En France, on estime que chaque classe d'école compte en moyenne deux enfants victimes d'inceste ou de pédocriminalité. Par ailleurs, 81 % des violences sexuelles commencent avant dix-huit ans ; la première agression survient en moyenne à neuf ans et, dans 94 % des cas, elle est commise par un proche. Ces chiffres sont terrifiants.
La politique pénale, les politiques publiques de façon générale doivent apporter des réponses. À ce propos, je veux remercier non seulement la société civile pour sa mobilisation, les victimes qui ont osé parler et nos collègues Alexandra Louis, Sophie Auconie et Isabelle Santiago pour le combat qu'elles mènent depuis de nombreuses années, mais aussi M. Adrien Taquet et M. le garde des sceaux pour leur engagement fort sur cette question sensible.
Il convient d'évoquer, au-delà de l'objet du texte lui-même, la question de la prévention. L'enjeu majeur, pour une société qui souhaite développer la culture de la protection, est d'anticiper les faits par un repérage systématique et de construire des outils opérationnels utilisables par les professionnels qui travaillent jour après jour avec les enfants pour recueillir leur parole. M. Édouard Durand, juge des enfants et coprésident de la commission sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, rappelle que l'on dit souvent aux victimes de violences, qu'elles soient adultes ou enfants : « Il faut parler ». Mais ne serait-ce pas d'abord à la société de parler ? Les professionnels en contact avec les enfants ne doivent-ils pas être capables de déceler les signaux ? N'est-il pas temps que la société entière cesse de détourner le regard face aux enfants maltraités ? Il nous faudra, avant même les résultats de la grande enquête de victimation que doit réaliser la commission que j'évoquais à l'instant, améliorer la prévention ; c'est dans ce but, du reste, qu'a été lancé, au mois de novembre, le numéro unique destiné aux personnes pédophiles pour éviter le passage à l'acte.
J'en viens au texte lui-même, c'est-à-dire au volet pénal. Le texte adopté par le Sénat comporte beaucoup d'avancées, notamment la création d'une infraction autonome de crime sexuel sur un mineur de treize ans. Nous sommes certes en désaccord sur le seuil d'âge, mais j'ai bon espoir que nous pourrons le porter à quinze ans. Le groupe Agir ensemble estime par ailleurs nécessaire de prendre en considération les amours adolescentes, les Roméo et Juliette : on ne peut pas devenir criminel du jour au lendemain simplement parce qu'on a une relation amoureuse avec quelqu'un d'un peu plus jeune que soi. À cet égard, la prise en compte d'un écart d'âge n'est peut-être pas parfaite mais me semble être la meilleure option que nous ayons à notre disposition.
En ce qui concerne l'infraction autonome d'inceste, il est indispensable – et l'actualité nous incite à avancer en la matière – que la répression pénale soit à la hauteur. Il me paraît intéressant à cet égard de fixer un seuil de non-consentement à dix-huit ans. Les amendements déposés par de nombreux groupes permettront par ailleurs d'étendre la protection que nous accorderons aux moins de dix-huit ans en visant, au-delà des simples ascendants, les personnes qui ont sur le mineur une autorité de droit ou de fait. Cette avancée est indispensable.
D'autres propositions nous tiennent particulièrement à cœur. Je pense à celle qui concerne le fameux délit de non-dénonciation. Nous estimons nécessaire d'allonger le délai de prescription de ce délit, car il paraît inconcevable que l'auteur d'une infraction puisse se retrouver aux assises dix ou quinze ans après les faits mais que la personne qui savait et s'est tue soit exonérée de toute responsabilité. Le Sénat a adopté un allongement de ce délai de prescription, mais nous pouvons aller un peu plus loin.
En conclusion, le groupe Agir ensemble soutiendra avec force cette proposition de loi. Nous avons la volonté d'avancer, quelle que soit l'origine du texte qui nous le permettra, et nous y parviendrons, j'en suis convaincu.