La réunion débute à 9 heures30.
Présidence de M. Stéphane Mazars, vice-président.
La Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels (n° 3796) (Mme Alexandra Louis, rapporteure).
Chers collègues, nous examinons aujourd'hui la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels. Ce texte, fruit d'une initiative de la sénatrice Annick Billon, a été adopté en première lecture par le Sénat le 21 janvier dernier. Nous bénéficions de la présence de deux membres du Gouvernement : M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice et M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. Notre rapporteure, Mme Alexandra Louis, connaît parfaitement le sujet puisqu'elle a remis en décembre dernier un rapport d'évaluation de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, dont elle avait d'ailleurs déjà été rapporteure.
Permettez-moi tout d'abord de remercier celles et ceux qui travaillent sur ce sujet depuis de très nombreuses années. Je ne citerai pas toutes ces personnes, mais je crois qu'elles se reconnaîtront.
Avec l'examen de cette proposition de loi adoptée par le Sénat à l'initiative de Mme Annick Billon, l'Assemblée nationale aborde la question de la protection des mineurs victimes de violences sexuelles commises par des adultes. Ce débat fait suite aux discussions que nous avons eues en 2018 lors de l'examen du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, aussi appelé « loi Schiappa ». En inscrivant cette proposition de loi à l'ordre du jour, le groupe majoritaire honore l'engagement pris, le mois dernier, lors de la journée d'ordre du jour réservé du groupe Socialistes et apparentés, de faire progresser au plus vite, dans la navette, le véhicule législatif le plus avancé. Nous nous rallions donc à ce texte qui émane de la délégation aux droits des femmes du Sénat. C'est une bonne chose.
L'examen de cette proposition de loi intervient après plusieurs travaux de contrôle menés par les deux assemblées. Je prie les auteurs de ces différents rapports de m'excuser de réserver par priorité mon salut à Mme Marie Mercier, très investie sur ces sujets, qui est mon homologue rapporteure au Sénat. Par ailleurs, j'ai eu l'honneur de mener pendant plusieurs mois une évaluation de la loi Schiappa, qui a permis d'identifier plusieurs voies d'amélioration de notre droit.
Sur le fond, il existe aujourd'hui un consensus pour franchir une nouvelle étape dans la protection des enfants par la création, dans le code pénal, de nouvelles infractions sexuelles sur mineur. À la différence du viol et de l'agression sexuelle, elles seraient constituées sans qu'il soit nécessaire de rechercher un élément de violence, contrainte, menace ou surprise. La preuve en est souvent difficile à rapporter pour l'accusation ; la recherche même est souvent difficile à supporter pour les victimes. Surtout, le dispositif existant présuppose qu'un mineur de moins de quinze ans dispose du discernement nécessaire pour donner son consentement à un acte sexuel avec un majeur, alors même que les sciences démontrent le contraire.
En 2018, le Parlement a débattu de l'opportunité de créer une telle infraction ou de modifier la définition du viol afin d'introduire une présomption de non-consentement au-dessous d'un certain âge. À l'époque, les deux assemblées avaient écarté ces perspectives du fait de doutes pesant sur leur constitutionnalité. Les consultations du Gouvernement auprès du Conseil d'État avaient suscité la prudence devant la possibilité d'une censure constitutionnelle. Nous avions simplement complété le code pénal par des dispositions interprétatives immédiatement applicables, qui précisaient les notions de contrainte morale et de surprise, éléments constitutifs de l'agression sexuelle et du viol. Nous donnions aux juridictions des moyens pour avancer à droit constant. Ces modifications ont reçu un accueil positif de la part des professionnels du droit.
Aujourd'hui, les réflexions ont suffisamment progressé pour permettre d'envisager un dispositif pénal plus innovant. J'en veux pour preuve le vote unanime de l'Assemblée nationale, le 18 février dernier, sur les principes du texte présenté par Mme Isabelle Santiago et nos collègues socialistes. J'en veux aussi pour preuve cette proposition de loi sénatoriale, déposée à la fin de l'année dernière. La nouvelle infraction de crime sexuel sur mineur est construite sur le modèle du délit d'atteinte sexuelle, qui figure déjà dans le code pénal et qui punit de sept ans d'emprisonnement le majeur qui se commet avec un mineur de quinze ans. Elle porterait la répression à vingt ans de réclusion criminelle, comme le viol sur mineur.
Mais nous avons un désaccord fondamental avec les sénateurs sur un point. Je pense qu'il ne nous retiendra pas longtemps car je nous sais unanimes – ou presque –, et cette unanimité s'étend à l'exécutif : alors que le Sénat a limité la protection qu'il accorde à l'âge de treize ans, nous sommes convaincus que la bonne limite se situe à quinze ans.
Si le Sénat a retenu le seuil de treize ans, c'est en partie pour résoudre une difficulté soulevée par le Conseil d'État en 2018. Quand un jeune majeur est en rapport avec un mineur proche de l'âge du consentement sans y être tout à fait, peut-on criminaliser la relation ? Le Sénat a tranché le problème à la racine en fixant l'âge du consentement à treize ans, ce qui lui permet de répondre par l'affirmative à cette question. En effet, on peut considérer qu'une relation entre une personne de plus de dix-huit ans et une autre de moins de treize ans est anormale par nature.
Nous n'aurons pas cette échappatoire puisque nous retiendrons, sans trahir le suspense, un consentement à quinze ans. Nous reconnaissons tous qu'une relation entre une personne d'un peu plus de dix-huit ans et une autre d'un peu moins de quinze ans ne soulève pas du tout les mêmes objections morales, ni les mêmes craintes quant à son caractère consenti. Il nous faudra trouver un dispositif de gestion de ces cas à la limite – le Gouvernement nous exposera tout à l'heure la solution qui a ses faveurs.
Au-delà de cette question importante, gardons à l'esprit que le texte pose un interdit clair, à la fois pour les agresseurs potentiels et pour les mineurs : un enfant de moins de quinze ans ne choisit pas ; c'est l'adulte qui supporte toute la responsabilité. La protection de l'enfance passe par des interdits, posés par la loi. Ce faisant, la loi protège l'enfant : elle refuse en son nom et ne lui demande pas de se gouverner lui-même. Gardons en tête ces mots d'Albert Camus, qui illustrent sans doute mieux que toutes nos phrases la responsabilité de l'adulte : « Un homme ça s'empêche. Voilà ce que c'est un homme … »
Le Sénat a également enrichi le texte dont il était saisi en divers points.
D'abord, il a tiré les conséquences d'un arrêt de la Cour de cassation se livrant à un raisonnement juridiquement imparable, mais dans ses effets tout à fait scabreux, sur la possibilité de qualifier de viol un cunnilingus subi sous la contrainte. Les juges ne sont pas à blâmer : la faute nous incombe, puisqu'ils n'ont fait qu'appliquer la loi dont nous sommes les auteurs. Le Sénat a pris acte de la responsabilité du Parlement en votant l'intégration de tous les actes bucco-génitaux à la définition du viol. C'est une avancée que je vous proposerai de soutenir.
Ensuite, le Sénat a souhaité faire évoluer les règles en matière de prescription. Ces règles ont déjà été modifiées en 2018 : nous avions alors voté un allongement important du délai de prescription, porté de vingt à trente ans à compter de la majorité de la victime. Ces changements successifs nuisent à l'intelligibilité du droit, ce qui m'a été rappelé à de multiples reprises pendant mes travaux. Je constate que le principe de la prescription pénale pour les crimes les plus odieux est de moins en moins compris et accepté, ce qui nous amène, par étapes, à l'amoindrir. C'est donc avec prudence que j'aborde cette question. J'ai examiné la position du Sénat avec attention car, si je suis profondément hostile à l'extension de l'imprescriptibilité au-delà du génocide et du crime contre l'humanité, je dois admettre que le dispositif imaginé, quoique perfectible, répond à une situation très mal vécue par les victimes en cas de crimes sériels dont les différentes victimes ne disposent pas toutes du statut de partie civile du fait de l'acquisition d'un délai de prescription pénale.
Le Sénat a également introduit un volet préventif en adoptant plusieurs amendements présentés par des sénateurs du groupe Les Républicains. Il a modifié les règles d'inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV), un outil qui a fait ses preuves dans le cadre des enquêtes judiciaires mais aussi comme moyen de contrôler les antécédents d'un individu avant son embauche pour un poste où il se trouverait en contact régulier avec des mineurs. Sur ce point, je regrette que le contrôle de recevabilité des amendements nous empêche de prévenir la présence de tels individus dans le monde du sport, alors que la rédaction que je proposais fait l'unanimité des parties prenantes. C'est une occasion gâchée et il n'y en aura guère d'autre d'ici à la fin de la législature. Toujours est-il que le Sénat a complété la liste des infractions entraînant une inscription au FIJAISV et qu'il a prévu une inscription automatique des auteurs d'infractions sur mineurs, quelle que soit la peine encourue. Il a également rendu obligatoire le prononcé par les juridictions de la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou sociale au contact de mineurs, pour mieux prévenir la récidive.
Le Sénat a soulevé un dernier sujet particulièrement complexe en adoptant un amendement qui porte à dix ans d'emprisonnement la peine encourue pour toute atteinte sexuelle incestueuse commise sur un mineur, jusqu'à l'âge de dix-huit ans. En adoptant cet article 1er bis B, dont la rédaction me paraît défaillante, il a posé la question de la répression de l'inceste. La condamnation sociale de tels actes ne fait évidemment aucun doute, la volonté de chacun de réprimer les agresseurs est une certitude, et la gravité de l'acte est indiscutable. Si nous considérons qu'un mineur de quinze ans ne peut avoir à dire non à un adulte, comment soutenir qu'un mineur à peine plus âgé puisse avoir à dire non à son père, à son oncle, à son beau-père ? Sur ce point aussi, je laisserai le Gouvernement présenter la rédaction qui a ses faveurs. Cependant, le sujet est délicat et le temps m'a manqué pour en expertiser tous les effets : il faudra donc probablement y revenir en séance publique et lors des prochaines étapes de la navette parlementaire. La proportionnalité des peines encourues et l'architecture du dispositif, en plusieurs infractions, méritent un débat beaucoup plus approfondi que celui que nous aurons ce matin en examinant des sous-amendements.
Comme vous l'aurez constaté, j'ai fait le choix de ne pas amender cette proposition de loi en commission, si ce n'est pour y introduire l'infraction de « sextorsion » dont la création a été unanimement adoptée par l'Assemblée nationale il y a quinze jours. Pour le reste, j'ai pris acte de votre promesse faite il y a deux semaines, monsieur le garde des sceaux, de présenter à la commission des Lois les rédactions travaillées par le Gouvernement. Cette promesse est tenue et je vous en remercie. Les propositions du Gouvernement constituent une base de discussion qui répond aux principaux enjeux et sur laquelle nous pourrons agréger les bonnes volontés, qui sont nombreuses sur un tel sujet.
Dans l'attente, mes chers collègues, je vous demande d'adopter cette proposition de loi et de continuer le travail engagé dans la perspective de la séance publique.
La libération de la parole des victimes de crimes sexuels, notamment d'inceste, nous oblige. La société évolue et le droit doit accompagner cette évolution. Notre responsabilité est de proposer des réformes cohérentes, coordonnées, afin de protéger toutes les victimes mineures dans le respect de notre État de droit. La loi du 3 août 2018 a déjà permis un certain nombre d'avancées, mais il faut aller plus loin pour affirmer de façon claire qu'on ne touche pas aux enfants. Lors des derniers débats parlementaires, vous avez montré votre détermination à faire bouger les lignes sur ces questions cruciales.
Nous voilà donc réunis, pour la deuxième fois en dix jours, pour examiner une proposition de loi relative à la protection des mineurs. Il s'agit cette fois d'une initiative sénatoriale puisque ce texte a été déposé par la présidente Annick Billon. Il ira jusqu'au bout de la procédure parlementaire afin que les choses soient clairement dites dans notre loi. Suite aux annonces du Président de la République, le Gouvernement présente aujourd'hui à votre commission un dispositif intégrant des améliorations essentielles, dont les limites en termes de cohérence, de clarté et de constitutionnalité seront débattues avec vous en toute transparence.
Premier objectif partagé : aucun adulte ne pourra se prévaloir du consentement d'un mineur de moins de quinze ans. Les amendements du Gouvernement instituent un nouveau crime spécifique en cas de pénétration sexuelle d'un mineur de quinze ans par un majeur, ainsi qu'un nouveau délit d'agression sexuelle d'un mineur de quinze ans par un majeur. Ces infractions ne seront constituées qu'à partir d'un écart d'âge d'au moins cinq ans afin d'éviter de criminaliser les amours adolescentes. Cette disposition, dont nous débattrons, vise à préserver les relations consenties de nos adolescents. Elle ne saurait évidemment avoir pour effet de protéger des relations sexuelles non consenties : dans ce cas, c'est le droit positif qui s'appliquera. Il convient enfin de porter le seuil du consentement à dix-huit ans dans les cas d'inceste par ascendant – ce sont des situations gravissimes, qui constituent des crimes de viol ou des délits d'agression sexuelle aujourd'hui punis de trois ans d'emprisonnement seulement.
Deuxième avancée qui fait consensus : nous proposons un mécanisme de prescription prolongée qui permettra de juger en même temps tous les crimes sexuels perpétrés sur des mineurs par une même personne, la commission d'un nouveau crime empêchant la prescription du précédent.
Nous avons pris en compte les équilibres et les exigences constitutionnelles qui s'imposent à nous. Ce socle essentiel permet de protéger toutes les victimes mineures pour l'avenir, tout en conservant le droit positif actuel pour les victimes de faits commis avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Le Gouvernement propose d'adopter des définitions d'infractions autonomes et spécifiques afin de renforcer la protection des plus fragiles, tout en conservant les qualifications de viol et d'agression sexuelle – ces interdits restent bien nommés et la loi sera bien lisible pour tous.
Ces dispositions n'effacent pas le droit positif actuel. Nous allons débattre de ce point lorsque nous évoquerons le délit d'atteinte sexuelle, qui est maintenu, même si son champ sera beaucoup plus réduit qu'aujourd'hui du fait de l'extension des infractions de viol et d'agression sexuelle. Il doit être maintenu, non seulement pour l'avenir, afin de sanctionner des faits qui ne tomberont pas sous le coup des nouvelles infractions, mais aussi pour permettre de continuer à réprimer les faits commis par le passé et pour lesquels les nouvelles qualifications ne pourront s'appliquer. En effet, il n'est pas envisageable de sacrifier les victimes passées et d'adopter une réforme qui aurait pour effet d'amnistier, en quelque sorte, les auteurs. Le délit d'atteinte sexuelle doit cependant faire l'objet d'une dénomination spécifique, celle d'« abus sexuel », qui correspond à la terminologie utilisée par plusieurs instruments internationaux.
Comment faire la différence entre les relations sexuelles totalement consenties, relevant de la liberté sexuelle, et les abus traumatisant les plus jeunes ? Il convient de conserver un interdit délictuel, dont l'application doit être appréciée au cas d'espèce par les juridictions.
