Intervention de Antoine Savignat

Réunion du mercredi 3 mars 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Savignat :

Le sujet dont nous débattons ce matin ne peut et ne doit que faire l'unanimité dans nos rangs. L'actualité nous démontre chaque jour que notre système a des carences, des failles et qu'il n'est pas toujours adapté à ce type de criminalité. Nous n'avons pas le droit de fermer les yeux : nous devons nous saisir de ce sujet et mettre nos enfants à l'abri des attaques ignobles dont certains peuvent faire l'objet.

Le texte que nous examinons ce matin à l'initiative de nos collègues sénateurs vise à simplifier, à clarifier et à rendre plus efficace notre dispositif de protection des mineurs. Nous ne pouvons que constater que le Sénat a fait preuve d'inventivité et d'imagination, faisant fi des vieilles incriminations pour poser un principe fondamental auquel nous ne devons pas déroger : on ne touche pas aux enfants.

Nous abordons l'examen de ce texte avec enthousiasme, mais aussi avec une certaine contrariété. Mme la rapporteure nous a dit qu'elle n'avait pas déposé d'amendement : c'est donc que cette proposition de loi est bonne – si elle avait prêté à discussion ou à modification, il en aurait été autrement ! Mme la rapporteure a également déclaré qu'elle laisserait au Gouvernement le soin de nous présenter la rédaction qui recueille ses faveurs. Or, ce texte est une initiative parlementaire et nous sommes ici à l'Assemblée nationale. Sauf le respect que je dois à M. le garde des sceaux, je m'intéresse donc, non pas à la version qui a les faveurs du Gouvernement, mais à celle qui emportera l'adhésion de la représentation nationale et qui correspondra donc aux souhaits des Français. Le texte initial était bon : je ne vois pas pourquoi nous reviendrions dessus aujourd'hui.

La version que propose le Gouvernement prête à discussion et à confusion. Elle ne permet plus la simplification voulue par le Sénat, qui créait une infraction sexuelle distincte de celles qui existent aujourd'hui dans le code pénal. Réintroduire dans le débat la notion de viol, c'est le complexifier. Nous savons tous que les critères permettant de qualifier une infraction de viol sont complexes, qu'ils prêtent souvent à discussion et à requalification, et qu'ils ne permettent pas toujours d'engager des poursuites claires et précises. Bien que la rédaction proposée par le Gouvernement balaie les critères de violence, de contrainte, de menace et de surprise, nous transformons le principe « on ne touche pas aux enfants » voulu par le Sénat en un principe « on ne touche pas aux enfants, sauf si… ». Nous rouvrons alors un débat juridique complexe, qui n'aboutira pas forcément à une meilleure protection des mineurs.

Même si M. le garde des sceaux a laissé entendre que nous allions en débattre et qu'un certain nombre de choses pourraient évoluer ce matin – nous en sommes évidemment enchantés –, la question de l'écart d'âge de cinq ans est source de confusion. Elle rouvre le débat sur le devenir du mineur de treize ou quatorze ans. La rédaction proposée n'est pas très claire sur ce point.

Un autre problème majeur que pose ce texte concerne l'inceste, qui était jusqu'alors une circonstance aggravante et qui devient une qualification à part entière ne visant plus qu'à protéger les mineurs entre quinze et dix-huit ans. Pour les autres, c'est le droit commun qui s'appliquera : les faits seront automatiquement qualifiés de viol. La qualification d'inceste, importante d'un point de vue psychologique et moral, ne servira plus qu'à pallier la carence du texte s'agissant des jeunes de quinze à dix-huit ans.

Ces sujets nous préoccupent et nous inquiètent. J'espère que nos débats nous permettront de progresser, de sorte que ce texte, que nous adopterons à l'unanimité, puisse être voté avec enthousiasme.

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