Intervention de éric Dupond-Moretti

Réunion du mercredi 3 mars 2021 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Hélas non. Les statistiques nous renseignent sur le nombre d'infractions, les condamnations, les peines prononcées, les moyennes, mais pas sur l'identité des personnes concernées ni sur leur âge. On sait simplement si elles sont mineures ou majeures car les juridictions ne sont pas les mêmes dans l'un et l'autre cas. Je ne peux donc pas vous en dire davantage, même s'il serait intéressant de disposer de telles données.

En revanche, la plupart des affaires classées sans suite l'ont été parce que l'atteinte s'était résumée à un simple baiser, celui évoqué par M. Pacôme Rupin. Imaginez-vous un procureur, en France, poursuivre pour atteinte sexuelle dans le cas d'un baiser ?

La difficulté est énorme, nous n'avons pas encore la solution. Il est très difficile de traduire le cas des amours adolescentes dans la loi. Nous en avons déjà discuté à l'occasion de la réforme de la justice pénale des mineurs. D'abord, comment définir un adolescent ? Certains gamins sont plus mûrs que d'autres. Ensuite, la notion de pérennité est plus que compliquée à utiliser s'agissant d'adolescents – sans compter qu'une relation sexuelle peut très bien avoir été consentie dans un cadre qui n'avait rien de pérenne. C'est la vie ! Enfin, comment traduire dans la loi pénale le concept d'amours adolescentes ? C'est à se casser la tête. Il y a même des risques d'inconstitutionnalité.

Nous sommes ici pour renforcer les droits des mineurs, pas pour abroger la loi en vigueur. Bien sûr, nous nous posons des tas de questions de cohérence, de parallélisme, et c'est bien normal. Cela étant, depuis que la loi est entrée en vigueur, il y a longtemps maintenant, avez-vous eu connaissance de la moindre difficulté ? Non. Je me suis renseigné. D'un côté il y a la loi et les grands principes plus ou moins éthérés, de l'autre il y a la réalité : les services n'ont été confrontés à aucune difficulté.

La discussion est infinie car il y a des arguments légitimes de part et d'autre. Mais il y a tout de même un principe clair : l'interdit, pour un majeur, d'avoir une relation avec une gamine ou un gamin. La notion d'atteinte sexuelle permet de le rappeler.

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