Je veux prendre le temps d'expliciter devant vous ces évolutions. J'en appelle à notre exigence et à notre responsabilité partagées. Il convient de respecter les exigences constitutionnelles, tout en tenant compte des divergences qui traversent tant la société que les hémicycles parlementaires. À chaque amendement, nous devons choisir entre la protection des mineurs la plus étendue possible et la préservation des relations sexuelles consenties. Je souhaite que des débats riches nous permettent de présenter en séance publique un texte stabilisé, cohérent et rigoureux. Vous avez d'ailleurs déposé des amendements et sous-amendements répondant à cette exigence démocratique. Je pense notamment aux propositions visant à clarifier les dispositions protégeant les victimes d'inceste, à qualifier de viol les actes bucco-génitaux et à élargir le champ de l'inceste aux actes commis non seulement par un ascendant, mais aussi par tous les parents ou alliés exerçant une autorité de droit ou de fait : j'y suis favorable. Au cours de ces débats, nous serons collectivement guidés par l'intérêt supérieur de nos enfants.
Il y a un peu plus de deux ans, alors que je siégeais à vos côtés, nous avions débattu de ces sujets dans le cadre de l'examen de la loi du 3 août 2018. Elle a constitué, comme l'a rappelé le garde des sceaux, un premier pas. Il nous est proposé aujourd'hui d'aller plus loin. Cette proposition de loi issue du Sénat est importante, du fait de la portée des dispositions qu'elle contient – je ne répéterai pas ce que le garde des sceaux vient d'expliquer clairement –, mais aussi parce qu'elle donne une traduction concrète à de nombreux travaux parlementaires comme celui qu'a mené Mme Alexandra Louis dans le cadre de son rapport d'évaluation de la loi de 2018. Les dispositions que nous introduirons dans cette proposition de loi sont le fruit des concertations que le garde des sceaux et moi-même avons conduites avec les associations, que vous avez aussi rencontrées dans le cadre de vos auditions et dont nous saluons l'engagement. La discussion de ce texte permettra enfin de concrétiser l'engagement du Président de la République de durcir la loi pénale et de poursuivre plus sévèrement les auteurs de ces infractions.
La lutte contre les violences sexuelles commises sur les enfants, notamment contre l'inceste, est une question transversale, systémique, qui va au-delà de cette évolution de la loi pénale. Les travaux que nous allons mener s'inscrivent dans un cadre bien plus large.
Le 23 janvier dernier, le Président de la République a pris un certain nombre d'engagements. Les violences sexuelles qu'auraient pu subir les enfants doivent faire l'objet d'une sensibilisation et d'un repérage systématique, une première fois à l'école élémentaire, puis au collège. La semaine dernière, M. Jean-Michel Blanquer et moi avons lancé avec l'ensemble des administrations concernées, ainsi qu'avec des associations, un groupe de travail afin de rendre ce dispositif effectif dès la rentrée prochaine. Le Président de la République s'est également engagé à ce que les enfants victimes de violences sexuelles bénéficient systématiquement d'une prise en charge psychologique. C'est avec M. Olivier Véran que nous travaillons à la mise en œuvre de cette promesse présidentielle.
Le plan de lutte du 20 novembre 2019 contre les violences faites aux enfants continue d'être déployé. Vous en avez voté un certain nombre de dispositions – je pense à l'extension du contrôle des antécédents judiciaires des personnes qui travaillent au contact d'enfants ou encore au déploiement sur l'ensemble du territoire des unités d'accueil pédiatrique enfants en danger (UAPED) pour mieux recueillir la parole de l'enfant.
Nos débats s'articulent enfin avec les travaux que menera la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles, dont j'ai confié la coprésidence au juge Édouard Durand et à M. Nathalie Mathieu, directrice générale de l'association Docteurs Bru. Ceux-ci annonceront la composition de la commission ainsi que sa feuille de route à l'occasion de sa première réunion plénière, qui se tiendra d'ici à la fin du mois.
Depuis quelques mois, les révélations de crimes et délits et les témoignages sur une vie de silence se multiplient. Derrière les mots-dièse #MeToo et #MeTooInceste, derrière une toile symbole d'un anonymat et d'un secret bien gardés, plusieurs dizaines d'hommes et de femmes osent avec courage dénoncer les blessures et les traumatismes d'une minorité violentée et volée. Ce n'est pas seulement un phénomène de société, emboîtant le pas de personnalités qui rompent leur silence, mais bien la manifestation libérée d'une réalité difficile à faire accepter, celle d'une violence sexuelle souvent confidentielle commise sur des mineurs mutiques dont plus d'un Français sur dix aurait été victime et plus de trois Français sur dix informés. Régulièrement, des affaires médiatiques relancent le débat sur le consentement, la répression et la prescription des crimes sexuels sur mineurs.
Certains diront que le Parlement est taiseux sur ces sujets. Ils auront tort. La loi Schiappa du 3 août 2018 a incrit dans le droit une disposition interprétative sur ce qu'est la contrainte morale quand un mineur de quinze ans est en cause. Notre rapporteure Alexandra Louis a publié un excellent rapport d'évaluation sur ce sujet. Enfin, en l'espace de quelques mois, le Parlement a été saisi de trois textes présentés par trois groupes différents et issus de chacune des deux chambres. Moins de deux mois plus tard, nous discutons d'une nouvelle proposition de loi visant à faire des crimes sexuels sur mineurs une infraction autonome. Nous poursuivons unanimement le double objectif d'incriminer et de réprimer ces faits de façon efficiente et de reconnaître pleinement les victimes mineures.
S'agissant des moyens et des dispositifs à mettre en œuvre, certains choix importants sont partagés par un grand nombre d'entre nous.
Je pense tout d'abord à la création d'infractions autonomes permettant de protéger la victime mineure. Cette mesure est essentielle car elle reconnaît la particulière vulnérabilité du mineur, considérant la minorité comme une singularité et non plus comme une circonstance aggravante. Nous posons un interdit clair en deçà de quinze ans.
Un autre choix partagé et essentiel porte sur la qualification de l'inceste. Cette disposition vise à montrer que l'inceste n'est pas une atteinte sexuelle comme les autres. Elle réaffirme clairement l'interdit. Bien plus, elle reconnaît et relève la gravité spécifique de cette atteinte sexuelle, à l'aune de la rupture d'un lien familial – celui de la victime avec un parent ou un allié – qui aurait dû être un lien de confiance permettant au mineur de construire sa personnalité.
Tout aussi partagé et important est le choix de maintenir l'infraction d'atteinte sexuelle, quelles que soient les précisions données à cette dénomination. Ce choix souligne une nouvelle fois clairement notre volonté de protéger les mineurs, en particulier les plus jeunes, de toute atteinte psychique ou physique dans les situations où leur minorité les fragilise – je pense à toutes les situations où leur âge, leur subordination de fait ou de droit ou leur soumission, qu'elle résulte d'actes actifs ou passifs, se traduit irrémédiablement par une mise en péril.
L'aménagement de la prescription – l'introduction d'une prescription dite « glissante » – est également un choix partagé et un mieux-disant. La prescription ne sera plus enfermée dans un délai de trente ans à compter de la majorité : il s'agit là d'une avancée qui permettra à la victime d'un crime antérieur à sa majorité de bénéficier d'un délai supplémentaire correspondant à la durée de prescription restant à courir au titre du nouveau crime commis par le même auteur.
C'est la volonté d'inscrire dans la loi, de manière claire et intelligible, l'interdiction pour un majeur de commettre, de tenter de commettre ou d'inciter à commettre sur un mineur tout acte de nature sexuelle, quel qu'il soit et de quelque manière que ce soit, qui nous réunit. Cette même volonté devra nous inciter à faire converger nos positions car il s'agit bien de réaffirmer sans équivoque l'interdiction des relations sexuelles entre un majeur et un mineur, en se gardant bien entendu de s'immiscer dans la liberté sexuelle des mineurs ou de préjuger de cette dernière. Parce que nous n'ignorons pas que chaque situation doit être appréhendée singulièrement, nous devons également envisager l'instauration d'un fait justificatif tel que l'écart d'âge afin de ne pas pénaliser les amours adolescentes.
Le Sénat a donc adopté la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, tandis que l'Assemblée nationale a déjà adopté une autre proposition de loi. Deux textes pour un même objectif, deux chambres qui partagent la même volonté ! Il serait bien futile de se disputer la paternité de la loi. Il nous revient plutôt de concentrer nos efforts sur la rédaction d'un texte équilibré, clair, lisible, issu de débats sérieux et des travaux de qualité que chacun de nos collègues parlementaires a menés.
Le sujet dont nous débattons ce matin ne peut et ne doit que faire l'unanimité dans nos rangs. L'actualité nous démontre chaque jour que notre système a des carences, des failles et qu'il n'est pas toujours adapté à ce type de criminalité. Nous n'avons pas le droit de fermer les yeux : nous devons nous saisir de ce sujet et mettre nos enfants à l'abri des attaques ignobles dont certains peuvent faire l'objet.
Le texte que nous examinons ce matin à l'initiative de nos collègues sénateurs vise à simplifier, à clarifier et à rendre plus efficace notre dispositif de protection des mineurs. Nous ne pouvons que constater que le Sénat a fait preuve d'inventivité et d'imagination, faisant fi des vieilles incriminations pour poser un principe fondamental auquel nous ne devons pas déroger : on ne touche pas aux enfants.
Nous abordons l'examen de ce texte avec enthousiasme, mais aussi avec une certaine contrariété. Mme la rapporteure nous a dit qu'elle n'avait pas déposé d'amendement : c'est donc que cette proposition de loi est bonne – si elle avait prêté à discussion ou à modification, il en aurait été autrement ! Mme la rapporteure a également déclaré qu'elle laisserait au Gouvernement le soin de nous présenter la rédaction qui recueille ses faveurs. Or, ce texte est une initiative parlementaire et nous sommes ici à l'Assemblée nationale. Sauf le respect que je dois à M. le garde des sceaux, je m'intéresse donc, non pas à la version qui a les faveurs du Gouvernement, mais à celle qui emportera l'adhésion de la représentation nationale et qui correspondra donc aux souhaits des Français. Le texte initial était bon : je ne vois pas pourquoi nous reviendrions dessus aujourd'hui.
La version que propose le Gouvernement prête à discussion et à confusion. Elle ne permet plus la simplification voulue par le Sénat, qui créait une infraction sexuelle distincte de celles qui existent aujourd'hui dans le code pénal. Réintroduire dans le débat la notion de viol, c'est le complexifier. Nous savons tous que les critères permettant de qualifier une infraction de viol sont complexes, qu'ils prêtent souvent à discussion et à requalification, et qu'ils ne permettent pas toujours d'engager des poursuites claires et précises. Bien que la rédaction proposée par le Gouvernement balaie les critères de violence, de contrainte, de menace et de surprise, nous transformons le principe « on ne touche pas aux enfants » voulu par le Sénat en un principe « on ne touche pas aux enfants, sauf si… ». Nous rouvrons alors un débat juridique complexe, qui n'aboutira pas forcément à une meilleure protection des mineurs.
Même si M. le garde des sceaux a laissé entendre que nous allions en débattre et qu'un certain nombre de choses pourraient évoluer ce matin – nous en sommes évidemment enchantés –, la question de l'écart d'âge de cinq ans est source de confusion. Elle rouvre le débat sur le devenir du mineur de treize ou quatorze ans. La rédaction proposée n'est pas très claire sur ce point.
Un autre problème majeur que pose ce texte concerne l'inceste, qui était jusqu'alors une circonstance aggravante et qui devient une qualification à part entière ne visant plus qu'à protéger les mineurs entre quinze et dix-huit ans. Pour les autres, c'est le droit commun qui s'appliquera : les faits seront automatiquement qualifiés de viol. La qualification d'inceste, importante d'un point de vue psychologique et moral, ne servira plus qu'à pallier la carence du texte s'agissant des jeunes de quinze à dix-huit ans.
Ces sujets nous préoccupent et nous inquiètent. J'espère que nos débats nous permettront de progresser, de sorte que ce texte, que nous adopterons à l'unanimité, puisse être voté avec enthousiasme.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire en séance publique lors de l'examen de la proposition de loi de notre collègue Isabelle Santiago renforçant la protection des mineurs victimes de violences sexuelles, nous constatons une libération de la parole dans les livres, sur les réseaux sociaux et dans les familles. Les victimes dénoncent des crimes et se défendent avec des mots qui brisent leurs chaînes, celles du silence et de la souffrance ; ces mots les réparent un peu ou beaucoup, mais jamais totalement.
Aider à réparer, à se reconstruire, à surmonter la honte et la douleur, à redonner du sens à la vie quand l'enfance a été niée, piétinée, volée, violée : tel est notre devoir de législateur. Le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés travaille depuis longtemps sur ce sujet douloureux et extrêmement important. Il y a trois ans, lors de l'examen de la loi Schiappa renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, nous avions d'ailleurs clairement appelé à un débat de fond sur les violences sexuelles faites aux mineurs. Nous avions notamment insisté sur la nécessité de prévoir un âge de non-consentement pour les mineurs de quinze ans.
Si la proposition de loi de notre collègue sénatrice Annick Billon répond en partie à notre souhait en fixant un seuil de non-consentement, nous souhaitons cependant que ce dernier passe de treize à quinze ans. C'est la raison pour laquelle notre groupe soutiendra l'amendement de réécriture de l'article 1er déposé par le Gouvernement. Cet amendement essentiel constitue une véritable avancée : il permet d'aller plus loin et de faire mieux que ce que nous proposent nos collègues sénateurs. Outre l'interdit clair, pour un majeur, d'avoir des relations sexuelles avec un mineur de moins de quinze ans, qui sera inscrit dans le code pénal, une soupape de sécurité est prévue afin de préserver les amours adolescentes entre des mineurs dont l'un devient majeur : tel est le but de l'instauration d'un écart d'âge maximal de cinq ans. Le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés soutient non seulement ce principe, mais aussi l'écart de cinq ans proposé. Notre position est liée à la nécessité de respecter les exigences constitutionnelles ainsi qu'à notre absolue conviction qu'il ne faut pas pénaliser des relations consenties entre adolescents parce que celles-ci déplairaient à un tiers pour des raisons de discrimination raciale, sexuelle ou autre.
L'amendement du Gouvernement prévoit une interdiction tout aussi claire de tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis par un majeur sur un mineur lorsque l'auteur est un ascendant. Cela va dans le bon sens, mais nous avons déposé un sous-amendement visant à élargir le périmètre de l'inceste pour y englober, notamment, les actes perpétrés par les oncles, tantes, frères et sœurs, ou par toute autre personne exerçant sur le mineur une autorité de droit ou de fait.
Par ailleurs, il nous semble indispensable d'intégrer, dans la définition du viol, les actes bucco-génitaux, qui n'apparaissent pas dans l'amendement du Gouvernement portant réécriture de l'article 1er. Il est très important, à nos yeux, de protéger les petites filles de la même façon que les petits garçons. La jurisprudence a démontré ses failles en la matière.
