Intervention de Pacôme Rupin

Réunion du mercredi 17 mars 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPacôme Rupin :

Nous avons tous pu constater, ces dernières années, que de plus en plus de manifestations donnaient lieu à des délits graves, qu'il s'agisse de violences sur des personnes, de dégradations de biens ou d'affrontements avec les forces de l'ordre. Ces délits sont malheureusement le fait d'une petite minorité d'individus violents, qui n'ont aucunement l'intention de défendre des revendications citoyennes et de débattre, mais qui cherchent le chaos.

Face à ces agissements, les premières victimes sont la majorité de manifestants qui souhaitent pacifiquement faire valoir leurs idées et leur liberté d'expression. Ces violences les privent, d'une certaine manière, de leur liberté de manifester, ce qui est grave. En tant que député de Paris, dont la circonscription couvre le parcours République-Bastille, je confirme que ces événements sont très mal vécus, par les habitants, les commerçants, mais aussi par les Parisiens en général, qui souhaitent participer à ces manifestations dans une forme de tranquillité.

Notre majorité a toujours tenté de préserver un équilibre entre, d'une part, la garantie du droit de manifester, qui découle directement de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et, d'autre part, la garantie de l'ordre public et la protection de nos forces de l'ordre. À cet égard, nous partageons le diagnostic posé par cette proposition de loi. L'état d'avancement des travaux proposé par le rapporteur décrit bien le fonctionnement des black blocs, mouvement qui incarne cette spoliation des causes par une minorité violente.

L'objectif du texte est d'introduire une mesure administrative d'interdiction de manifester. Cette interdiction concernerait une personne constituant une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, par ses agissements ou par la commission d'un acte violent ayant entraîné des atteintes graves à l'intégrité des personnes ou des dommages importants aux biens, à l'occasion d'une manifestation sur la voie publique organisée il y a moins d'un an. Le préfet pourrait lui interdire, par arrêté motivé : d'une part, de participer à une manifestation sur la voie publique ; d'autre part, de participer à toute manifestation sur le territoire pour une durée de dix jours.

L'article unique de ce texte reprend donc l'article 3 de la loi du 10 avril 2019, aussi appelée loi anticasseurs, issue d'une proposition de loi venant du Sénat. Cet article, à l'époque, a été censuré par le Conseil constitutionnel, qui a considéré qu'il laissait à l'autorité administrative une latitude excessive dans l'appréciation des motifs susceptibles de justifier l'interdiction. L'atteinte à la liberté de manifester a donc été jugée disproportionnée, compte tenu de la portée de l'interdiction contestée, des motifs susceptibles de la justifier et des conditions de sa contestation.

Le groupe UDI-I et vous-même, monsieur le rapporteur, avez tenté de tenir compte de cette censure, en revoyant l'écriture de cet article. Nous pouvons saluer ce travail. Cependant, l'équilibre proposé entre préservation de l'ordre public et liberté de manifester reste incertain. Il continue à faire débat, notamment au sein du groupe La République en marche.

Pour l'instant, prendre du recul sur le reste de la loi du 10 avril 2019 semble nécessaire. Elle donne déjà des outils forts au juge judiciaire, gardien des libertés individuelles. L'article 7 permet de prononcer une interdiction judiciaire de participer à des manifestations sur la voie publique, qui ne peut excéder une durée de trois ans. L'article 8 a ajouté la possibilité d'interdire à la personne placée sous contrôle judiciaire de participer à des manifestations sur la voie publique, dans des lieux déterminés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention (JLD). Ainsi, avant de penser à légiférer de nouveau, nous devons examiner l'efficacité de ces mesures.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en marche, tout en partageant la volonté du rapporteur de répondre aux violences au sein des manifestations, tire les enseignements de la censure du Conseil constitutionnel et se prononcera majoritairement contre ce texte.

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