Je remplace mon collègue Philippe Latombe.
La question des mineurs non accompagnés provoque d'importants débats, notamment sur les modalités de détermination de la minorité. L'évaluation de leur âge repose sur des faisceaux d'indices prévus par le législateur ou par décret, qui ne font pas toujours l'objet de consensus.
Au 31 décembre 2019, selon l'Assemblée des départements de France, l'aide sociale à l'enfance prenait en charge près de 40 000 mineurs non accompagnés (MNA). Pour l'ensemble de l'année 2020, 40 000 personnes étrangères se présentant comme mineures devraient avoir sollicité le statut de MNA, dont la moitié environ devrait être intégrée au dispositif de l'ASE, soit directement par les services du département, soit par le juge après un recours introduit par les candidats recalés, soit un total d'environ 20 000 personnes.
Cette situation engendre des crispations, en particulier dans les départements qui supportent le coût de la prise en charge, lequel s'élève en moyenne à 50 000 euros par mineur et par an. Le coût total pour la collectivité en 2019 s'élevait à 2 milliards d'euros, à la charge des départements qui reçoivent une compensation de l'État pour une partie de ces dépenses, contre 50 millions en 2012. Ce chiffre pourrait atteindre 2,5 milliards d'euros en 2020 et, si la dynamique actuelle perdure, 3 milliards d'euros en 2021.
Votre texte, madame la rapporteure, propose de remplacer la présomption de minorité qui prévaut dans notre droit positif par une présomption de majorité lorsque l'intéressé refuse de se soumettre à un examen médical d'évaluation de son âge. Le groupe Modem et Démocrates apparentés n'est pas favorable à cette proposition de loi qui tend à créer un régime d'exception contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant. Comme l'ont dit les deux orateurs précédents, il comporte un risque d'inconstitutionnalité, point que je vais développer pour expliquer notre position.
L'inversion de la présomption de minorité prévue par cette proposition de loi semble contraire à la Constitution. Dans sa décision du 21 mars 2019, le Conseil constitutionnel a indiqué que l'impossibilité de déduire la majorité d'une personne de son seul refus de se soumettre à un examen osseux fait partie des garanties attachées à la protection de l'enfance. Par conséquent, la présomption de majorité reviendrait à inverser la présomption du fait du refus de l'examen médical, ce qui est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant qui impose que les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge.
De plus, un certain nombre de juridictions internationales posent le principe d'une présomption de minorité. Celle-ci est également consacrée par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), tandis que le comité des droits de l'enfant des Nations unies consacre de manière claire cette présomption de minorité dans ses décisions du 31 mai 2019 contre l'Espagne. Pour cette seule raison, le groupe Modem et Démocrates apparentés est défavorable à cette proposition.
Enfin, le dispositif de cette proposition de loi pose la question des modalités de détermination de la minorité des mineurs non accompagnés. Le recours à des examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge en l'absence de documents d'identité valables ne fait pas l'objet d'un consensus. Je précise que cet examen s'appuie sur des données collectées dans les années 1930 à 1940 auprès de mille jeunes Américains, qui ne correspondent plus du tout aux morphologies actuelles. La marge d'erreur, de plus à moins de dix-huit mois, mentionnée par Jean-François Eliaou, montre la fragilité de ce test.
Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas cette proposition de loi.