Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Réunion du mercredi 17 mars 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo :

Je représente mon groupe à la commission des Lois car, en tant que coprésidente du groupe d'études sur les mineurs non accompagnés, je suis particulièrement mobilisée sur les problématiques relatives à ces mineurs. Avec ma collègue Elsa Faucillon, nous avons participé à de nombreuses auditions d'associations et d'acteurs de terrain. Je salue, d'ailleurs, le travail de mes collègues Eliaou et Savignat, tout en rappelant que les problèmes de sécurité liés à la présence des MNA sur le territoire sont créés par 10 % d'entre eux, les autres étant avant tout des enfants vulnérables.

Nous devons dépasser les couleurs politiques. En l'état actuel du phénomène, aucun département français ne peut assumer la charge de ce sujet, la situation financière de ces collectivités étant d'ores et déjà catastrophique.

D'après l'Institut Montaigne, pour l'ensemble de l'année 2020, 40 000 personnes étrangères se sont présenté comme mineures et ont sollicité le statut de MNA. Sur ces 40 000, environ la moitié devrait être intégrée au dispositif de l'ASE, soit directement par les services du département, soit par le juge après un recours introduit par les candidats recalés, soit un total de 20 000 personnes. Cette situation ne va pas sans crispation, en particulier dans les départements qui supportent le coût de prise en charge, qui s'élève en moyenne à 50 000 euros par mineur et par an. Ne faudrait-il pas gérer ce phénomène à l'échelle nationale par une enveloppe commune, là où les départements et l'ASE sont débordés et n'ont pas toujours les moyens de faire face ?

Selon les chiffres de 2019 fournis par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, les mineurs non accompagnés présents en France viennent avant tout d'Afrique de l'Ouest et de trois pays en particulier – la Guinée-Conakry, le Mali et la Côte-d'Ivoire –, et 10 % d'entre eux sont originaires du Maghreb. Il existe un vrai sujet de délinquance, puisqu'en 2019, les MNA maghrébins représentaient 75 % de ceux déférés à la justice. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 75 % des mineurs déférés à un tribunal depuis le déconfinement sont des mineurs non accompagnés.

Une autre question se pose quant à la coopération diplomatique avec ces pays. Il faudrait renforcer les partenariats avec les autorités guinéennes, par exemple, sur le modèle de ce qui a été fait avec les autorités marocaines, en 2018. Une équipe marocaine, composée de sept policiers déployés à Paris pour identifier les mineurs de la Goutte-d'Or, a permis d'identifier 320 Marocains, dont 140 étaient majeurs.

Madame Thill, je partage l'objectif visé par le dispositif. Dans la mesure où des individus connaissent très bien le droit de ne pas accepter d'examen médical afin d'établir la minorité, il est insupportable de penser que certains utilisent le statut très protecteur légitimement accordé par la France aux mineurs – et il faut s'en honorer – pour se jouer du droit des étrangers, du droit d'asile et du droit pénal. Néanmoins, l'ensemble des avis et recommandations s'accordent sur le fait que les tests osseux présentent, notamment autour de l'âge de 18 ans, une marge d'erreur de dix-huit à vingt-quatre mois. C'est une raison pour laquelle le Conseil constitutionnel, dans une décision QPC du 21 mars 2019, a jugé conformes les alinéas 2 et 3 de l'article 388 du code civil, estimant que la majorité d'une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux.

Il est urgent d'agir. Nous en sommes tous conscients, tout comme nous sommes conscients que cette problématique doit être traitée dans sa globalité, et que le rapport d'information de nos collègues Eliaou et Savignat et les propositions à venir du groupe d'études doivent nous inciter à élaborer un texte commun et global. Les sages de la rue de Montpensier ont été clairs ; la proposition de loi nous semble vouée à l'inconstitutionnalité et, en conséquence, nous ne la voterons pas.

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