Intervention de Karine Lebon

Réunion du mercredi 3 mars 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKarine Lebon :

La proposition de loi que nous examinons est particulièrement sensible, tant le sujet est complexe et douloureux. Trop longtemps, les violences sexuelles subies par de jeunes enfants ont été minorées et passées sous silence. Et lorsqu'en de rares occasions, la parole se libérait, l'accueil était insuffisant, voire hostile. À l'angoisse paralysante des victimes se sont ajoutées l'impunité des agresseurs et la folle croyance de ceux qui considéraient que les enfants étaient en mesure, dès le plus jeune âge, de s'ouvrir à une sexualité consentie avec des adultes.

L'examen de cette proposition de loi montre à quel point le regard que la société porte sur ces violences a profondément évolué. Il s'agit désormais de ne plus rien laisser passer ! Les victimes et les associations sont attentives à notre débat. Le sujet mérite que nous dépassions les clivages politiques pour aboutir à un consensus sur les mesures indispensables à la protection des mineurs.

Le texte marque une avancée que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine tient à saluer : enfin, le viol sur mineur est un crime à part entière. Parce que l'enfance est un moment d'émerveillement, d'apprentissage et de vulnérabilité, il arrive que des adultes abusent de l'innocence des enfants. Nous devons donc édicter un interdit clair et aller plus loin que le seuil des treize ans inscrit dans la proposition de loi. En deçà de quinze ans, il ne saurait y avoir de consentement. En d'autres termes : avant quinze ans, c'est non !

Parce que ce constat ne peut souffrir aucune exception, il est insupportable que des affaires de viol sur mineur de moins de quinze ans puissent être correctionnalisées. À cet égard, le renforcement de l'atteinte sexuelle proposé à l'article 1er bis ne nous paraît pas suffisamment protecteur. Nous regrettons également que le problème de l'inceste soit si peu abordé. Il y a urgence à légiférer pour que celui-ci ne soit plus une surqualification pénale ni la circonstance aggravante d'un viol, mais bien un crime. La proposition de loi de Mme Isabelle Santiago visait notamment à insérer deux nouveaux articles dans le code pénal : l'un caractérisant le viol incestueux sur mineur, l'autre l'atteinte sexuelle incestueuse sur mineur. Dans le cas de faits incestueux, le seuil d'âge de non-consentement du mineur serait porté à dix-huit ans. Cela nous paraît cohérent ; nous soutiendrons donc les amendements allant en ce sens.

Par ailleurs, l'absence d'une infraction autonome d'atteinte sexuelle sur mineur nous paraît préjudiciable pour de nombreuses victimes. Parce que le dispositif qu'elle propose nous semble plus protecteur, nous soutiendrons, là encore, l'amendement que Mme Isabelle Santiago a déposé à ce sujet.

Nous sommes inquiets de l'instauration de la clause dite « Roméo et Juliette », que le Gouvernement semble vouloir reprendre à son compte. Nous nous y opposerons formellement. L'écart d'âge de cinq ans ne protégera pas suffisamment les mineurs de treize et quatorze ans ayant des relations sexuelles avec des majeurs de dix-huit et dix-neuf ans. Nous défendrons uniquement les cas où la relation existait avant que l'un des deux mineurs atteigne l'âge de la majorité et où il n'existe aucun lien d'autorité, de droit ou de fait, de l'un sur l'autre.

Enfin, je défendrai plusieurs amendements portant sur des mesures qui ne figurent pas dans le texte mais qui méritent une attention particulière. Je déplore ainsi l'absence de mesures de prévention en milieu scolaire. Aussi proposerai-je que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les mesures de prévention et les dispositifs de sensibilisation destinés à lutter contre les violences sexuelles sur mineurs. Quant aux abus sexuels sur les enfants atteints de handicap, ils sont rarement abordés alors qu'il s'agit d'un problème de grande ampleur. En 2012, l'Organisation mondiale de la santé affirmait que le risque pour un enfant d'être victime de violences sexuelles est 2,9 fois plus élevé s'il est atteint d'un handicap et 4,6 fois plus élevé s'il s'agit d'un handicap mental. Quant aux femmes autistes, 88 % d'entre elles ont été victimes de violences sexuelles, dont un tiers avant l'âge de neuf ans. Je défendrai un amendement visant à fixer un seuil de non-consentement à dix-huit ans dans le cas de relations sexuelles entre une personne porteuse de handicap et un adulte.

Cette proposition de loi est le deuxième texte que nous examinons sur le sujet en moins d'un mois. À nous de le consolider ensemble, au-delà de nos appartenances politiques respectives.

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