Intervention de Alexandra Louis

Réunion du mercredi 3 mars 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandra Louis, rapporteure :

Le sujet que nous examinons nécessite de la clarté. J'aimerais rappeler l'actuel dispositif. Il existe trois infractions : le crime de viol, le délit d'agression sexuelle et le délit d'atteinte sexuelle. Dans les deux premiers cas, on recherche l'existence ou non d'un consentement. En cas de relation entre un adulte de dix-huit ans et demi et un mineur de quatorze ans, on recherche s'il y a eu violence, contrainte, surprise ou menace. Si tel est le cas, l'adulte sera déféré et poursuivi. Si la relation, à l'inverse, est consentie, alors il n'y a pas de poursuites pénales ou, du moins, il y a acquittement ou relaxe. Si l'agression sexuelle est un délit, le viol est un crime passible de la cour d'assises et relevant d'une procédure très lourde, même si celle-ci ne va pas jusqu'à un prononcé de culpabilité ou à une condamnation. Les enjeux sont donc énormes pour un jeune majeur soumis à une telle procédure judiciaire. En cas d'atteinte sexuelle, l'adulte de dix-huit ans et demi peut être renvoyé devant le tribunal correctionnel.

Le dispositif prévu dans l'amendement du Gouvernement se superposera à l'existant : il n'écrase pas ce qui a été fait avant, notamment en 2018. Si nous sommes tous d'accord sur les moins de treize ans, il y a une difficulté concernant les treize à quinze ans : il peut y avoir des relations consenties – nous ne sommes pas d'accord sur ce point – entre un jeune majeur de dix-huit ou dix-neuf ans avec un mineur de treize ou quatorze ans. Dans une telle hypothèse, le juge ne va pas classer le dossier : il vérifie s'il y a un vice du consentement dans la relation entre ces deux personnes. S'il y a emprise, on pourrait considérer qu'il s'agit d'une contrainte et, par conséquent, qu'il y a viol ou agression sexuelle : la juridiction pourrait prononcer une condamnation. Le dispositif n'instaure donc pas une impunité pour ces jeunes majeurs. Si, à l'inverse, il n'y a pas vice du consentement – même si cela ne s'appelle pas comme cela dans le code –, il y aurait encore l'atteinte sexuelle, délit qui ne retient aucun écart d'âge. Cela n'organise pas l'impunité mais cela évite la criminalisation.

Le majeur de dix-huit ans et demi ne peut pas avoir une relation sexuelle avec un mineur de moins de quinze ans : il serait passible d'une peine correctionnelle au titre du délit d'atteinte sexuelle mais il ne pourrait être renvoyé devant la cour d'assises pour viol. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il y aura superposition de deux dispositifs : pas d'impunité, mais protection pour les moins de quinze ans. Il est difficile de faire coexister deux régimes car cela pose des questions de sécurité juridique et des difficultés liées à la rétroactivité de la loi pénale moins sévère – tout cela est technique. Les treize et quatorze ans, dans le nouveau dispositif, ne seront pas plus vulnérables : le texte les protège davantage. Dans tous les cas, un écart d'âge de trois ans n'aurait pas de sens car cela reviendrait à ne plus avoir d'écart d'âge. De plus, ce serait inconstitutionnel.

Concernant l'autorité de droit ou de fait, l'enjeu est que la future disposition tienne compte de toutes les situations, ce qui est un exercice délicat. La rédaction est perfectible et elle pourra être retravaillée d'ici à la séance publique – je n'y suis pas opposée et j'ai compris que le Gouvernement ne l'était pas non plus. En matière d'inceste, il peut exister des situations particulières : par exemple, en cas de relation incestueuse imposée par un frère de dix-sept ans à sa sœur de dix-huit ans, si le dispositif ne tient pas compte des particularités, on pourrait poursuivre la sœur alors que celle-ci est la victime. C'est un sujet complexe sur lequel nous devons prendre beaucoup de recul ; c'est ce que nous ferons d'ici à la séance publique.

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