Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du jeudi 18 février 2021 à 14h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre :

Je ne dispose pas d'enquête d'opinion à ce sujet, mais il me semble que les forces de l'ordre n'ont pas très bien compris, voire ont mal pris, les déclarations de Mme la Défenseure des droits. J'ai d'ailleurs entendu qu'elle avait corrigé une partie de ses propos, que je ne voudrais pas contribuer à caricaturer.

En tant que ministre de l'Intérieur, je ne dis pas que tout se passe bien, tout le temps, partout. Il se peut que des policiers et des gendarmes, de même que des journalistes, des boulangers, des ministres, des parlementaires ou des gardiens de phare, fassent mal leur travail. S'ils ne respectent pas le code de déontologie et abusent de leur pouvoir pour opérer des contrôles discriminatoires, ils doivent évidemment être sanctionnés. Mais je reste persuadé que la quasi-totalité des policiers et des gendarmes, qui sont souvent des jeunes issus de tous les territoires de la République et de toutes les catégories sociales, font leur travail tout à fait correctement, en respectant le code de déontologie et en faisant preuve de discernement dans l'utilisation des moyens mis à leur disposition. Parmi ces moyens figurent les contrôles d'identité, qui ne sont pas effectués n'importe comment mais dans un cadre prévu par le droit, soit sur réquisition du procureur de la République, soit à la demande d'un officier de police judiciaire qui, par nature, répond à l'autorité judiciaire, soit lorsqu'un crime ou un délit a été commis à proximité immédiate du lieu du contrôle. Je rappelle, d'ailleurs, que la possession d'une carte d'identité n'est pas obligatoire en France. Critiquer ces vérifications d'identité, c'est mal connaître le fonctionnement de cette procédure. Je ne dis pas que la loi ne doit pas évoluer sur certains points, mais je considère que ces contrôles sont nécessaires, par exemple lorsque des policiers constatent qu'un enfant de 13 ou 14 ans se trouve seul dans la rue : sans donner lieu à l'engagement d'une procédure pénale, une vérification d'identité permet de savoir qui est cet enfant et de le présenter à ses parents ou aux services sociaux. Qui pourrait dire que ce contrôle n'est pas efficace ?

Le chiffre de 95 % de contrôles qui ne donneraient rien, cité par la Défenseure des droits, ne s'appuie pas, à ma connaissance, sur une étude exhaustive. Au début des années 2010, alors que l'on débattait des récépissés de contrôles d'identité, la direction générale de la police nationale a tenté de collecter des statistiques dans quelques départements, mais elles ne sont ni complètes ni exploitables. Par ailleurs, qu'est-ce qu'une suite donnée à ces contrôles ? Nous pourrions en discuter – c'est un travail pour lequel le ministère de l'Intérieur se tient à la disposition du Parlement.

La solution adoptée par le ministère de l'Intérieur est celle proposée par le Président de la République, dont je me suis déjà expliqué devant vous, madame la présidente : à partir du 1er juillet, les caméras-piétons seront généralisées dans l'ensemble des brigades de gendarmerie et des commissariats de police. Ces outils permettront de filmer et d'entendre à la fois la personne contrôlée, qui ne se trouve pas forcément dans de bonnes dispositions vis-à-vis des forces de l'ordre, et le policier ou le gendarme qui effectue ce contrôle – il est tout à fait normal qu'il soit également contrôlé lorsqu'il fait usage de l'autorité administrative ou judiciaire. L'équipement des forces de l'ordre en caméras-piétons sera une bonne chose et permettra sans doute de résoudre bien des problèmes.

Je respecte évidemment toutes les opinions. Je vous mentirais si je vous disais que les déclarations de Mme la Défenseure des droits ont été applaudies par les policiers et les gendarmes – elles ont plutôt été mal comprises. Nous prenons acte qu'elle a corrigé une partie de ses propos. Nous l'avions invitée, ainsi que la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), à participer au Beauvau de la sécurité pour échanger en toute franchise avec les organisations syndicales de la police et les représentants de la gendarmerie. L'idée n'est pas de monter les uns contre les autres. J'ai d'ailleurs tendance à dire que le premier défenseur des droits, c'est le policier ou le gendarme, qui est le premier à défendre les droits des personnes victimes d'une agression et à appliquer le droit de la République. Je suis sûr qu'entre défenseurs des droits, nous allons bien nous entendre !

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