Notre groupe est également favorable au maintien de l'infraction d'atteinte sexuelle, que le Gouvernement propose de dénommer « abus sexuel ». C'est indispensable pour sanctionner non seulement des faits commis par le passé, mais aussi des faits susceptibles d'être commis dans le futur et qui ne tomberont pas sous le coup des nouvelles incriminations.
Enfin, nous soutiendrons le mécanisme de prescription prolongée des viols sur mineurs dans sa version issue de l'amendement du Gouvernement. Il s'agit là encore d'une avancée importante.
Nous saluons le travail de concertation mené en amont de l'examen de cette proposition de loi. Nous remercions M. le garde des sceaux pour son écoute et pour la prise en compte de nos attentes dans les amendements du Gouvernement. Nos remerciements vont également à Mme la rapporteure. Après les dysfonctionnements observés lors de la discussion de la proposition de loi de Mme Isabelle Santiago, il est de notre responsabilité de nous rassembler pour aboutir à un texte pertinent, juste et bien écrit. Nous devons protéger les mineurs et punir fermement tous ceux qui viendront briser leur innocence. Le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés sera au rendez-vous.
Je serai toujours prête au dialogue dès lors qu'il s'agit de préserver l'intérêt supérieur de l'enfant, mais cela ne m'empêche pas de formuler quelques observations.
Tout d'abord, je rappelle que l'examen par notre commission de la proposition de loi de Mme Annick Billon, adoptée par le Sénat le 21 janvier dernier, intervient après la discussion d'une autre proposition de loi, adoptée quant à elle à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 18 février après avoir été enrichie par divers amendements d'origine parlementaire.
La construction juridique du texte dont nous sommes saisis ce matin est problématique en ce qu'il tend à fixer un seuil d'âge à treize ans et ne dit rien de l'inceste. Au Sénat, plusieurs groupes avaient déposé des amendements visant à porter ce seuil d'âge à quinze ans – à dix-huit ans en cas d'inceste –, mais ils n'ont été retenus ni par la majorité sénatoriale ni par les membres du Gouvernement présents en séance publique.
C'est dommage, car il nous faut, de ce fait, réécrire aujourd'hui la proposition de loi de Mme Billon sur plusieurs points : le seuil d'âge à quinze ans, l'infraction autonome, le seuil d'âge à dix-huit ans en matière d'inceste et l'écart d'âge de cinq ans, qui ne manquera pas de susciter le débat. Toutefois, guidés par l'intérêt supérieur de l'enfant, nous parviendrons, je l'espère, à nous rassembler.
Nous allons examiner les amendements que le Gouvernement n'avait pu présenter lors de la discussion du 18 février, étant précisé que, de son côté, notre rapporteure s'est abstenue d'en déposer. Je prends acte de cette situation, en précisant que les avancées qui ont fait l'objet d'un vote unanime le 18 février devront se retrouver dans ce texte. Le droit doit en effet être modifié et la parole de l'enfant être entendue. Il nous faut répondre aux attentes très fortes des milliers de victimes.
S'agissant de l'amendement dit « Roméo et Juliette » sur les amours adolescentes, j'en approuve l'esprit mais j'appelle votre attention sur le fait qu'il pourrait avoir pour conséquence de remettre en cause la prise en compte de la contrainte exercée sur les moins de quinze ans. De fait – je le sais pour participer moi-même à des commissions avec le préfet et le procureur –, la protection de l'enfance a affaire, sur le terrain, à des jeunes filles de quatorze ans amoureuses de jeunes gens de dix-huit ans à vingt ans qui exercent sur elles une emprise telle qu'elles sont conduites à faire des passes dans des appartements. Ces jeunes filles fragiles, souvent fugueuses, qui ne diront jamais qu'elles ont agi sous la contrainte, doivent être protégées – tel était notamment l'objet de la proposition de loi que j'ai présentée. Or, à moins que l'on ne m'explique le contraire, l'amendement instaurant un écart d'âge de cinq ans risque de les fragiliser davantage.
Quant à l'inceste, il convient d'élargir sa définition de manière à y englober notamment la fratrie et le beau-père.
En France, on estime que chaque classe d'école compte en moyenne deux enfants victimes d'inceste ou de pédocriminalité. Par ailleurs, 81 % des violences sexuelles commencent avant dix-huit ans ; la première agression survient en moyenne à neuf ans et, dans 94 % des cas, elle est commise par un proche. Ces chiffres sont terrifiants.
La politique pénale, les politiques publiques de façon générale doivent apporter des réponses. À ce propos, je veux remercier non seulement la société civile pour sa mobilisation, les victimes qui ont osé parler et nos collègues Alexandra Louis, Sophie Auconie et Isabelle Santiago pour le combat qu'elles mènent depuis de nombreuses années, mais aussi M. Adrien Taquet et M. le garde des sceaux pour leur engagement fort sur cette question sensible.
Il convient d'évoquer, au-delà de l'objet du texte lui-même, la question de la prévention. L'enjeu majeur, pour une société qui souhaite développer la culture de la protection, est d'anticiper les faits par un repérage systématique et de construire des outils opérationnels utilisables par les professionnels qui travaillent jour après jour avec les enfants pour recueillir leur parole. M. Édouard Durand, juge des enfants et coprésident de la commission sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, rappelle que l'on dit souvent aux victimes de violences, qu'elles soient adultes ou enfants : « Il faut parler ». Mais ne serait-ce pas d'abord à la société de parler ? Les professionnels en contact avec les enfants ne doivent-ils pas être capables de déceler les signaux ? N'est-il pas temps que la société entière cesse de détourner le regard face aux enfants maltraités ? Il nous faudra, avant même les résultats de la grande enquête de victimation que doit réaliser la commission que j'évoquais à l'instant, améliorer la prévention ; c'est dans ce but, du reste, qu'a été lancé, au mois de novembre, le numéro unique destiné aux personnes pédophiles pour éviter le passage à l'acte.
J'en viens au texte lui-même, c'est-à-dire au volet pénal. Le texte adopté par le Sénat comporte beaucoup d'avancées, notamment la création d'une infraction autonome de crime sexuel sur un mineur de treize ans. Nous sommes certes en désaccord sur le seuil d'âge, mais j'ai bon espoir que nous pourrons le porter à quinze ans. Le groupe Agir ensemble estime par ailleurs nécessaire de prendre en considération les amours adolescentes, les Roméo et Juliette : on ne peut pas devenir criminel du jour au lendemain simplement parce qu'on a une relation amoureuse avec quelqu'un d'un peu plus jeune que soi. À cet égard, la prise en compte d'un écart d'âge n'est peut-être pas parfaite mais me semble être la meilleure option que nous ayons à notre disposition.
En ce qui concerne l'infraction autonome d'inceste, il est indispensable – et l'actualité nous incite à avancer en la matière – que la répression pénale soit à la hauteur. Il me paraît intéressant à cet égard de fixer un seuil de non-consentement à dix-huit ans. Les amendements déposés par de nombreux groupes permettront par ailleurs d'étendre la protection que nous accorderons aux moins de dix-huit ans en visant, au-delà des simples ascendants, les personnes qui ont sur le mineur une autorité de droit ou de fait. Cette avancée est indispensable.
D'autres propositions nous tiennent particulièrement à cœur. Je pense à celle qui concerne le fameux délit de non-dénonciation. Nous estimons nécessaire d'allonger le délai de prescription de ce délit, car il paraît inconcevable que l'auteur d'une infraction puisse se retrouver aux assises dix ou quinze ans après les faits mais que la personne qui savait et s'est tue soit exonérée de toute responsabilité. Le Sénat a adopté un allongement de ce délai de prescription, mais nous pouvons aller un peu plus loin.
En conclusion, le groupe Agir ensemble soutiendra avec force cette proposition de loi. Nous avons la volonté d'avancer, quelle que soit l'origine du texte qui nous le permettra, et nous y parviendrons, j'en suis convaincu.
Il existe un consensus sur les objectifs de cette proposition de loi comme, du reste, de celle examinée par notre assemblée il y a une dizaine de jours. La libération de la parole et la médiatisation de certaines affaires rendent plus insupportables encore les violences sexuelles dont sont victimes des enfants, des adolescents, dont les vies sont durablement brisées. Il nous faut aboutir à un consensus sur le texte que nous examinons.
Cela étant dit, le groupe UDI s'étonne de la méthode utilisée pour améliorer le texte du Sénat. Nous voulons bien entendu en conserver l'esprit, mais chacun est conscient, à commencer par Mme Annick Billon elle-même, qu'il présente certaines limites, notamment en ce qui concerne le seuil d'âge. Le seuil de quinze ans, qui n'a pas été adopté au Sénat, fait néanmoins désormais consensus.
Par ailleurs, nous devons garder à l'esprit que l'objet de la proposition de loi est la protection de l'enfant. S'agissant des mineurs de moins de quinze ans, monsieur le garde des sceaux, il ne saurait être question de rechercher un équilibre entre la protection de l'enfant et celle de la liberté sexuelle. Nous ne pouvons pas tergiverser : le droit de l'enfant doit primer sur toute autre considération. C'est la raison pour laquelle nous militons pour la création d'une infraction autonome de crime sexuel sur mineur de quinze ans, crime qui doit, nous semble-t-il, sortir de la section du code pénal consacré au viol et faire l'objet d'une section spécifique. En effet, si on l'intègre dans le cadre du viol, celui-ci étant en l'espèce constitué même en l'absence de contrainte, menace ou surprise, on réintroduit un débat, qui peut être d'ordre constitutionnel, sur la présomption de culpabilité de l'auteur. Ainsi la réécriture proposée par le Gouvernement fragilise-t-elle plus qu'elle ne le clarifie le texte du Sénat, d'autant que cette rédaction – et le garde des sceaux en convient lui-même, puisqu'il acceptera des sous-amendements visant à étendre la qualification d'inceste aux actes commis par toute personne ayant une autorité sur la victime ou une proximité morale avec elle – n'est pas achevée. Le débat parlementaire doit donc nous permettre d'aboutir à une rédaction plus consensuelle.
Le groupe UDI tient par ailleurs à ce que soit abordée, en séance publique, la question de l'amnésie traumatique, absente du texte, ainsi que celle des crimes sexuels sur les mineurs atteints d'un handicap psychique.
Il est heureux que se dégage enfin, au sein de l'Assemblée nationale, une majorité pour réaffirmer l'interdiction des violences sexuelles sur mineur. Tel n'était pas le cas il y a deux ans et cette évolution est sans doute à porter au crédit, non seulement de ceux de nos collègues qui sont à l'origine de ces propositions de loi, mais aussi et surtout des spécialistes, des associations et des collectifs de victimes qui ont maintenu une pression constante, accrue par les révélations médiatiques et l'écho de plus en plus important rencontré par la parole des victimes. Nous saluons donc cette avancée du Gouvernement et des majorités de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Le groupe La France insoumise est cependant très mécontent de la manière dont les débats se déroulent. Il y a trois semaines, nous examinions, dans cette même salle, une autre proposition de loi portant sur le même sujet qui, si elle n'a pas obtenu la faveur du Gouvernement, a néanmoins recueilli l'unanimité des suffrages de l'Assemblée nationale. Elle aurait pu être encore amélioré par le Sénat. Par respect pour le travail parlementaire, on aurait dû permettre qu'elle aille au bout du processus législatif. Au lieu de cela, nous sommes amenés à discuter d'un texte qui est en réalité une proposition de loi gouvernementale, puisque le Gouvernement propose de la récrire entièrement. De ce fait, non seulement celui-ci est dispensé de nous soumettre une étude d'impact – comme il y est tenu dans le cadre d'un projet de loi –, mais nous en sommes réduits à déposer des sous-amendements sur les amendements du Gouvernement. En définitive, tout le monde s'y perd : les parlementaires, les professionnels du droit et les associations ! Cette méthode nous semble dommageable tant au travail parlementaire qu'au résultat final de nos travaux.
Quoi qu'il en soit, un certain nombre de points restent à clarifier : le seuil d'âge est fixé à treize ans alors qu'il nous semblait que l'on avait évolué à ce sujet ; s'agissant de la connaissance de l'âge de la victime, il nous semble nécessaire de renverser la charge de la preuve ; le quantum des peines, vingt ans de réclusion dans les deux cas, n'établit pas de distinction entre le viol sur mineur et le viol incestueux sur mineur ; enfin, la protection des lanceurs et lanceuses d'alerte est insuffisante – je pense en particulier au cas, récemment médiatisé, de la pédopsychiatre Eugénie Izard, sanctionnée par l'ordre des médecins après avoir dénoncé des maltraitances et des suspicions d'inceste.
Il y aurait donc beaucoup à faire pour compléter le travail déjà accompli. Hélas, la méthode choisie ne nous permet pas de régler l'ensemble des questions qui doivent l'être !
La proposition de loi que nous examinons est particulièrement sensible, tant le sujet est complexe et douloureux. Trop longtemps, les violences sexuelles subies par de jeunes enfants ont été minorées et passées sous silence. Et lorsqu'en de rares occasions, la parole se libérait, l'accueil était insuffisant, voire hostile. À l'angoisse paralysante des victimes se sont ajoutées l'impunité des agresseurs et la folle croyance de ceux qui considéraient que les enfants étaient en mesure, dès le plus jeune âge, de s'ouvrir à une sexualité consentie avec des adultes.
L'examen de cette proposition de loi montre à quel point le regard que la société porte sur ces violences a profondément évolué. Il s'agit désormais de ne plus rien laisser passer ! Les victimes et les associations sont attentives à notre débat. Le sujet mérite que nous dépassions les clivages politiques pour aboutir à un consensus sur les mesures indispensables à la protection des mineurs.
Le texte marque une avancée que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine tient à saluer : enfin, le viol sur mineur est un crime à part entière. Parce que l'enfance est un moment d'émerveillement, d'apprentissage et de vulnérabilité, il arrive que des adultes abusent de l'innocence des enfants. Nous devons donc édicter un interdit clair et aller plus loin que le seuil des treize ans inscrit dans la proposition de loi. En deçà de quinze ans, il ne saurait y avoir de consentement. En d'autres termes : avant quinze ans, c'est non !
Parce que ce constat ne peut souffrir aucune exception, il est insupportable que des affaires de viol sur mineur de moins de quinze ans puissent être correctionnalisées. À cet égard, le renforcement de l'atteinte sexuelle proposé à l'article 1er bis ne nous paraît pas suffisamment protecteur. Nous regrettons également que le problème de l'inceste soit si peu abordé. Il y a urgence à légiférer pour que celui-ci ne soit plus une surqualification pénale ni la circonstance aggravante d'un viol, mais bien un crime. La proposition de loi de Mme Isabelle Santiago visait notamment à insérer deux nouveaux articles dans le code pénal : l'un caractérisant le viol incestueux sur mineur, l'autre l'atteinte sexuelle incestueuse sur mineur. Dans le cas de faits incestueux, le seuil d'âge de non-consentement du mineur serait porté à dix-huit ans. Cela nous paraît cohérent ; nous soutiendrons donc les amendements allant en ce sens.
