En instaurant une présomption de majorité pour les enfants qui refusent de se soumettre au test et en créant, de fait, une obligation de s'y soumettre, les enfants isolés risquent de ne plus pouvoir bénéficier de la prise en charge par l'aide sociale à l'enfance en France. Or ces tests sont peu fiables et peu efficaces. Une étude réalisée en 2017 au centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Marseille sur 1 423 garçons et 1 191 filles âgés de 1 à 21 ans, a mis en évidence que pour un individu donné, la marge d'erreur varie de six mois à un an près entre 0 et 10 ans et d'un à deux ans près au-delà de 10 ans. La variabilité la plus grande est observée entre 16 et 18 ans, c'est-à-dire la tranche d'âge la plus fréquente des migrants mineurs.
Dans plusieurs cas des personnes réellement mineures ont été chassées de l'aide sociale à l'enfance car étant considérées comme majeures. En 2014, le journal Le Monde rapportait le cas d'une jeune congolaise de 16 ans victime d'un réseau de proxénètes. Isolée et sans contact à Paris, elle avait pu bénéficier de l'aide sociale à l'enfance et se construire grâce à cela, mais elle en avait été chassée et s'était retrouvée à la rue à la suite d'un test osseux qui lui donnait 18 ans mais qui s'est finalement révélé erroné.
Ces tests ont été dénoncés par le Défenseur des droits, le conseil national de l'Ordre des médecins, le Haut Conseil de la santé publique, le comité des droits de l'enfant des Nations unies, le Syndicat de la magistrature, la Cimade, Médecins du monde, la Ligue des droits de l'homme, etc. La détermination d'un âge physiologique sur le seul cliché radiologique est à proscrire, a notamment souligné le Haut Conseil de la santé publique, dans un avis de 2014.
La problématique des mineurs étrangers non accompagnés est avant tout humaine. Environ 40 000 personnes seraient concernées sur le territoire français. Elle rejoint la problématique de l'accueil des migrants dans notre pays. Certains majeurs isolés essaient de se faire passer pour mineurs afin de bénéficier de l'aide sociale à l'enfance, parce qu'ils risquent de vivre à la rue s'ils ne bénéficient de cet accompagnement.
Le vrai problème est donc bien l'incapacité de l'État à construire une politique d'accueil des migrants respectueuse de la dignité humaine, des conventions internationales et européennes, mais également de la propre législation française qui peine à être appliquée pour cause de sous-dotation en moyens humains, financiers et matériels.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Libertés et territoires n'est pas favorable à cette proposition de loi.