Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du jeudi 18 février 2021 à 14h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre :

Quelque 1 000 récidives ont été verbalisées. À la troisième infraction constatée, des poursuites pénales sont engagées – sur ce point, je ne dispose pas des chiffres aujourd'hui, mais je les transmettrai à votre commission.

Les rassemblements clandestins à domicile posent certaines difficultés. Le ministère de l'Intérieur n'a jamais demandé une modification de la législation relative à la propriété privée pour permettre aux forces de l'ordre d'intervenir dans les domiciles. Il est possible de requalifier ces derniers en ERP. Nous pouvons aussi invoquer, dans le cadre prévu par la loi, les troubles à la tranquillité publique, les nuisances et le tapage que suscitent souvent des rassemblements très importants dans un appartement ou une maison. Si elles n'ont pas la possibilité d'intervenir, les forces de l'ordre peuvent enfin se positionner devant le domicile, le restaurant, le café-tabac ou la salle associative qui a fermé ses volets, et constater les entrées et les sorties : elles peuvent alors verbaliser les contrevenants pour non-respect du couvre-feu et signaler les faits au procureur de la République, à qui il appartient d'engager ou non des poursuites. Souvent, des poursuites sont engagées et les individus sont convoqués pour essayer de comprendre pourquoi les policiers ont observé, à 23 heures, la sortie de plusieurs dizaines de personnes d'un restaurant censé être fermé. Bien évidemment, les policiers n'interviennent jamais dans un domicile privé à l'occasion d'un simple rassemblement familial. Si ce cadre légal, qui limite l'action de la police, est parfois mal compris par nos concitoyens, il constitue cependant une garantie du respect du domicile personnel.

Nous considérions que certains quantums de peines étaient insuffisants. Si l'amende de 135 euros encourue pour non-port du masque dans la rue ou non-respect du couvre-feu représente évidemment beaucoup d'argent pour bon nombre de personnes, les sanctions prévues à l'encontre d'individus mettant en danger la vie d'autrui, si j'ose dire, en laissant leur établissement ouvert ou en organisant des fêtes clandestines n'étaient pas assez dissuasives, notamment si les entrées à ces rassemblements étaient payantes. Nous avons étudié la réglementation applicable dans les pays voisins, notamment au Royaume-Uni : cela a amené le Premier ministre à décider ce matin d'augmenter le montant de certaines amendes administratives, ce qui ne manquera pas de décourager les contrevenants. S'agissant des poursuites judiciaires, il appartiendra au garde des Sceaux de préciser les choses.

Avec le ministre de l'Économie, des finances et de la relance, nous avons également décidé que les restaurants ayant ouvert leurs portes ne pourraient pas bénéficier des fonds de solidarité – nous constatons d'ailleurs la grande efficacité de cette mesure, qui va au-delà de l'amende. À ce propos, le préfet de police travaille à une accélération des fermetures administratives à Paris : si cette procédure est quelque peu absurde, dans la mesure où les établissements concernés sont déjà officiellement fermés, elle permet d'engager un certain nombre d'actions publiques, notamment de ne pas verser d'aides à ceux qui en ont fait l'objet.

Nous constatons une baisse générale de la délinquance, mais encore faudrait-il distinguer ce qui relève de la situation sanitaire de ce qui relève de l'évolution de la société. Nous observons notamment une baisse très importante des atteintes aux biens, des vols et, pour la première fois en 2020 après plusieurs années d'augmentation, des homicides, hors faits de terrorisme. Nous déplorons en revanche une hausse des violences à l'encontre des personnes, notamment des agressions à caractère sexuel ou intrafamilial.

Nous constatons une baisse des saisies de stupéfiants, mais il y a aussi manifestement une baisse du trafic – je ne dispose évidemment pas de statistiques fiables, puisque ces agissements sont cachés. Les saisies restent cependant très importantes, atteignant plusieurs tonnes par semaine – je communique chaque mois sur ces chiffres. Nous observons, par ailleurs, que le trafic s'adapte aux mesures de couvre-feu ; j'ai demandé au préfet de police et au directeur général de la police nationale de s'intéresser particulièrement à la « livraison à domicile » de stupéfiants et aux commandes passées sur les réseaux sociaux, par le biais d'applications comme Snapchat, qui fait malheureusement la part belle à ce genre de trafic.

S'agissant de la délinquance de voie publique, la situation était satisfaisante mais nous constatons depuis plusieurs jours, malgré le mauvais temps qui n'encourage généralement pas les sorties et ne cause habituellement pas de difficultés d'ordre public, une augmentation de certains faits que nous ne pouvons passer sous silence – le préfet de Seine-Saint-Denis et des élus du département en témoignaient encore ce matin. Ces actes, qui peuvent être qualifiés de véniels, ne nous inquiéteraient pas s'ils n'étaient pas commis et répétés, en pleine nuit, par de très jeunes enfants, souvent âgés de 12, 13 ou 14 ans.

Dans l'ensemble, le couvre-feu est tout de même respecté, et les actes de délinquance s'en trouvent diminués. Cependant, je l'ai déjà dit, ils augmentent au sein du foyer familial. Si cette hausse est en partie liée à la libération de la parole et aux moyens très importants consacrés par le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Justice à l'écoute des victimes et à la transformation de leurs signalements en plaintes, l'enfermement dans un cadre familial n'est sans doute pas pour rien dans l'augmentation de ces violences. Avec la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, nous sommes très attentifs à cette situation.

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