Par ailleurs, l'absence d'une infraction autonome d'atteinte sexuelle sur mineur nous paraît préjudiciable pour de nombreuses victimes. Parce que le dispositif qu'elle propose nous semble plus protecteur, nous soutiendrons, là encore, l'amendement que Mme Isabelle Santiago a déposé à ce sujet.
Nous sommes inquiets de l'instauration de la clause dite « Roméo et Juliette », que le Gouvernement semble vouloir reprendre à son compte. Nous nous y opposerons formellement. L'écart d'âge de cinq ans ne protégera pas suffisamment les mineurs de treize et quatorze ans ayant des relations sexuelles avec des majeurs de dix-huit et dix-neuf ans. Nous défendrons uniquement les cas où la relation existait avant que l'un des deux mineurs atteigne l'âge de la majorité et où il n'existe aucun lien d'autorité, de droit ou de fait, de l'un sur l'autre.
Enfin, je défendrai plusieurs amendements portant sur des mesures qui ne figurent pas dans le texte mais qui méritent une attention particulière. Je déplore ainsi l'absence de mesures de prévention en milieu scolaire. Aussi proposerai-je que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les mesures de prévention et les dispositifs de sensibilisation destinés à lutter contre les violences sexuelles sur mineurs. Quant aux abus sexuels sur les enfants atteints de handicap, ils sont rarement abordés alors qu'il s'agit d'un problème de grande ampleur. En 2012, l'Organisation mondiale de la santé affirmait que le risque pour un enfant d'être victime de violences sexuelles est 2,9 fois plus élevé s'il est atteint d'un handicap et 4,6 fois plus élevé s'il s'agit d'un handicap mental. Quant aux femmes autistes, 88 % d'entre elles ont été victimes de violences sexuelles, dont un tiers avant l'âge de neuf ans. Je défendrai un amendement visant à fixer un seuil de non-consentement à dix-huit ans dans le cas de relations sexuelles entre une personne porteuse de handicap et un adulte.
Cette proposition de loi est le deuxième texte que nous examinons sur le sujet en moins d'un mois. À nous de le consolider ensemble, au-delà de nos appartenances politiques respectives.
Les violences sexuelles sont un fléau et elles sont pires encore si elles sont perpétrées par des personnes ayant autorité sur les victimes, que ce soit à l'école, au sein de la famille ou dans les hôpitaux, tant il est difficile de se construire lorsqu'on a perdu confiance en ceux qui étaient censés nous protéger. Mais les mentalités ont changé dans ce domaine et c'est heureux ! Alors qu'on demandait bien souvent aux victimes de se taire et qu'on les culpabilisait – en leur reprochant, par exemple, la longueur de leur jupe… – dorénavant, on recherche les agresseurs pour les punir. Il suffit, pour se convaincre de ce changement de mentalité, d'observer le nombre des députés présents ce matin – si élevé que les gestes barrières en pâtissent.
Je ne suis pas spécialiste de ces questions, mais il me paraît fondamental d'aggraver les sanctions lorsque les actes sont commis par des personnes ayant autorité. Que ce soit dans les hôpitaux ou les écoles, on ne peut pas excuser les personnes qui agressent ceux qu'ils sont censés protéger. Quant à la définition de l'inceste, il convient de l'élargir à la fratrie, sans quoi on risque de porter un coup d'épée dans l'eau.
Je crois également important d'insister sur la prévention, qui me semble un peu délaissée. Enfin, il convient de réfléchir à la manière dont on peut encourager les personnes qui détiennent une information à dénoncer les comportements dont elles ont été témoins. Il me paraît important de leur indiquer, car elles sont souvent elles-mêmes démunies, la procédure à suivre et de les informer sur la protection dont elles bénéficieront.
Nous nous efforçons de concilier expression démocratique et respect des gestes barrières. Nous le faisons dans des conditions parfois difficiles, mais je ne peux vous laisser dire que les gestes barrières ne sont pas respectés dans cette salle.
La protection des enfants contre les agressions et crimes sexuels est depuis quelques semaines au centre des préoccupations du Parlement. Force est en effet de constater que la société, le législateur, la justice ne protègent pas suffisamment les enfants. Les chiffres sont terribles : on estime qu'en moyenne deux à trois enfants par classe sont victimes d'inceste. À combien ce nombre s'élève-t-il si l'on prend en compte l'ensemble des enfants victimes d'agressions et de crimes sexuels ?
La pédocriminalité doit être davantage pénalisée. Je me félicite que Parlement et Gouvernement se mobilisent en ce sens, au-delà des clivages partisans. Il est urgent, nous en avons tous conscience, de faire évoluer notre droit. La parole des victimes est de plus en plus prise en compte : enfin, nous les écoutons, nous les entendons, nous les croyons – et je tiens à saluer le courage incroyable de celles et ceux qui ont pris la parole.
Des principes clairs et absolus doivent être redéfinis : avant quinze ans, les rapports et pratiques sexuels, quels qu'ils soient, d'adultes avec des enfants doivent être strictement interdits sans que l'on recherche un consentement. Ce seuil d'âge doit être porté à dix-huit ans dans les cas d'inceste ou si l'adulte exerce une autorité sur l'enfant. À mon sens, il ne doit y avoir ni assouplissement ni exception à cette interdiction, qui doit être stricte. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé, avec mes collègues Latombe, Petit et Goulet, deux amendements visant à réduire l'écart d'âge, dont je comprends parfaitement l'intérêt au plan constitutionnel, mais qui aboutirait à fragiliser la protection des mineurs âgés de treize à quinze ans.
Il existe un consensus sur le principal objectif des deux propositions de loi – celle de Mme Isabelle Santiago, dont nous avons discuté il y a quelques jours, et celle que nous examinons aujourd'hui –, qui est de protéger les droits de l'enfant et de faire toujours prévaloir son intérêt supérieur. Hélas, le consensus se limite à cet objectif. Plusieurs points d'achoppement doivent être examinés attentivement. J'estime, par exemple, inacceptable que le seuil de non-consentement soit fixé à treize ans. Le fait de le porter à quinze ans semble faire l'unanimité – tant mieux ! –, mais je m'interroge sur la réintroduction d'un écart d'âge de cinq ans. Si je comprends le souhait de protéger les amours adolescentes, je m'inquiète qu'une petite fille de douze ans qui aurait une relation amoureuse avec un adolescent de dix-sept ans, par exemple, puisse ne pas être correctement protégée à cause de cette mesure. De fait, on ne peut pas ignorer l'emprise que le plus âgé peut exercer sur le plus jeune. Cet écart d'âge m'apparaît ainsi très clairement comme une régression de la protection des victimes.
Je regrette également que, s'agissant de l'inceste, la rédaction du Gouvernement ne mentionne que les ascendants. À cette rédaction trop imprécise, il faut, me semble-t-il, préférer la notion d'ascendants directs ou indirects, qui permet d'englober les personnes qui exercent une autorité de fait sur le mineur. Je défendrai des amendements en ce sens. En outre, la rédaction de l'amendement CL76 du Gouvernement me semble problématique en ce qu'elle vise les faits commis par une personne majeure sur un mineur « d'au moins quinze ans ».
L'intérêt supérieur de l'enfant doit être notre seule préoccupation. Aussi, j'espère que ce principe guidera nos discussions et que nous travaillerons dans un esprit transpartisan, sans querelle de clocher.
Merci pour cette belle invitation, qui vient clore les interventions liminaires sur ce texte. Je donne la parole à la rapporteure et au Gouvernement pour leurs réponses.
Merci, chers collègues, Monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, pour vos interventions claires et fortes.
Nous pouvons nous réjouir de partager un constat : il y a quelques années, nous n'aurions pas eu un tel débat à l'Assemblée nationale. La société a évolué, bientôt notre droit évoluera également. Mais nous partageons également un objectif, celui de mieux protéger les mineurs en fixant un seuil d'âge à quinze ans, en intégrant l'inceste dans notre corpus pénal et en progressant sur la question de la prescription – nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.
Monsieur le garde des sceaux, je salue votre volonté d'avancer et le courage dont vous faites montre. Je partage votre exigence concernant la lisibilité du droit ainsi que votre volonté de préserver les relations consenties entre adolescents. Sur cette question, qui nous occupera beaucoup, vous me trouverez à vos côtés. Il serait en effet inconstitutionnel et surtout injuste de pénaliser les amours adolescentes.
En ce qui concerne l'inceste, certains ont souligné le fait que j'avais déposé peu d'amendements. C'est vrai, mais nous pourrons continuer à réfléchir. Si je salue le choix de fixer à dix-huit ans l'âge en deçà duquel on écarte la recherche d'un consentement pour les mineurs victimes d'inceste, je crois nécessaire d'appeler les choses par leur nom en inscrivant le mot « inceste » dans le texte et de réfléchir à une architecture appropriée.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie d'avoir évoqué la prévention. Nous examinons, certes, un texte répressif. Mais s'il est un combat prioritaire, c'est bien celui de la prévention, de la détection et de l'accompagnement. Les mesures que vous avez prises sont les bienvenues. Il faut donner à la société les moyens de réagir à ce fléau.
Monsieur Terlier, je partage votre volonté d'aboutir à un texte équilibré et protecteur. Nos travaux permettront, je le crois, de mieux protéger nos enfants et de mieux sanctionner les auteurs tout en préservant les exigences constitutionnelles, qui nous sont chères.
Monsieur Savignat, vous avez souligné la complexité du sujet. Il est vrai que, si nous nous accordons sur les objectifs, nous devons faire des choix car plusieurs voies peuvent être empruntées. Le garde des sceaux nous présentera la position du Gouvernement. Nous avons encore le temps de travailler : le sujet est trop complexe pour que tout se joue aujourd'hui, en commission. Il est certes urgent de légiférer mais nous devons prendre le recul nécessaire et nourrir notre réflexion, notamment sur certains des éléments que vous avez évoqués. Le texte que nous examinons est d'origine parlementaire mais, en cette matière, nous avons besoin de travailler avec le Gouvernement. Le combat que nous menons est collectif.
Madame Santiago, je partage votre volonté de porter le seuil d'âge de treize à quinze ans. Il me semble que, sur ce point, nous sommes unanimes. Vous souhaitez que le texte évolue ; ce sera le cas. Le Gouvernement défendra un amendement, sur lequel plusieurs sous-amendements ont été déposés qui nous permettront de marquer certains progrès.
Quant à l'écart d'âge, nous n'avons pas d'autre choix que de le prendre en compte car nous devons éviter que, dans la pratique, le texte ne complique la vie des magistrats. La vie pénale est faite d'exceptions et de cas particuliers. Nous avons la tâche, très délicate, de construire des normes générales et précise. Là est toute la difficulté de l'exercice.
La prostitution est une problématique sociétale qui a pris une ampleur considérable ces dernières années ; je l'avais souligné dans mon rapport d'évaluation et le Gouvernement est mobilisé sur ce sujet. À propos des amours adolescentes, vous avez évoqué la problématique de l'emprise. Cette notion est de plus en souvent prise en compte par les magistrats. L'est-elle suffisamment ? Sans doute pas. Dans les cas que vous évoquez, l'impunité n'est pas totale. Toutefois, nous devons faire en sorte de mieux protéger les mineurs, dans le domaine pénal mais aussi dans celui de l'enfance. Je ne suis pas certaine que la lutte contre la prostitution passe exclusivement par la problématique de l'écart d'âge.
Monsieur Houbron, les chiffres sont en effet terrifiants. Vous avez raison, il ne faut plus détourner le regard. Ces crimes doivent être dénoncés pour ce qu'ils sont. S'il est un message que nous devons transmettre, c'est le suivant : face à un doute ou à une simple suspicion, il faut réagir. Dans le doute, on ne s'abstient pas. Vous portez ce message avec beaucoup de force et je vous en remercie. Sur la nécessité de protéger les amours adolescentes, je suis d'accord avec vous.
Monsieur Brindeau, je ne reviendrai pas en détail sur le seuil d'âge parce que j'en ai déjà parlé et que nous en parlerons encore, mais je partage votre affirmation selon laquelle la protection de l'enfant doit primer. La Convention de New York nous le rappelle. L'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale dans nos débats. Vous considérez que nos travaux devraient s'intégrer à une section spécifique du code pénal. Nous en discuterons, parce que, si le sujet est très fort, il est aussi technique d'un point de vue juridique, ce qui conduit à faire des choix. Il n'y a pas de choix idéal ni de voie nous garantissant que tout cela soit constitutionnel. Nous sommes sur une ligne de crête, ce qui ne doit pas nous empêcher d'avancer avec détermination. Mais la détermination ne doit pas nous faire oublier la prudence que nous devons aux victimes.
Madame Obono, dès 2018, sur tous les bancs de l'hémicycle, nous avons eu la volonté, partagée par le Gouvernement, d'avancer pour protéger les victimes. Il ne faut pas renier ce que nous avons fait alors. Nous avons fait avancer le débat et nous le ferons encore. Sur ce sujet, chaque jour est un combat, qui a évolué grâce à la société civile, grâce à des parlementaires élus avant nous – je pense notamment à Gisèle Halimi qui n'avait pas éludé la question des mineurs. Il faut nous rappeler que c'est un combat de longue haleine, dans lequel nous devons progresser avec prudence. Vous regrettez l'absence d'étude d'impact. J'aurais, comme nous tous, préféré que nous ayons un avis du Conseil d'État et une étude d'impact. Cela ne nous empêche pas d'avancer de façon éclairée, grâce aux auditions notamment. Nous reviendrons sur l'écart d'âge tout comme sur l'intentionnalité dans la connaissance de l'âge. Contrairement à vous qui pensez que nous faisons du surplace, je pense que nous avons une belle occasion d'avancer.
Madame Lebon, vous avez rappelé que la proposition de loi dépassait les clivages politiques, ce que je partage, tout comme votre constat de l'urgence à légiférer sur l'inceste. Actuellement, il n'est qu'une surqualification en droit pénal et une circonstance aggravante uniquement quand elle concerne un ascendant. Nous avons vocation à avancer. Nous sommes attendus sur ce sujet. Le législateur a reculé à plusieurs reprises, non pas par manque de volonté mais parce qu'il se heurtait à des difficultés juridiques. Je suis intimement persuadée que nous avons la possibilité d'avancer aujourd'hui. Je partage aussi votre combat relatif à la clause « Roméo et Juliette ». Nous sommes également sensibles à la question du handicap, que vous avez soulevée. Je ne sais pas, en revanche, si nous y répondrons dans le cadre de cette loi pénale. Dans tous les cas, cela doit être au cœur de nos débats.
Monsieur Molac, il y a bien un changement de mentalité que la loi doit accompagner. Elle doit aller vers un changement de civilisation. C'est un combat culturel que nous devons mener. La loi pénale peut et doit beaucoup, mais elle ne pourra pas tout. C'est pour cela que je soulignais le besoin d'avancer en matière de prévention.
