Je serai bref puisque, comme l'a rappelé notre collègue Jean-François Eliaou, nous avons récemment présenté un rapport conjoint sur ce sujet.
Si, comme vous l'avez rappelé dans votre rapport et comme vient de l'indiquer notre collègue, la manière d'aborder la situation des mineurs non accompagnés sur le territoire national est un sujet prégnant, il nous est difficile de dire que nous ne sommes pas d'accord avec votre texte. L'un des points relevés à chaque audition que nous avons réalisée est la détermination de la minorité, qu'à mon sens, il eût été préférable d'aborder sous l'angle de l'identité de la personne, l'âge n'en étant que l'un des éléments constitutifs. De fait, la difficulté principale rencontrée par tous les professionnels est d'obtenir l'identité.
Comme vient de le rappeler Jean-François Eliaou, le sujet doit être abordé par cercles concentriques. Il convient, d'abord, de rechercher les pays de provenance de ces personnes et les raisons de leur départ, puis leur parcours migratoire. Au fil de nos auditions, nous nous sommes aperçus que la grande majorité de ceux qui avaient des documents d'identité en Espagne n'en avaient plus à leur arrivée en France. Il convient de s'interroger sur le fonctionnement de nos institutions et de notre système pour comprendre pourquoi en passant les Pyrénées, les papiers disparaissent.
Il existe deux sortes de mineurs non accompagnés : ceux qui vont immédiatement à la rencontre de l'aide sociale à l'enfance et sont demandeurs d'accompagnement, et ceux qui, cherchant à passer sous les radars, sont appréhendés par les forces de l'ordre et déférés devant la justice. Pour ceux-là, votre proposition pose un énorme problème. À partir du moment où vous les présumerez majeurs, vous les renverrez devant le tribunal correctionnel qui, en l'absence d'identité et d'âge établis, ne pourra que se déclarer incompétent. Nous nous retrouverons dans un jeu de ping-pong entre le tribunal pour enfants et les juridictions correctionnelles qui ne seront pas en capacité de résoudre les litiges et de prononcer des décisions, dans l'ignorance totale de la minorité ou de la majorité de la personne.
Se pose aussi, comme le rappelait Jean-François Eliaou, le problème constitutionnel de l'inversion de la charge de la preuve. Puisque, selon la convention internationale des droits de l'enfant, chaque enfant a le droit d'être protégé s'il se déclare mineur, il appartiendra aux institutions, conformément au régime de charge de la preuve en vigueur en France, de démontrer le contraire. Mais comment le démontrer par une simple présomption ? Cela nous paraît difficile et incompatible avec les règles et principes fondamentaux du fonctionnement judiciaire de notre pays.
À cela s'ajoute l'incertitude du test osseux que vous voulez imposer et que nombre de professionnels reconnaissent comme non fiable et ne correspondant plus à la réalité des mineurs se présentant sur le territoire national.
Oui, le sujet est bon. Oui, le sujet est important. Oui, il faut que nous trouvions une solution. Avec Jean-François Eliaou, nous ne désespérons pas de voir notre rapport trouver rapidement écho et de parvenir à un texte proposant une solution globale afin de mettre un terme à des situations anormales. On expose les vrais mineurs à un danger en les hébergeant aux côtés de mineurs qui se révèlent être majeurs, ce que nous ne pouvons pas accepter. Mais en l'état, nous ne pourrons faire autrement que de voter contre ce texte.