Cette proposition de loi revient sur un sujet dont nous avons déjà débattu. Elle vise à donner à l'autorité administrative le pouvoir d'interdire de manifestation toute personne présentant une menace pour l'ordre public, en raison de ses agissements ou de la commission d'actes violents. Elle est cousine d'un texte dont le Conseil constitutionnel, en 2019, avait censuré une disposition analogue, la jugeant non conforme à la Constitution en ce qu'elle donnait une latitude excessive à l'autorité administrative dans l'appréciation des motifs susceptibles de justifier l'interdiction. Selon les termes de l'article jugé non conforme, cette interdiction ne pouvait frapper que les personnes ayant commis des atteintes graves à l'intégrité physique des personnes ainsi que des dommages importants aux biens, ou encore un acte violent lors de manifestations précédentes.
Cette nouvelle proposition appelle de ma part deux observations sur le fond. D'une part, les termes pour déterminer et caractériser les motifs de l'interdiction restent larges et sujets à interprétation par l'autorité administrative. De façon subsidiaire, l'interdiction elle-même a une durée non circonstanciée à une manifestation donnée. Elle peut donc atteindre dix jours et être accompagnée d'une convocation au commissariat.
D'autre part, l'autorité administrative ne dispose d'aucune indépendance, alors que le droit de manifester est une liberté fondamentale. En aucune façon la proposition ne prévoit les conditions de contestation d'une telle décision. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision de 2019, avait in fine considéré qu'il était porté au droit d'expression collective des idées et des opinions une atteinte qui n'était ni adaptée ni nécessaire ni proportionnée.
Cette proposition ne nous paraît ni opportune ni conforme à notre droit, tel qu'il est interprété par le Conseil constitutionnel. Notre groupe est opposé à son adoption.