Intervention de Alexandra Louis

Réunion du mercredi 3 mars 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandra Louis, rapporteure :

Merci, chers collègues, Monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, pour vos interventions claires et fortes.

Nous pouvons nous réjouir de partager un constat : il y a quelques années, nous n'aurions pas eu un tel débat à l'Assemblée nationale. La société a évolué, bientôt notre droit évoluera également. Mais nous partageons également un objectif, celui de mieux protéger les mineurs en fixant un seuil d'âge à quinze ans, en intégrant l'inceste dans notre corpus pénal et en progressant sur la question de la prescription – nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.

Monsieur le garde des sceaux, je salue votre volonté d'avancer et le courage dont vous faites montre. Je partage votre exigence concernant la lisibilité du droit ainsi que votre volonté de préserver les relations consenties entre adolescents. Sur cette question, qui nous occupera beaucoup, vous me trouverez à vos côtés. Il serait en effet inconstitutionnel et surtout injuste de pénaliser les amours adolescentes.

En ce qui concerne l'inceste, certains ont souligné le fait que j'avais déposé peu d'amendements. C'est vrai, mais nous pourrons continuer à réfléchir. Si je salue le choix de fixer à dix-huit ans l'âge en deçà duquel on écarte la recherche d'un consentement pour les mineurs victimes d'inceste, je crois nécessaire d'appeler les choses par leur nom en inscrivant le mot « inceste » dans le texte et de réfléchir à une architecture appropriée.

Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie d'avoir évoqué la prévention. Nous examinons, certes, un texte répressif. Mais s'il est un combat prioritaire, c'est bien celui de la prévention, de la détection et de l'accompagnement. Les mesures que vous avez prises sont les bienvenues. Il faut donner à la société les moyens de réagir à ce fléau.

Monsieur Terlier, je partage votre volonté d'aboutir à un texte équilibré et protecteur. Nos travaux permettront, je le crois, de mieux protéger nos enfants et de mieux sanctionner les auteurs tout en préservant les exigences constitutionnelles, qui nous sont chères.

Monsieur Savignat, vous avez souligné la complexité du sujet. Il est vrai que, si nous nous accordons sur les objectifs, nous devons faire des choix car plusieurs voies peuvent être empruntées. Le garde des sceaux nous présentera la position du Gouvernement. Nous avons encore le temps de travailler : le sujet est trop complexe pour que tout se joue aujourd'hui, en commission. Il est certes urgent de légiférer mais nous devons prendre le recul nécessaire et nourrir notre réflexion, notamment sur certains des éléments que vous avez évoqués. Le texte que nous examinons est d'origine parlementaire mais, en cette matière, nous avons besoin de travailler avec le Gouvernement. Le combat que nous menons est collectif.

Madame Santiago, je partage votre volonté de porter le seuil d'âge de treize à quinze ans. Il me semble que, sur ce point, nous sommes unanimes. Vous souhaitez que le texte évolue ; ce sera le cas. Le Gouvernement défendra un amendement, sur lequel plusieurs sous-amendements ont été déposés qui nous permettront de marquer certains progrès.

Quant à l'écart d'âge, nous n'avons pas d'autre choix que de le prendre en compte car nous devons éviter que, dans la pratique, le texte ne complique la vie des magistrats. La vie pénale est faite d'exceptions et de cas particuliers. Nous avons la tâche, très délicate, de construire des normes générales et précise. Là est toute la difficulté de l'exercice.

La prostitution est une problématique sociétale qui a pris une ampleur considérable ces dernières années ; je l'avais souligné dans mon rapport d'évaluation et le Gouvernement est mobilisé sur ce sujet. À propos des amours adolescentes, vous avez évoqué la problématique de l'emprise. Cette notion est de plus en souvent prise en compte par les magistrats. L'est-elle suffisamment ? Sans doute pas. Dans les cas que vous évoquez, l'impunité n'est pas totale. Toutefois, nous devons faire en sorte de mieux protéger les mineurs, dans le domaine pénal mais aussi dans celui de l'enfance. Je ne suis pas certaine que la lutte contre la prostitution passe exclusivement par la problématique de l'écart d'âge.

Monsieur Houbron, les chiffres sont en effet terrifiants. Vous avez raison, il ne faut plus détourner le regard. Ces crimes doivent être dénoncés pour ce qu'ils sont. S'il est un message que nous devons transmettre, c'est le suivant : face à un doute ou à une simple suspicion, il faut réagir. Dans le doute, on ne s'abstient pas. Vous portez ce message avec beaucoup de force et je vous en remercie. Sur la nécessité de protéger les amours adolescentes, je suis d'accord avec vous.

