Intervention de éric Dupond-Moretti

Réunion du mercredi 3 mars 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Le sous-amendement CL116 ôte la qualification de viol pour le nouveau crime de pénétration sexuelle sur un mineur de quinze ans et supprime la condition de différence d'âge. Cette dernière doit être maintenue pour des raisons de constitutionnalité. M. Brindeau estime compliqué de donner le même nom à des crimes dont les éléments constitutifs sont différents, c'est déjà le cas pour le vol, le recel, l'exploitation de la vente à la sauvette, le proxénétisme, l'exploitation de la mendicité, le harcèlement sexuel, les discriminations, le blanchiment et quelques actes de terrorisme. Avis défavorable.

Les sous-amendements identiques CL96, CL 104 rectifié, CL112, CL122, CL126 et CL133 incluent les actes bucco-génitaux à la définition du viol. La décision de la Cour de cassation à ce sujet est compliquée à appréhender mais je me garderai bien de commenter une décision de justice. La situation qui en résulte est la suivante : infliger une fellation à un petit garçon est un viol, infliger un cunnilingus à une petite fille ne l'est pas. C'est totalement discriminatoire et je suis donc favorable à ces sous-amendements.

Le sous-amendement CL87 propose d'insérer l'expression : « sans qu'il ne soit nécessaire de démontrer ». C'est le choix du verbe qui détermine ma demande de retrait : il n'est pas satisfaisant de définir une infraction en faisant référence aux éléments de preuve. Le verbe « démontrer » n'existe pas dans le code pénal, c'est dans le code de procédure pénale qu'il trouve sa place puisqu'on y aborde les éléments probatoires. Le législateur doit définir les éléments constitutifs d'une infraction, mais pas indiquer comment une infraction peut, ou non, être démontrée.

J'ai pris connaissance du sous-amendement CL139 de Mme Emmanuelle Ménard déposé tardivement en même temps que tout le monde, ce que je regrette car j'aurais souhaité le travailler davantage. J'y suis défavorable car l'emprise est déjà réprimée, et je ne peux accepter la modification de l'écart d'âge.

Je demande le retrait du sous-amendement CL108, à défaut avis défavorable. Il institue en effet un écart d'âge qui n'aurait aucune portée juridique : dès lors que la victime sera nécessairement un mineur de quinze ans et l'auteur un majeur, l'écart d'âge sera toujours d'au moins trois ans. Pour les mêmes raisons, je demande le retrait du sous-amendement CL138 de M. Pascal Brindeau.

Le sous-amendement CL107 prévoit, quant à lui, un écart d'âge de quatre ans. Je demande également son retrait, sinon avis défavorable.

Je suis défavorable au sous-amendement CL103, qui limite l'application de la différence d'âge de cinq ans aux cas dans lesquels le mineur a quinze ans ou plus. Cette précision est inutile ou injustifiée : le nouveau crime s'applique systématiquement si la victime a moins de quinze ans. Avis défavorable.

Les sous-amendements identiques CL102, CL109, CL118, CL123 et CL129 visent à prévoir que le caractère incestueux du nouveau crime créé est spécifiquement mentionné dans sa dénomination. J'y suis favorable car cette précision est opportune.

Les sous-amendements identiques CL105 et CL117 précisent que le viol incestueux s'applique à tous les mineurs, et pas uniquement à ceux de plus de quinze ans. J'y suis favorable.

Les sous-amendements CL88 et CL 89 emploient le verbe « démontrer », comme le sous-amendement CL87. Je demande également leur retrait.

Je suis favorable aux sous-amendements identiques CL113, CL124, CL127, CL128, CL130 et CL134. Ils ont pour objet d'étendre la qualification de viol incestueux sur mineur de dix-huit ans aux cas dans lesquels l'acte est commis, outre les ascendants, par des personnes qui ont autorité sur la victime. Nous retenons cette formulation pour des raisons rédactionnelles et nous demandons le retrait des autres sous-amendements dont l'objet est identique.

Le sous-amendement CL119 de M. Pascal Brindeau prévoit l'aggravation des cas de viols nouvellement définis en cas de torture ou d'actes de barbarie. Or, cette précision est inutile car ces nouveaux crimes figurent dans la partie du code pénal consacrée au viol, qui prévoit déjà ces aggravations. La peine encourue sera d'ailleurs la réclusion criminelle à perpétuité, et non une réclusion de trente ans comme le propose le sous-amendement. Retrait ou avis défavorable.

Le sous-amendement CL98 rectifié étend les agressions sexuelles incestueuses aux personnes ayant autorité. Je demande son retrait. Je n'ai pas d'opposition de principe mais je préfère la rédaction proposée par le sous-amendement CL95 de Mme Laetitia Avia, auquel je suis favorable.

J'en viens enfin aux deux amendements. Je suis défavorable à l'amendement CL3 de Mme Emmanuelle Ménard. Quant à l'amendement CL34 de Mme Isabelle Santiago, il est satisfait par l'amendement du Gouvernement, qui vient compléter sa proposition et propose un écart d'âge afin d'éviter la pénalisation d'une notion imprécise telle que la relation préexistante pérenne entre l'auteur et la victime. Pour des adolescents, qu'est-ce, en effet, qu'une « relation pérenne » ? C'est difficile à écrire dans la loi. Or, la norme pénale doit être précise. Un petit copain se fait larguer, un nouveau arrive, puis les anciennes amours reprennent… La relation est-elle pérenne si elle a connu des interruptions ? C'est sans doute l'effet de l'âge mais je vous avoue ne pas toujours comprendre nos adolescents. Ce n'est pas simple. La notion d'écart d'âge me semble pouvoir figurer dans la loi, pas celle de relation pérenne. Je propose donc le retrait de l'amendement CL34.

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