilité pour assurer l'égalité de protection de toutes les victimes d'un même auteur. Pour des cas moins évidents que ceux de Le Scouarnec ou de Preynat, la présomption d'innocence prévaut et bénéficie toujours à l'auteur ; c'est un principe de notre droit. La présomption d'innocence ne pose donc pas de problème.