Madame Jacquier-Laforge, la mobilisation parlementaire est effectivement nécessaire. Nous devons faire avancer notre droit. Je comprends votre volonté de progresser sur la question de l'écart d'âge. Je suis sensible à vos arguments mais nous devons déjà nous dire que ce texte est une avancée historique et qu'il va falloir faire preuve de prudence, afin de ne pas créer plus d'injustices mais d'en éviter. Nous devons vraiment faire en sorte que ce texte tienne la route, si je puis dire. S'il devait être censuré, nous serions tous dans une situation très compliquée pour l'expliquer aux victimes.
Madame Ménard, je partage évidemment votre exigence de faire prévaloir l'intérêt supérieur de l'enfant. Pour le seuil d'âge, vous avez compris que notre volonté était de le porter à quinze ans. Concernant l'écart d'âge, j'ai eu un peu de mal à vous suivre parce que vous évoquez un mineur de douze ans. Le principe de l'écart d'âge n'entre pas en compte dans les relations entre mineurs. Dans le cas d'un mineur de douze ans avec un majeur de dix-huit ans, l'écart d'âge sera supérieur à cinq ans. Le mineur de douze ans ne sera donc pas concerné par ce principe qui concerne les victimes entre treize et quatorze ans et les auteurs entre dix-huit et dix-neuf ans. Il ne s'agit que de ce cas très spécifique. Certains pays européens sanctionnent les relations sexuelles entre mineurs ; ce n'est ni ma volonté ni celle du Gouvernement. Concernant l'ascendant indirect, je ne vous ai pas bien comprise. L'idée est que l'inceste concerne tous les mineurs de dix-huit ans. Il ne s'agit pas d'établir des catégories, même si la rédaction prête peut-être à confusion. Il faut protéger tous les mineurs de zéro à dix-huit ans de l'inceste. Au-delà de dix-huit ans, il existe d'autres dispositifs juridiques.
Le Gouvernement n'est pas sur la défensive concernant la proposition de loi. Nous disons qu'il faut réfléchir et nous avons réfléchi. Madame Santiago, je n'ai jamais dit que j'étais contre le fait de porter le seuil à quinze ans. Vous pourrez le vérifier aisément. Après l'examen de cette proposition de loi au Sénat, le Président de la République nous a demandé de recevoir les associations. Nous l'avons fait et nous avons constaté que le discours n'était pas univoque. Il y a sur un certain nombre de sujets de vraies divergences que l'on retrouve ici. C'est bien normal, dès lors qu'il s'agit de morale, d'intime – je pense en particulier à la sexualité de nos adolescents, dont je ne veux pas être le censeur. J'entends que les uns et les autres peuvent exprimer des morales différentes, des conceptions des choses opposées.
Je voudrais quand même dire que ce texte est une avancée majeure. Il y a un point sur lequel nous obtenons un consensus : le seuil de quinze ans. Il ne faut pas, me semble-t-il, que certaines divergences viennent masquer ces avancées. La rapporteure Alexandra Louis a parlé d'un texte historique et je pense qu'elle a raison. Gardons-nous de confondre le principal avec le subsidiaire.
Monsieur Savignat, je ne méconnais pas le rôle du Parlement. J'ai appris, depuis que je suis ministre de la justice, et je le savais avant d'ailleurs, que c'est le Parlement qui vote la loi – cela ne m'a pas échappé. Mais le rôle du Gouvernement, dans ce dossier précis, est peut-être de rappeler, avec une certaine forme de sagesse que j'espère pouvoir revendiquer, qu'on ne peut pas légiférer sous le coup de l'émotion, qu'il y a des règles de proportionnalité et de constitutionnalité, des règles qui tiennent à l'équilibre des peines et à la philosophie du droit. C'est le rôle du garde des sceaux dans l'examen d'un texte comme celui-ci.
Madame Ménard, vous vous trompez. C'est rare car vous connaissez à la perfection vos dossiers. Dans votre hypothèse d'une relation entre un mineur de douze ans et un autre de dix-sept ans, c'est la loi de 2018 qui s'appliquera sans aucune ambiguïté.
Enfin, je m'étais engagé à prendre une circulaire pour demander à tous les procureurs d'ouvrir des enquêtes préliminaires, même quand les faits pouvaient paraître prescrits – parfois c'est l'enquête préliminaire qui révèle si les faits sont prescrits ou non. Je reviendrai sur ce point, mais je tenais à vous le dire pour que votre réflexion soit complète.
La Commission en vient à l'examen des articles.
Avant l'article 1er
La Commission examine l'amendement CL33 de Mme Isabelle Santiago.
Partant du principe que nous n'allions pas légiférer à quinze jours d'écart de manière différente, l'amendement vise à créer un chapitre premier afin de rendre le texte plus lisible.
Je ne suis pas hostile par principe au fait de structurer un texte, mais vous voyez bien qu'il est appelé à fortement évoluer au cours des débats. Je ne suis pas sûre que le découpage proposé soit pertinent puisqu'on ne peut présumer des votes de la Commission. Je vous suggère de le retirer.
Je vous propose également de le retirer. Ce sera un défi pour moi de vous convaincre ! La réécriture de l'article 1er par l'amendement CL76 du Gouvernement visera les viols sur mineurs de quinze ans mais aussi les viols incestueux sur mineurs jusqu'à dix-huit ans. Il est nécessaire de dénommer viols les nouveaux crimes qui seront institués. Ils seront insérés dans la partie du code pénal déjà consacrée au viol. Il n'y a donc pas lieu de traiter dans deux endroits distincts de la proposition de loi les viols non incestueux commis sur des mineurs de quinze ans et les viols incestueux commis sur des mineurs de dix-huit ans. La division en deux chapitres risque de faire perdre de la clarté. Je vous redemande donc, avec une espérance faible, un retrait.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement CL71 de Mme Florence Provendier.
Cet amendement à forte charge symbolique vise à rappeler que les actions de la France pour protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels s'inscrivent dans le seizième objectif de développement durable (ODD) des Nations unies, dont la cible 2 tend à mettre un terme à la maltraitance, à l'exploitation, à la traite et à toutes les formes de violence et de torture dont sont victimes les enfants.
Je tiens à saluer l'implication de Mme Florence Provendier. Il est toujours positif d'inscrire l'action de la France dans les grandes orientations que nous concourrons à tracer à l'échelon international. Je vous remercie de rappeler ainsi que nous œuvrons, ce matin, ensemble, à une démarche qui est celle des Nations unies. Toutefois, dans notre système juridique, ces considérations ont leur place dans l'exposé des motifs d'une proposition de loi ou dans les interventions que nous prononçons à la tribune. La loi elle-même n'a de sens que si elle permet, ordonne ou interdit, selon les mots célèbres de Portalis. Gardons-nous de la tentation des professions de foi qui n'ont d'autre effet que d'alourdir nos codes ! Demande de retrait.
Même demande. Je comprends évidemment l'objectif de cet amendement, qui est louable en ce qu'il permet de rappeler l'attachement du Gouvernement et de la majorité aux objectifs de développement durable. Mais une telle disposition n'est pas normative.
La Commission rejette l'amendement.
Article 1er
La Commission examine, en discussion commune, l'amendement CL76 du Gouvernement, qui fait l'objet de nombreux sous-amendements, l'amendement CL3 de Mme Emmanuelle Ménard et l'amendement CL34 de Mme Isabelle Santiago.
L'amendement CL76 réécrit l'article 1er de la proposition de loi pour introduire dans le code pénal des dispositions répondant aux orientations dégagées de façon consensuelle, notamment lors de l'examen de la proposition de loi renforçant la protection des mineurs victimes de violences sexuelles, consistant à retenir un seuil de non‑consentement de quinze ans pour les mineurs victimes d'acte sexuels commis par un adulte, ou de dix‑huit ans en cas d'inceste par un ascendant. Ce seuil de quinze ans est préférable à celui de treize ans retenu par le Sénat.
Cela justifie de donner de nouvelles définitions, autonomes et spécifiques, pour le crime de viol et pour le délit d'agression sexuelle, désormais constitués dans de telles hypothèses sans qu'il soit besoin d'établir que l'auteur des faits a usé de violence, contrainte, menace ou surprise – précision essentielle qu'il importe de mentionner expressément.
Il s'agira bien de nouvelles incriminations, prenant acte de l'absence de possibilité pour un mineur de quinze ans de consentir à un acte sexuel avec un adulte, même s'il paraît indispensable, tant pour des raisons symboliques que de cohérence du droit pénal et de compréhension par les citoyens des interdits qui en résultent, de les qualifier de viol ou d'agression sexuelle et de les insérer dans la partie du code pénal qui traite déjà des viols et des agressions sexuelles.
La définition de ces nouvelles infractions doit respecter les exigences constitutionnelles – les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité – ce qui implique qu'on ne peut pénaliser les amours adolescentes et impose de prévoir un écart d'âge entre l'auteur et sa victime, qui existe du reste dans de nombreuses législations étrangères, pour appliquer les nouvelles incriminations. Il est proposé de fixer cet écart à cinq ans. Bien évidemment, si la différence d'âge entre l'auteur des faits et le mineur est inférieure à cinq ans, cela ne signifie nullement que cette personne ne pourra pas être condamnée pour viol ou agression sexuelle, dès lors que les conditions habituelles du viol et des agressions sexuelles seront réunies, au vu notamment des dispositions interprétatives des notions de contrainte et de surprise figurant à l'article 222-22-1 du code pénal.
Pour le crime de viol, la peine encourue sera de vingt ans de réclusion criminelle comme c'est actuellement le cas pour les viols sur mineur de quinze ans ou pour les viols par ascendant. Pour le nouveau crime de viol sur un mineur de plus de quinze ans dans un cadre incestueux par un ascendant, sans exiger de violence, contrainte, menace ou surprise, il en résultera une aggravation particulièrement importante de la répression, puisque, actuellement ces faits ne constituent qu'une atteinte sexuelle punie de trois ans d'emprisonnement.
Pour le délit d'agression sexuelle, la peine sera celle de dix ans d'emprisonnement comme c'est déjà le cas pour les agressions sexuelles sur mineur de quinze ans. Il en résultera une aggravation de la peine lorsque les faits seront commis dans un cadre incestueux, par un ascendant, contre un mineur de quinze à dix-huit ans, puisque, actuellement la peine encourue est de sept ans d'emprisonnement.
Nous en arrivons à l'examen des très nombreux sous‑amendements, dont certains sont identiques.
La Commission examine le sous-amendement CL116 de M. Pascal Brindeau.
Ce sous-amendement illustre le débat que j'ai amorcé dans la discussion générale et qui fait dire à mon groupe, dans la logique de la proposition de loi de Mme Annick Billon, qu'il conviendrait de caractériser une infraction autonome de crime sexuel, décorrélée de la notion de viol. J'entends l'argument du Gouvernement et je peux comprendre qu'il n'aille pas jusqu'à accepter l'idée qu'en séance publique nous puissions déconnecter cette infraction de la section des viols. Le sous-amendement vise à la requalifier en crime, dans la mesure où ce viol particulier est décorrélé des notions de menace et de contrainte.
La Commission est saisie des sous‑amendements identiques CL96 de Mme Albane Gaillot, CL104 rectifié de M. Aurélien Pradié, CL112 de M. Jean Terlier, CL122 de Mme Isabelle Florennes, CL126 de M. Pascal Brindeau et CL133 de M. Dimitri Houbron, ainsi que du sous‑amendement CL87 de Mme Laetitia Avia, qui sont incompatibles entre eux.
Le sous-amendement CL96 réintroduit l'avancée votée au Sénat à l'initiative du groupe écologiste, solidarité et territoires : la prise en compte du rapport bucco-génital dans la définition du crime sexuel. Dans une décision de la Cour de cassation du 14 octobre 2020, les magistrats avaient écarté la qualification de viol dans une affaire d'inceste par cunnilingus au motif que la pénétration vaginale par la langue de l'auteur n'aurait pas été « d'une profondeur significative » et que la plainte de la victime n'aurait été « assortie d'aucune précision en termes d'intensité, de profondeur, de durée ou encore de mouvement ». Cet arrêt montre bien les lacunes de la loi pénale actuelle, que nous souhaitons corriger dans l'intérêt supérieur de l'enfant.
Nous avons déposé le sous-amendement CL104 rectifié un peu à contrecœur. Le texte du Sénat est parfaitement clair : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco‑génital, commis par une personne majeure sur un mineur de treize ans est puni de vingt ans de réclusion criminelle. » C'est clair, on ne touche pas aux enfants. Au regard de la jurisprudence, il est important d'ajouter ces termes d'agression bucco-génitale sur un mineur.
Monsieur le garde des sceaux, nous avons une philosophie pénale et on crée une usine à gaz. Demain, dans le code pénal, il y aura le viol tel qu'il existe aujourd'hui, le viol sur mineur de quinze ans, le viol sur mineur entre quinze et dix-huit ans s'il est commis dans un cadre familial, ce qui est beaucoup moins clair. J'aurais enlevé cette qualification de viol et créé comme l'a fait le Sénat une infraction isolée d'agression sexuelle sur les mineurs, quelle qu'elle soit. Le viol que nous créons aujourd'hui est un viol sans contrainte, surprise, violence, menace ni pénétration. Cela complique grandement la lisibilité des textes pour nos concitoyens.
Le sous‑amendement CL112 vise également à réintroduire dans la réécriture de l'article 1er l'ajout apporté par le Sénat de tout acte bucco-génital parmi les actes qui entraînent la qualification de viol lorsqu'ils sont commis par un majeur sur un mineur de quinze ans, quand la différence d'âge entre l'auteur et le mineur est d'au moins cinq ans.
Il me semble nécessaire de reprendre la précision du Sénat sur les actes bucco-génitaux, qui doivent entrer dans la définition du viol. La jurisprudence a montré ses failles sur cette question.
Le sous‑amendement CL126 vise également à rétablir l'ajout apporté par le Sénat, qui tire les leçons de la jurisprudence de la Cour de cassation, fondée juridiquement mais scabreuse moralement, comme l'a dit notre rapporteure.
Pour les mêmes raisons, nous défendons l'ajout de cette précision utile. Je profite de la défense du sous‑amendement CL133 pour préciser la position du groupe Agir ensemble sur le terme de viol auxquels nous sommes particulièrement attachés. L'agression sexuelle suppose l'absence de pénétration. Retenir un terme définissant une infraction qui existe déjà sans pénétration pour un crime de pénétration sur un mineur de quinze ans ne nous paraît pas une bonne idée. Le terme de viol est important. Les victimes et le monde associatif y sont attachés.