Monsieur Brindeau, je ne reviendrai pas en détail sur le seuil d'âge parce que j'en ai déjà parlé et que nous en parlerons encore, mais je partage votre affirmation selon laquelle la protection de l'enfant doit primer. La Convention de New York nous le rappelle. L'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale dans nos débats. Vous considérez que nos travaux devraient s'intégrer à une section spécifique du code pénal. Nous en discuterons, parce que, si le sujet est très fort, il est aussi technique d'un point de vue juridique, ce qui conduit à faire des choix. Il n'y a pas de choix idéal ni de voie nous garantissant que tout cela soit constitutionnel. Nous sommes sur une ligne de crête, ce qui ne doit pas nous empêcher d'avancer avec détermination. Mais la détermination ne doit pas nous faire oublier la prudence que nous devons aux victimes.

Madame Obono, dès 2018, sur tous les bancs de l'hémicycle, nous avons eu la volonté, partagée par le Gouvernement, d'avancer pour protéger les victimes. Il ne faut pas renier ce que nous avons fait alors. Nous avons fait avancer le débat et nous le ferons encore. Sur ce sujet, chaque jour est un combat, qui a évolué grâce à la société civile, grâce à des parlementaires élus avant nous – je pense notamment à Gisèle Halimi qui n'avait pas éludé la question des mineurs. Il faut nous rappeler que c'est un combat de longue haleine, dans lequel nous devons progresser avec prudence. Vous regrettez l'absence d'étude d'impact. J'aurais, comme nous tous, préféré que nous ayons un avis du Conseil d'État et une étude d'impact. Cela ne nous empêche pas d'avancer de façon éclairée, grâce aux auditions notamment. Nous reviendrons sur l'écart d'âge tout comme sur l'intentionnalité dans la connaissance de l'âge. Contrairement à vous qui pensez que nous faisons du surplace, je pense que nous avons une belle occasion d'avancer.

Madame Lebon, vous avez rappelé que la proposition de loi dépassait les clivages politiques, ce que je partage, tout comme votre constat de l'urgence à légiférer sur l'inceste. Actuellement, il n'est qu'une surqualification en droit pénal et une circonstance aggravante uniquement quand elle concerne un ascendant. Nous avons vocation à avancer. Nous sommes attendus sur ce sujet. Le législateur a reculé à plusieurs reprises, non pas par manque de volonté mais parce qu'il se heurtait à des difficultés juridiques. Je suis intimement persuadée que nous avons la possibilité d'avancer aujourd'hui. Je partage aussi votre combat relatif à la clause « Roméo et Juliette ». Nous sommes également sensibles à la question du handicap, que vous avez soulevée. Je ne sais pas, en revanche, si nous y répondrons dans le cadre de cette loi pénale. Dans tous les cas, cela doit être au cœur de nos débats.

Monsieur Molac, il y a bien un changement de mentalité que la loi doit accompagner. Elle doit aller vers un changement de civilisation. C'est un combat culturel que nous devons mener. La loi pénale peut et doit beaucoup, mais elle ne pourra pas tout. C'est pour cela que je soulignais le besoin d'avancer en matière de prévention.

Madame Jacquier-Laforge, la mobilisation parlementaire est effectivement nécessaire. Nous devons faire avancer notre droit. Je comprends votre volonté de progresser sur la question de l'écart d'âge. Je suis sensible à vos arguments mais nous devons déjà nous dire que ce texte est une avancée historique et qu'il va falloir faire preuve de prudence, afin de ne pas créer plus d'injustices mais d'en éviter. Nous devons vraiment faire en sorte que ce texte tienne la route, si je puis dire. S'il devait être censuré, nous serions tous dans une situation très compliquée pour l'expliquer aux victimes.

Madame Ménard, je partage évidemment votre exigence de faire prévaloir l'intérêt supérieur de l'enfant. Pour le seuil d'âge, vous avez compris que notre volonté était de le porter à quinze ans. Concernant l'écart d'âge, j'ai eu un peu de mal à vous suivre parce que vous évoquez un mineur de douze ans. Le principe de l'écart d'âge n'entre pas en compte dans les relations entre mineurs. Dans le cas d'un mineur de douze ans avec un majeur de dix-huit ans, l'écart d'âge sera supérieur à cinq ans. Le mineur de douze ans ne sera donc pas concerné par ce principe qui concerne les victimes entre treize et quatorze ans et les auteurs entre dix-huit et dix-neuf ans. Il ne s'agit que de ce cas très spécifique. Certains pays européens sanctionnent les relations sexuelles entre mineurs ; ce n'est ni ma volonté ni celle du Gouvernement. Concernant l'ascendant indirect, je ne vous ai pas bien comprise. L'idée est que l'inceste concerne tous les mineurs de dix-huit ans. Il ne s'agit pas d'établir des catégories, même si la rédaction prête peut-être à confusion. Il faut protéger tous les mineurs de zéro à dix-huit ans de l'inceste. Au-delà de dix-huit ans, il existe d'autres dispositifs juridiques.

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