Le sous‑amendement CL87 concerne un tout autre sujet. Les trois rédactions proposées par le Gouvernement relatives au consentement du mineur interrogent puisqu'il est précisé : « même si ces actes ne lui ont pas été imposés par violence, contrainte, menace ou surprise ». Je comprends cette rédaction dans le sens où actuellement le viol est caractérisé à partir du moment où il y a violence, menace, contrainte ou surprise. Mais le fait d'apporter une telle précision laisse entendre que ces actes n'auraient pas été commis par violence, menace, contrainte ou surprise, alors que c'est le cas – encore plus, dirais-je – sur un mineur de quinze ans. C'est pourquoi je vous propose de remplacer ces mots par : « sans qu'il ne soit nécessaire de démontrer la » violence, contrainte, menace ou surprise, ce qui correspond davantage à l'intention du Gouvernement de ne pas rechercher le consentement du mineur en présence d'un viol.
La Commission examine, le sous‑amendement CL139 de Mme Emmanuelle Ménard, les sous‑amendements identiques CL108 de Mme Élodie Jacquier‑Laforge et CL138 de M. Pascal Brindeau, ainsi que le sous‑amendement CL107 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, qui sont incompatibles entre eux.
On comprend tout à fait l'intention qui a prévalu à l'inscription d'un écart d'âge de cinq ans entre un mineur et un majeur – la protection des amours adolescentes. Cependant, il me semble que cette disposition va rendre plus délicate la poursuite d'un majeur de dix-huit ans qui aurait violé un mineur de treize ans. Alors que l'on aurait pu éviter d'avoir à démontrer l'absence de consentement d'un enfant, il faudra désormais redoubler d'efforts pour protéger le mineur, en particulier s'il est en état de sidération, comme c'est malheureusement fréquent.
J'ai bien compris que le cas d'un mineur de douze ans et d'un mineur de dix-sept ans ne serait pas concerné par la loi, puisqu'ils sont mineurs tous les deux. J'ai choisi à dessein l'exemple des douze ans pour démontrer que, lorsque des amours commencent à l'adolescence – même si c'est encore l'enfance à douze ans –, il peut y avoir un risque d'emprise sous l'effet de la fascination exercée par le plus âgé. Cette emprise peut continuer à treize ans, lorsque le plus âgé aura atteint la majorité et qu'il sera concerné par ces dispositions. Mais, avec votre système, le récent majeur ne pourra pas être poursuivi puisque l'écart d'âge ne dépassera pas les cinq ans et qu'il pourra démontrer que sa relation ne peut pas constituer un viol, puisqu'elle était amoureuse à l'origine. Cela va compliquer inutilement la possibilité de qualification en viol et être préjudiciable à l'intérêt de l'enfant, puisque le mineur sera moins protégé.
Le sous-amendement CL108 réduit l'écart d'âge de cinq à trois ans. Si je comprends la nécessité de respecter les principes de légalité, nécessité et proportionnalité, en revanche, je m'interroge sur le choix de ces cinq ans. Je ne me situe pas sur le plan moral. Il me semble que les mineurs entre treize et quinze ans doivent faire l'objet d'une protection particulière.
Dans l'absolu, le principe de l'écart d'âge ne nous semble pas satisfaisant. La loi pénale étant d'interprétation stricte, quelle est la conséquence de cet écart ? Dans quelle mesure, lorsque l'écart d'âge est de cinq ans, la notion d'emprise, y compris de contrainte morale, peut-elle être prise en compte par le juge ? Nous préférons, dans la logique de ma collègue, nous en tenir à un écart d'âge de trois ans.
Le sous‑amendement CL107 est un sous‑amendement de repli, visant à réduire l'écart d'âge à quatre ans. J'insiste : le sujet n'est pas la sexualité entre adolescents, mais entre un mineur et un majeur.
La Commission est saisie du sous‑amendement CL103 de M. Aurélien Pradié.
Le sous-amendement vise à compléter l'alinéa 4 par les mots : « sans que la victime ne puisse avoir moins de quinze ans ». On ne comprend pas la rédaction actuelle. Est-ce qu'un majeur de dix-huit ans est protégé, en quelque sorte, par cette disposition, lorsqu'il a une relation avec un mineur de treize ou quatorze ans ? Si vous nous dites, ce que j'espère, que le mineur de quinze ans est protégé de manière absolue et que le majeur de dix-huit ans ne pourra pas agresser un mineur de treize ou quatorze ans, en ce cas, autant adopter les sous‑amendements de mes collègues et réduire l'écart à trois ans.
La Commission examine les sous-amendements identiques CL102 de Mme Laetitia Avia, CL109 de la rapporteure, CL118 de M. Jean Terlier, CL123 de Mme Isabelle Florennes et CL129 de M. Dimitri Houbron.
La rédaction de l'article 222-23-2 du code pénal proposée par le Gouvernement concerne l'inceste, mais sans employer le terme, ce qui créé des problèmes de lisibilité. Nous devons faire œuvre de pédagogie pour que l'état du droit soit clair pour chacun. Cela nous impose de commencer par nommer les choses, et donc de qualifier le viol d'incestueux.
Il faut en effet bien nommer les choses. Nous avons trop souvent tendance à ne pas utiliser le mot « inceste » : ces amendements nous en donnent l'occasion.
Nous partageons tous le constat : il est nécessaire d'utiliser le mot « inceste » pour que les choses soient claires.
La Commission est saisie, des sous-amendements identiques CL105 de M. Aurélien Pradié et CL117 de M. Pascal Brindeau, ainsi que de l'amendement CL93 de Mme Laetitia Avia.
Comme viennent de le dire nos collègues, il faut bien nommer les choses. La rédaction proposée est dérangeante car le terme d'inceste ne serait utilisé que pour les mineurs entre quinze et dix-huit ans. Or, l'inceste est une circonstance aggravante, un délit commis dans des conditions particulières, et le terme doit également qualifier les actes sur les mineurs de quinze ans. Nous proposons donc de supprimer la mention « au moins quinze ans » dans le futur article 222-23-2 du code pénal, pour qu'il s'applique à l'ensemble des mineurs victimes de faits incestueux, dans un cadre qui reste à définir.
Il faut uniformiser le régime juridique du viol incestueux, quel que soit l'âge de la victime avant sa majorité.
La rédaction proposée par nos collègues est plus pertinente que celle de mon sous-amendement CL93 ; je m'y rallie volontiers. En tout cas, si du fait de l'adoption de la série précédente de sous-amendements, le viol est qualifié d'incestueux, il est important que ces dispositions s'appliquent à l'ensemble des mineurs, et pas uniquement à ceux qui ont entre quinze et dix-huit ans.
La Commission examine le sous-amendement CL88 de Mme Laetitia Avia.
Ce sous-amendement, comme le premier que j'ai défendu, précise qu'il n'est pas nécessaire de démontrer la présence de violence, contrainte, menace ou surprise.
La Commission examine les sous-amendements CL115 de M. Pascal Brindeau, CL136 de Mme Emmanuelle Ménard, CL97 rectifié de Mme Albane Gaillot, CL94 de Mme Laetitia Avia, et les sous-amendements identiques CL113 de M. Jean Terlier, CL124 de Mme Isabelle Florennes, CL127 de M. Aurélien Pradié, CL128 de la rapporteure, CL130 de M. Dimitri Houbron, CL134 de M. Philippe Dunoyer, ainsi que les sous-amendements CL137 de Mme Emmanuelle Ménard et CL106 de M. Aurélien Pradié, qui sont incompatibles entre eux.
Selon l'amendement du Gouvernement, l'inceste ne peut être que le fait des ascendants. Il faut y inclure les membres de la famille de sang, mais aussi ceux qui possèdent une autorité morale de fait sur la victime, ou en raison de leurs liens juridiques.
Les auteurs d'inceste peuvent être les ascendants directs ou indirects, pas uniquement les parents ou les grands-parents. Le champ d'application de l'article doit être élargi. Je propose des formulations différentes dans d'autres sous-amendements.
Nous proposons d'élargir la notion d'ascendance aux frères, sœurs, oncles, tantes, neveux ou nièces ainsi qu'à toute personne ayant autorité de droit ou de fait sur le ou la mineure. Restreindre les violences sexuelles incestueuses aux seuls ascendants serait un recul par rapport à ce qui est prévu à l'article 222-31-1 du code pénal.
Je me réjouis du consensus pour élargir la définition du viol incestueux à toute personne ayant une autorité de droit ou de fait sur le mineur. Que le dispositif puisse être limité aux seuls ascendants suscite beaucoup d'émotion parmi les associations représentant les victimes d'inceste. Il est très important de prévoir un tel élargissement.
Nous convenons tous qu'il est nécessaire de compléter la définition. Par nos sous-amendements CL127 et CL106, nous proposons deux rédactions alternatives.
Je propose également d'élargir l'application de cet article à des personnes qui ont des liens proches avec la victime, et de mentionner tous ceux qui exercent une autorité de fait ou de droit sur les mineurs. C'est la moindre des choses pour qualifier l'inceste.
La Commission examine le sous-amendement CL119 de M. Pascal Brindeau.
Monsieur le président, nous sommes un peu perdus parmi tous ces sous-amendements !
Je vous accorde que c'est un peu compliqué, mais c'est vous qui êtes à l'origine de la difficulté, si puis me permettre ! (Rires.) C'est en effet le dépôt tardif de l'amendement du Gouvernement proposant une nouvelle rédaction de l'article 1er qui a entraîné le dépôt de ces nombreux sous-amendements.
L'amendement du Gouvernement a pour effet de supprimer une disposition qui punit de réclusion criminelle à perpétuité l'auteur des faits lorsqu'ils sont accompagnés de tortures ou d'actes de barbarie. Je propose de la rétablir.
La Commission est saisie du sous-amendement CL89 de Mme Laetitia Avia.
Ce sous-amendement, comme les sous-amendements CL87 et CL88, précise qu'il n'est pas nécessaire de démontrer la présence de violence, contrainte, menace ou surprise.
Les sous-amendements CL98 rectifié de Mme Albane Gaillot et CL95 de Mme Laetitia Avia, en discussion commune, sont défendus.
La Commission en vient à l'amendement CL3 de Mme Emmanuelle Ménard et à l'amendement CL34 de Mme Isabelle Santiago.
La rédaction de l'article 1er que je propose va dans le même sens que celle du Gouvernement mais elle est beaucoup plus simple. C'est le fruit de l'examen des deux propositions de loi sur le même sujet à quelques jours d'intervalle. Il s'agit de sanctuariser la limite du consentement à quinze ans, pour protéger les enfants victimes de viol, et de fixer la limite d'âge à dix-huit ans pour l'inceste.
Le groupe Socialistes et apparentés propose d'intégrer au texte les dispositions de l'article 2 de la proposition de loi adoptée le 18 février dernier, ce qui permet de fixer le seuil d'âge à quinze ans tout en préservant les avancées votées par les deux chambres : la sanction de la pénétration sur l'auteur, la disposition « Roméo et Juliette » et la prise en compte des actes bucco-génitaux. Cet amendement sécurise l'écart de cinq ans et supprime la protection offerte par le seuil d'âge pour les actes commis sur des enfants entre treize et quinze ans.
L'amendement du Gouvernement constitue le point central de nos travaux et le ministre a présenté ses objectifs de façon claire. Sans suspens, j'y suis favorable car il apporte de nombreux progrès. Je ne méconnais pas le mérite des sénateurs, qui ont rouvert le sujet, mais la rédaction qui nous a été transmise est en décalage avec les attentes de la société et nos convictions collectives. Nous ne pouvions accepter que l'âge du consentement soit fixé à treize ans. Le Gouvernement partage la volonté de l'Assemblée nationale de le fixer à quinze ans : c'est une victoire et nous cheminerons ensemble.
Comme vous l'aurez compris en entendant nos collègues défendre leurs sous-amendements, monsieur le ministre, cheminer avec vous nous amène à vous assister dans le choix de la destination. Nous avons tous beaucoup travaillé et je me compte immodestement dans le lot. Nos débats soulèvent des espoirs immenses et nous ne devons pas les laisser retomber. Nous allons donc faire progresser ce texte ensemble, par ces sous-amendements, et en améliorant ce qui peut l'être en séance publique.
Le dispositif réprimant l'inceste me semble perfectible. L'inceste est un crime spécifique, pour reprendre les termes du juge Édouard Durand. Cette infraction n'est pas suffisamment reconnue par notre droit pénal : ce n'est qu'une surqualification. Nous devons pleinement la consacrer.
Je suis évidemment favorable à l'inclusion des actes bucco-génitaux dans la définition du viol – ce débat devrait d'ailleurs déjà être clos puisque nous sommes tous d'accord sur ce point, ainsi que le Sénat.
Je suis également favorable à la dénomination « viol incestueux » car il faut bien appeler les choses par leur nom. Bien avant l'affaire Duhamel, j'avais pu constater très souvent, dans la presse, alors qu'il est question de faits d'inceste, que le mot n'est pas employé. Cela doit nous interpeller. Je me félicite que nous partagions la volonté de nommer précisément les choses dans la loi.
Je suis également favorable à l'élargissement du périmètre de l'inceste au-delà des seuls ascendants, conformément aux dispositions actuelles du code pénal. Les sous-amendements en ce sens sont donc bienvenus.
Je demande à Mme Avia de retirer ses sous-amendements relatifs aux adminicules de violence, contrainte, menace et surprise. Retravaillons à une rédaction en vue de la séance pour améliorer la définition de la nouvelle infraction !
Je souhaite consacrer quelques instants à cette question de l'écart d'âge. Comme le Sénat, nous constatons la difficulté soulevée par la tranche d'âge de treize et quatorze ans. Si nous voulons fixer la limite du consentement à quinze ans, les amours adolescentes posent un problème. Dans son avis de 2018, le Conseil d'État avait soulevé des objections précises. J'ai systématiquement demandé aux personnes auditionnées si elles estimaient possible de fixer un âge seuil sans l'assortir d'aucune exception. La réponse a été négative pour deux séries de raisons.
Les premières sont d'ordre constitutionnel et figurent dans l'avis du Conseil d'État.
Les secondes tiennent à ce que nous voulons réellement faire. Voulons-nous sanctionner des amours adolescentes dont personne ne nie l'existence, pas même ceux qui proposent les amendements limitant l'écart d'âge ? Comment parvenir à un texte de portée générale, qui s'appliquera à toutes les situations ? Le procureur a l'opportunité des poursuites mais elle peut jouer dans un sens comme dans l'autre. En tant que législateur, nous devons dire ce que nous voulons faire : voulons-nous criminaliser ces situations, donc renvoyer ces jeunes devant une cour d'assises ? Il existera plusieurs déclinaisons du viol : le droit commun, et le viol sur mineur de quinze ans. Je comprends la volonté de protéger les jeunes de treize et quatorze ans, et nous la partageons, mais soyons prudents quant aux conséquences de notre choix. En tout état de cause, cet écart d'âge n'octroie pas d'impunité dans le cas d'une relation qui serait imposée. En effet, une relation totalement consentie entre un adolescent de dix-huit ans et un jour et une mineure de quatorze ans et onze mois ne pose pas de difficulté intellectuelle. En revanche, la qualification de viol de droit commun, modifiée en 2018, s'appliquerait si cette relation n'était pas consentie. Ces dispositions, auxquelles les magistrats sont très attentifs, ont d'ores et déjà permis d'améliorer la protection des victimes.
En tout cas, pour des raisons constitutionnelles et de proportionnalité, il me paraît impossible de ne prévoir aucune exception à la limite d'âge de quinze ans. Je rappelle que le dispositif proposé par le Gouvernement maintient l'incrimination d'atteinte sexuelle. Les auteurs se verraient renvoyés devant un tribunal correctionnel et risqueraient sept ans de prison. Encore une fois, je partage l'inquiétude concernant la tranche d'âge treize-quatorze ans. Les sénateurs ont d'ailleurs fixé la limite à treize ans pour contourner la difficulté. L'option que nous retenons est plus protectrice pour les mineurs de quinze ans. Dans tous les cas, ce texte constitue un progrès significatif.
Je souhaite le retrait des amendements réduisant l'écart d'âge toléré à quatre ans, voire trois ans. L'écart de cinq ans existe dans certains droits étrangers et nous avons quelques retours. L'écart de trois ans aurait un sens dans les États étrangers qui prohibent les relations entre mineurs, ce qui n'est pas le cas de la France. Nous souhaitons en effet préserver les relations consenties entre adolescents.
Les sous-amendements de M. Aurélien Pradié auraient également pour conséquence de neutraliser les effets de l'écart d'âge de cinq ans. Or, nous allons préciser explicitement que celui-ci ne s'applique pas dans les cas d'inceste. C'est l'objet du sous-amendement CL102 de Mme Laetitia Avia, auquel je suis favorable.
Je prends la parole avec beaucoup de timidité puisque le président m'a informé que j'étais à l'origine de cette façon singulière de présenter les amendements !
(Sourires.)
Le sous-amendement CL116 ôte la qualification de viol pour le nouveau crime de pénétration sexuelle sur un mineur de quinze ans et supprime la condition de différence d'âge. Cette dernière doit être maintenue pour des raisons de constitutionnalité. M. Brindeau estime compliqué de donner le même nom à des crimes dont les éléments constitutifs sont différents, c'est déjà le cas pour le vol, le recel, l'exploitation de la vente à la sauvette, le proxénétisme, l'exploitation de la mendicité, le harcèlement sexuel, les discriminations, le blanchiment et quelques actes de terrorisme. Avis défavorable.
Les sous-amendements identiques CL96, CL 104 rectifié, CL112, CL122, CL126 et CL133 incluent les actes bucco-génitaux à la définition du viol. La décision de la Cour de cassation à ce sujet est compliquée à appréhender mais je me garderai bien de commenter une décision de justice. La situation qui en résulte est la suivante : infliger une fellation à un petit garçon est un viol, infliger un cunnilingus à une petite fille ne l'est pas. C'est totalement discriminatoire et je suis donc favorable à ces sous-amendements.
Le sous-amendement CL87 propose d'insérer l'expression : « sans qu'il ne soit nécessaire de démontrer ». C'est le choix du verbe qui détermine ma demande de retrait : il n'est pas satisfaisant de définir une infraction en faisant référence aux éléments de preuve. Le verbe « démontrer » n'existe pas dans le code pénal, c'est dans le code de procédure pénale qu'il trouve sa place puisqu'on y aborde les éléments probatoires. Le législateur doit définir les éléments constitutifs d'une infraction, mais pas indiquer comment une infraction peut, ou non, être démontrée.
J'ai pris connaissance du sous-amendement CL139 de Mme Emmanuelle Ménard déposé tardivement en même temps que tout le monde, ce que je regrette car j'aurais souhaité le travailler davantage. J'y suis défavorable car l'emprise est déjà réprimée, et je ne peux accepter la modification de l'écart d'âge.
Je demande le retrait du sous-amendement CL108, à défaut avis défavorable. Il institue en effet un écart d'âge qui n'aurait aucune portée juridique : dès lors que la victime sera nécessairement un mineur de quinze ans et l'auteur un majeur, l'écart d'âge sera toujours d'au moins trois ans. Pour les mêmes raisons, je demande le retrait du sous-amendement CL138 de M. Pascal Brindeau.
Le sous-amendement CL107 prévoit, quant à lui, un écart d'âge de quatre ans. Je demande également son retrait, sinon avis défavorable.
Je suis défavorable au sous-amendement CL103, qui limite l'application de la différence d'âge de cinq ans aux cas dans lesquels le mineur a quinze ans ou plus. Cette précision est inutile ou injustifiée : le nouveau crime s'applique systématiquement si la victime a moins de quinze ans. Avis défavorable.
Les sous-amendements identiques CL102, CL109, CL118, CL123 et CL129 visent à prévoir que le caractère incestueux du nouveau crime créé est spécifiquement mentionné dans sa dénomination. J'y suis favorable car cette précision est opportune.
Les sous-amendements identiques CL105 et CL117 précisent que le viol incestueux s'applique à tous les mineurs, et pas uniquement à ceux de plus de quinze ans. J'y suis favorable.
Les sous-amendements CL88 et CL 89 emploient le verbe « démontrer », comme le sous-amendement CL87. Je demande également leur retrait.
Je suis favorable aux sous-amendements identiques CL113, CL124, CL127, CL128, CL130 et CL134. Ils ont pour objet d'étendre la qualification de viol incestueux sur mineur de dix-huit ans aux cas dans lesquels l'acte est commis, outre les ascendants, par des personnes qui ont autorité sur la victime. Nous retenons cette formulation pour des raisons rédactionnelles et nous demandons le retrait des autres sous-amendements dont l'objet est identique.
Le sous-amendement CL119 de M. Pascal Brindeau prévoit l'aggravation des cas de viols nouvellement définis en cas de torture ou d'actes de barbarie. Or, cette précision est inutile car ces nouveaux crimes figurent dans la partie du code pénal consacrée au viol, qui prévoit déjà ces aggravations. La peine encourue sera d'ailleurs la réclusion criminelle à perpétuité, et non une réclusion de trente ans comme le propose le sous-amendement. Retrait ou avis défavorable.
Le sous-amendement CL98 rectifié étend les agressions sexuelles incestueuses aux personnes ayant autorité. Je demande son retrait. Je n'ai pas d'opposition de principe mais je préfère la rédaction proposée par le sous-amendement CL95 de Mme Laetitia Avia, auquel je suis favorable.
J'en viens enfin aux deux amendements. Je suis défavorable à l'amendement CL3 de Mme Emmanuelle Ménard. Quant à l'amendement CL34 de Mme Isabelle Santiago, il est satisfait par l'amendement du Gouvernement, qui vient compléter sa proposition et propose un écart d'âge afin d'éviter la pénalisation d'une notion imprécise telle que la relation préexistante pérenne entre l'auteur et la victime. Pour des adolescents, qu'est-ce, en effet, qu'une « relation pérenne » ? C'est difficile à écrire dans la loi. Or, la norme pénale doit être précise. Un petit copain se fait larguer, un nouveau arrive, puis les anciennes amours reprennent… La relation est-elle pérenne si elle a connu des interruptions ? C'est sans doute l'effet de l'âge mais je vous avoue ne pas toujours comprendre nos adolescents. Ce n'est pas simple. La notion d'écart d'âge me semble pouvoir figurer dans la loi, pas celle de relation pérenne. Je propose donc le retrait de l'amendement CL34.
Je retire les sous-amendements CL87, CL88 et CL89 qui emploient le verbe « démontrer ». Je prends acte de l'offre d'un travail de réécriture formulée par la rapporteure et par le ministre.
Je retire également les sous-amendements CL93 et CL94 au profit de ceux déposés par nos collègues Aurélien Pradié et Pascal Brindeau. Je remercie le ministre de son avis favorable au sous-amendement CL95, mais je pense qu'il va tomber si nous adoptons les sous-amendements identiques CL113 et suivants.
Nous pouvons nous féliciter de nous retrouver sur de nombreux sujets. Le sous-amendement CL87, que Mme Laetitia Avia vient de retirer, me paraît important et il faudra le retravailler pour la séance. Sans créer une nouvelle catégorie de viol, il évite la recherche des éléments incriminants.
Je ne vais pas retirer le sous-amendement CL103 : c'est notre point de divergence. Je suis d'autant plus sceptique que la rapporteure a justifié son avis défavorable par une explication diamétralement opposée à celle du garde des sceaux. Elle nous dit que la différence d'âge de cinq ans expose potentiellement les enfants de treize et quatorze ans, mais le garde des sceaux explique que la loi s'appliquerait automatiquement aux enfants de moins de quinze ans. Je n'arrive pas à comprendre la rédaction de cet article. Chacun semble le lire à sa manière. Est-ce qu'un jeune de dix-huit ans pourra avoir une relation avec un enfant de treize ou quatorze ans ?
Monsieur le ministre, nous devons être clairs. Des relations sexuelles entre des mineurs de moins de quinze ans et des majeurs seront-elles possibles ? Plus le dispositif sera simple et lisible, plus le message sera fort pour la société.
J'entends la demande de retrait de l'amendement CL97 rectifié au bénéfice d'une rédaction limitant l'inceste aux auteurs exerçant une autorité de droit ou de fait. Cependant, cette rédaction ne couvrirait pas tout ce qui est prévu à l'article 222-31‑1, qui qualifie d'incestueux les agressions sexuelles dont l'auteur est : un ascendant ; un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ; le conjoint, le concubin d'une des personnes mentionnées ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une des personnes mentionnées, s'il a sur la victime une autorité de droit ou de fait. J'espère que la rédaction que vous retenez n'exclut aucune de ces catégories.
J'ai deux points de désaccord avec vous, monsieur le garde des sceaux. Le premier concerne le sous-amendement CL116 qui tente de sauvegarder l'idée que le crime sexuel est une infraction autonome. J'entends que des infractions relevant de la même dénomination peuvent présenter des éléments constitutifs différents. Mais je maintiens, pour des raisons non pas juridiques mais d'affichage sémantique, liées à la sensibilité du sujet des crimes sexuels sur mineurs, qu'il faut préserver l'autonomie de cette infraction, décorrélée de la seule qualification de viol. Je rappelle que ce dernier est conditionné à l'existence d'une contrainte : s'il peut être démontré qu'aucune contrainte n'a été exercée, on passe alors d'un crime à une infraction délictueuse.
Mon deuxième point de désaccord concerne l'écart d'âge. Pourquoi défendons-nous trois ans et non pas cinq ? Selon vous, monsieur le garde des sceaux, entre treize et quinze ans, il n'y a pas de problème : or, il y en a bien un ! Si une relation amoureuse adolescente a commencé entre un mineur de dix-sept ans et un autre de douze ou treize ans, quand le premier devient majeur, dans l'année entre le dix-huitième et le dix-neuvième anniversaire, l'autre mineur sera toujours un mineur de moins de quinze ans. S'il est démontré qu'il y a contrainte dans la relation sexuelle, quelle sera la qualification retenue ? Ce ne sera pas un viol, mais une agression sexuelle : en conséquence, le mineur de moins de quinze ans, dans ce cas d'espèce, serait moins protégé que le mineur de plus de quinze ans.
Nous avons un large consensus sur un grand nombre de sous-amendements. Il reste une divergence sur le sujet de l'écart d'âge de cinq ans. Nous allons qualifier de viol, avec cette rédaction, toute relation entre un majeur et un mineur de moins de quinze ans, sans interroger le consentement du mineur, ce que je comprends tout à fait et que je soutiens totalement. Mais peut-on assimiler un très jeune majeur à tous les autres majeurs ? Peut-on, du jour au lendemain, quand on a dix-huit ans, devenir différent, un violeur, alors que la veille encore on avait le statut de mineur ? Cela créerait une aberration.
Prenons deux exemples. À dix-sept ans et demi, un adolescent peut avoir une relation sexuelle avec un mineur de treize ans, soit un écart d'âge de quatre ans et demi. En revanche, un jeune de dix-huit ans deviendrait, sans l'écart d'âge, un criminel parce qu'il aurait une relation sexuelle avec un mineur de quatorze ans et demi, soit un écart d'âge de trois ans et demi, donc moindre que dans l'exemple précédent. C'est pour cela qu'il faut préserver la règle de l'écart d'âge de cinq ans.
Enfin, il faut s'intéresser à la réalité que vivent les adolescents dans leurs relations sentimentales et sexuelles. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) publie tous les quatre ans une étude internationale sur ce sujet. Selon cette étude, en France, un adolescent sur cinq, soit 20 % d'entre eux, a eu un rapport sexuel en troisième ou avant, donc avant d'avoir quinze ans. Parmi ces adolescents, 30 % des filles ont eu leur premier rapport avec un partenaire qui avait au moins trois ans de plus qu'elles. Cette réalité concerne des milliers de jeunes adolescents. Nous devons donc absolument appréhender la question du seuil de dix-huit ans et voter cet écart d'âge.
Lors de nos précédents débats sur ce sujet, nous avions émis le souhait de parvenir à une définition simple, lisible pour les citoyens et ne posant pas de problème de constitutionnalité. Nous avions retenu les seuils d'âge de quinze et dix-huit ans, sur lesquels nous sommes parvenus à un accord.
Reste la question de l'écart d'âge. Le Canada, qui a retenu un écart d'âge de cinq ans, a dû rédiger trois pages de code pour expliquer à quoi cela correspond ! Pour ma part, je reste en insécurité. La réalité que nous connaissons sur le terrain – je ne parle pas des amourettes visées par l'amendement « Roméo et Juliette » – est très complexe à traiter pour les juridictions. Les filles de treize à quatorze ans sont les plus fragiles dans ce genre de relations avec des majeurs de dix-huit à vingt ans. Certes, il y aura toujours des exceptions avec des relations continues où tout se passe bien ; il est hors de question, en effet, de porter un jugement moral sur les relations des jeunes. Mais nous devons protéger les plus fragiles. Il ne faut pas que, devant une juridiction, on leur demande si elles étaient consentantes ou s'il y a eu contrainte ou surprise. Je demeure sceptique et je doute que l'on sécurise avec cette disposition toutes les jeunes filles que je rencontre sur le terrain et qui, à l'échelle nationale, entrent probablement dans vos statistiques, monsieur le garde des sceaux.
Le sujet que nous examinons nécessite de la clarté. J'aimerais rappeler l'actuel dispositif. Il existe trois infractions : le crime de viol, le délit d'agression sexuelle et le délit d'atteinte sexuelle. Dans les deux premiers cas, on recherche l'existence ou non d'un consentement. En cas de relation entre un adulte de dix-huit ans et demi et un mineur de quatorze ans, on recherche s'il y a eu violence, contrainte, surprise ou menace. Si tel est le cas, l'adulte sera déféré et poursuivi. Si la relation, à l'inverse, est consentie, alors il n'y a pas de poursuites pénales ou, du moins, il y a acquittement ou relaxe. Si l'agression sexuelle est un délit, le viol est un crime passible de la cour d'assises et relevant d'une procédure très lourde, même si celle-ci ne va pas jusqu'à un prononcé de culpabilité ou à une condamnation. Les enjeux sont donc énormes pour un jeune majeur soumis à une telle procédure judiciaire. En cas d'atteinte sexuelle, l'adulte de dix-huit ans et demi peut être renvoyé devant le tribunal correctionnel.
Le dispositif prévu dans l'amendement du Gouvernement se superposera à l'existant : il n'écrase pas ce qui a été fait avant, notamment en 2018. Si nous sommes tous d'accord sur les moins de treize ans, il y a une difficulté concernant les treize à quinze ans : il peut y avoir des relations consenties – nous ne sommes pas d'accord sur ce point – entre un jeune majeur de dix-huit ou dix-neuf ans avec un mineur de treize ou quatorze ans. Dans une telle hypothèse, le juge ne va pas classer le dossier : il vérifie s'il y a un vice du consentement dans la relation entre ces deux personnes. S'il y a emprise, on pourrait considérer qu'il s'agit d'une contrainte et, par conséquent, qu'il y a viol ou agression sexuelle : la juridiction pourrait prononcer une condamnation. Le dispositif n'instaure donc pas une impunité pour ces jeunes majeurs. Si, à l'inverse, il n'y a pas vice du consentement – même si cela ne s'appelle pas comme cela dans le code –, il y aurait encore l'atteinte sexuelle, délit qui ne retient aucun écart d'âge. Cela n'organise pas l'impunité mais cela évite la criminalisation.
Le majeur de dix-huit ans et demi ne peut pas avoir une relation sexuelle avec un mineur de moins de quinze ans : il serait passible d'une peine correctionnelle au titre du délit d'atteinte sexuelle mais il ne pourrait être renvoyé devant la cour d'assises pour viol. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il y aura superposition de deux dispositifs : pas d'impunité, mais protection pour les moins de quinze ans. Il est difficile de faire coexister deux régimes car cela pose des questions de sécurité juridique et des difficultés liées à la rétroactivité de la loi pénale moins sévère – tout cela est technique. Les treize et quatorze ans, dans le nouveau dispositif, ne seront pas plus vulnérables : le texte les protège davantage. Dans tous les cas, un écart d'âge de trois ans n'aurait pas de sens car cela reviendrait à ne plus avoir d'écart d'âge. De plus, ce serait inconstitutionnel.
Concernant l'autorité de droit ou de fait, l'enjeu est que la future disposition tienne compte de toutes les situations, ce qui est un exercice délicat. La rédaction est perfectible et elle pourra être retravaillée d'ici à la séance publique – je n'y suis pas opposée et j'ai compris que le Gouvernement ne l'était pas non plus. En matière d'inceste, il peut exister des situations particulières : par exemple, en cas de relation incestueuse imposée par un frère de dix-sept ans à sa sœur de dix-huit ans, si le dispositif ne tient pas compte des particularités, on pourrait poursuivre la sœur alors que celle-ci est la victime. C'est un sujet complexe sur lequel nous devons prendre beaucoup de recul ; c'est ce que nous ferons d'ici à la séance publique.
Le principe du texte est de fixer à quinze ans l'âge en deçà duquel on ne se posera jamais la question du consentement du mineur pour le protéger d'une agression sexuelle par un majeur. Or, vous précisez que cela sera possible si l'auteur a moins de cinq ans de différence d'âge avec ce mineur. On se refuse donc à considérer qu'un mineur puisse exprimer un consentement en deçà de quinze ans, mais on recherchera quand même l'éventuel consentement du mineur entre treize et quatorze ans. Voilà ce que je n'arrive pas à comprendre ! Ce n'est pas une question de principe mais de cohérence. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?
Je vais tout faire pour vous rassurer. Ce sujet étant infiniment compliqué, je vais retracer toutes les situations. Le droit futur viendra se superposer à l'existant : il ne l'abrogera pas. Ainsi donc, une relation entre deux adolescents de onze et seize ans, ou bien de douze et dix-sept ans, ne nous concerne pas : le droit positif s'applique et, compte tenu de l'âge du ou de la plus jeune, il peut y avoir viol.
Venons-en maintenant à cet écart d'âge que je vous propose de fixer à cinq ans, qui concerne le cas de deux jeunes de treize et dix-huit ans ou quatorze et dix-neuf ans. D'abord, le procureur saisi d'une plainte n'examinera sans doute pas de la même façon une gamine de treize ans qu'une adolescente de quinze ans. En tout état de cause, un interdit subsiste, même dans le cadre d'une relation consentie, et il se traduit par l'atteinte sexuelle, punie de sept ans. Les parquets saisis d'affaires de cette nature auront un rôle essentiel à jouer. Ils règlent cette question par le classement sans suite en opportunité ou par des poursuites. Or, une gamine qui ne sait pas et ne dit pas « non » peut subir un traumatisme terrifiant, sans aucune possibilité de démontrer la contrainte, la surprise, la menace ou la violence. Cela existe et ne doit pas rester lettre morte. Nous avons actuellement une centaine de dossiers de cette nature à traiter. Pour les dossiers à venir, vous aurez un choix cornélien à faire entre une protection totale des amours adolescentes ou une protection des mineurs en faisant attention aux amours adolescentes, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. En maintenant l'atteinte sexuelle, on peut prendre en considération des situations où le viol n'est pas démontrable mais où il y a un véritable traumatisme. C'est le droit actuel et il faut impérativement maintenir ce socle.
Je ne pourrai être plus clair que M. Pacôme Rupin dans sa démonstration sur l'écart d'âge et la nécessité d'y aller à raison des statistiques que, très légitimement, vous évoquez. C'est la vie de nos adolescents ! Vous avez rappelé que les filles avaient souvent leur première relation intime avec un garçon plus âgé – trois ans, mais parfois plus, on le sait bien. Il arrive même que ces amours perdurent : certains couples – j'en connais – se sont connus très jeunes, ont fondé une famille et sont toujours ensemble. Que faire avec cela ? Devons-nous, dans le parcours d'un tel couple, arrêter le jeune homme quand il a dix-huit ans et trois jours et lui dire « Vous, mon gaillard, vous allez devant la cour d'assises » ? Non, ce n'est pas possible ! C'est la raison pour laquelle il faut être, sur cette question, infiniment nuancé.
Nous devons toutefois veiller à laisser l'opportunité des poursuites au procureur. Il arrive que les autorités judiciaires reçoivent des plaintes de la part des parents – c'est une réalité que j'ai connue dans mon ancienne profession – parce que leur fille sort avec un Noir et que cela ne leur plaît pas. Parfois, un simple retard suffit à entrer dans un engrenage, les parents portant plainte parce qu'ils veulent se rassurer – leur gamine n'a pas pu coucher, ce n'est pas possible, c'est contraire à tout ce qu'on lui a appris ! On se rassure en instrumentalisant la procédure pénale. Mais quand le procureur est en présence de deux jeunes qui s'aiment et qui pensent que cela va durer toujours – parfois c'est vrai ! –, pensez-vous vraiment qu'il va poursuivre ? Ces situations, on les connaît : c'est la raison pour laquelle nous sommes allés sur ce terrain. Il est possible de trouver un parfait équilibre.
L'élargissement de l'inceste englobe bien toutes les personnes visées dans le code pénal qui exercent une autorité de droit ou de fait, ce qui comprend bien sûr les beaux-parents : cela va de soi mais cela va mieux en le disant.
Les sous-amendements CL87, CL93, CL88, CL94 et CL89 sont retirés.
La Commission rejette le sous-amendement CL116.
Elle adopte les sous-amendements identiques CL96, CL104 rectifié, CL112, CL122, CL126 et CL133.
Elle rejette successivement le sous-amendement CL139, les sous-amendements identiques CL108 et CL138 et le sous-amendement CL107, puis le sous-amendement CL103.
Elle adopte les sous-amendements identiques CL102, CL109, CL118, CL123 et CL129, puis les sous-amendements identiques CL105 et CL117.
Le sous-amendement CL115 est retiré.
La Commission rejette le sous-amendement CL136.
Le sous-amendement CL97 rectifié est retiré.
La Commission adopte les sous-amendements identiques CL113, CL124, CL127, CL128, CL130 et CL134. En conséquence, les sous-amendements CL137 et CL106 tombent.
Le sous-amendement CL119 est retiré.
Les sous-amendements CL98 rectifié et CL95 tombent.
La Commission adopte l'amendement CL76 sous-amendé.
En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé et les autres amendements portant sur l'article tombent.
Après l'article 1er
La Commission examine l'amendement CL6 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il s'agit de reprendre le contenu de l'article 2 de la proposition de loi de notre collègue Isabelle Santiago qui institue une infraction criminelle de pénétration sexuelle commise par un majeur sur un mineur de quinze ans.
Eu égard à l'article 1er que nous venons de voter, cet amendement n'apparaît pas judicieux.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine, en discussion commune, les amendements CL36 de Mme Isabelle Santiago, CL29 de M. Philippe Dunoyer et CL49 de Mme Albane Gaillot.
Il s'agit de reprendre les dispositions de l'article 1er de la proposition de loi renforçant la protection des mineurs victimes de violences sexuelles, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, afin d'éviter l'ajout de l'écart d'âge de cinq ans.
Cet amendement est moins opérant puisque la condition de l'écart d'âge a été adoptée. Il vise à traiter d'une manière moins mécanique que l'écart d'âge la question des relations entre mineurs de quinze ans et des jeunes majeurs.
Nous proposons une exonération pénale pour les jeunes majeurs qui entretenaient une relation continue et pérenne avec un mineur de quinze ans avant l'acquisition de leur majorité. Ce n'est pas la solution idéale mais cela ouvre la porte à la prise en compte de toutes les situations.
Les amendements CL36 et CL29 proposent de compléter le délit d'atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans : cela vient d'être fait lors du vote précédent. Demande de retrait.
L'amendement CL49 opère un choix différent de celui qui a été fait à l'article 1er puisqu'il s'agirait de protéger uniquement les amours préexistant à la majorité de l'auteur. Or, nous avons choisi de l'étendre aux relations pouvant exister, de façon plus globale, entre un jeune majeur de dix-huit ou dix-neuf ans et un mineur de treize ou quatorze ans. Demande de retrait.
Je veux revenir sur la notion de relation continue et pérenne. Outre la difficulté d'objectiver une telle relation, cela conduit à s'immiscer dans la sexualité des adolescents. On permettrait à deux adolescents en relation continue avec un écart d'âge de moins de cinq ans d'avoir une relation sexuelle, mais on l'interdirait à ceux qui ne sont pas en couple : on retomberait alors dans le crime sans interroger le consentement. Cela ne fonctionne pas : l'écart d'âge est ce qui permet le mieux d'objectiver et d'éviter ce genre de différences. Le législateur n'a pas à s'immiscer dans la vie sexuelle des adolescents.
Je suis d'accord avec vous : il faut objectiver et la définition d'une relation pérenne et continue pose problème. Je retire mon amendement.
L'amendement CL49 est retiré.
Compte tenu des débats que nous venons d'avoir et de l'adoption de l'article 1er, je retire également mon amendement.
L'amendement CL36 est retiré.
L'écart d'âge objective tellement les situations que nous avons passé quasiment une heure à essayer de comprendre quelles en étaient les implications. Nous faisons le constat commun que, dans certaines situations, la protection du mineur de moins de quinze ans ne sera pas totalement assurée, contrairement au principe que nous voulions édicter en créant l'infraction autonome de crime sexuel sur mineur de quinze ans. En effet, la qualification pénale qui pourra être retenue dans certains cas ne sera pas le viol mais l'atteinte sexuelle. Le débat reste donc ouvert s'agissant des mineurs de moins de quinze ans.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission en vient à l'amendement CL37 de Mme Isabelle Santiago.
Je le retire car il pose un problème de cohérence avec l'article 1er que nous venons d'adopter.
L'amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CL28 de M. Philippe Dunoyer et CL51 de M. Pascal Brindeau, ainsi que l'amendement CL38 de Mme Isabelle Santiago.
Les amendements identiques traitent de l'élargissement des cas d'inceste aux personnes autres que les ascendants directs. Par cohérence, je les retire.
Les amendements CL28 et CL51 sont retirés.
L'amendement CL38 est retiré.
La Commission examine l'amendement CL52 de M. Pascal Brindeau.
Ce cas n'a pas été traité dans le cadre des débats précédents. Il s'agit de faire en sorte que lorsqu'une personne titulaire de l'autorité parentale sur la victime est reconnue coupable de crime d'inceste, la juridiction se prononce sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale.
Nous partageons votre préoccupation concernant l'autorité parentale. Toutefois, je tiens à vous rassurer : votre amendement est satisfait par l'article 222-31-2 du code pénal : « Lorsque le viol incestueux ou l'agression sexuelle incestueuse est commis contre un mineur par une personne titulaire sur celui-ci de l'autorité parentale, la juridiction de jugement doit se prononcer sur le retrait total ou partiel de cette autorité ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité […] » Demande de retrait.
L'amendement est retiré.
L'amendement CL39 de Mme Isabelle Santiago est retiré.
Article 1er bis A
La Commission est saisie des amendements identiques CL5 de Mme Emmanuelle Ménard et CL21 de Mme Marie-France Lorho.
Ces amendements suppriment cet article. Vous souhaitez remplacer « exerce une autorité » par « a une autorité ». Je ne vois pas ce que cela apporte.
Avis défavorable. La modification rédactionnelle apportée par les sénateurs est bienvenue, même si elle est sans grande portée. Je propose à la commission des Lois d'adopter cet article sans changement pour montrer à nos collègues sénateurs notre volonté d'avancer dans un esprit de consensus.
Avis défavorable à la suppression.
Je ne vois pas l'intérêt de remplacer « l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime » par « l'autorité de droit ou de fait que celui-ci a sur la victime », même si je comprends votre esprit de co-construction avec le Sénat.
Je vois un intérêt à ce changement : inscrire le verbe « avoir » dans le code pénal n'est pas toujours une bonne idée – « disposer » aurait peut-être été plus judicieux –, mais il n'empêche que « avoir » et « exercer » ne signifient pas tout à fait la même chose. Cet article n'est pas seulement rédactionnel : il repose sur une logique de preuve. Quand on « exerce », il faut démontrer que l'on exerce ; quand on « a », cela n'est pas nécessaire : que l'on exerce ou pas cette autorité, on en dispose. Ce n'est pas tout à fait de même nature.
La Commission rejette les amendements.
Elle adopte l'article 1er bis A sans modification.
Article 1er bis B
La Commission examine l'amendement CL35 de Mme Isabelle Santiago.
Cet amendement visait à supprimer, par coordination, les dispositions devenues inutiles en conséquence de la création d'un délit spécifique d'atteinte sexuelle incestueuse sur mineur. Mais il me semble que cela a déjà été précisé à l'article 1er. Je retire donc mon amendement.
L'amendement est retiré.
La réunion se termine à 12 heures 50.
Informations relatives à la Commission
La Commission a désigné M. Pascal Brindeau, rapporteur d'application sur la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels (n° 3796).
Membres présents ou excusés
En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.