Intervention de Dimitri Houbron

Réunion du mercredi 31 mars 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDimitri Houbron :

Cette proposition de loi s'inscrit directement dans le besoin de différenciation singulièrement exprimé par la Corse dans la limite de ce qui est permis par la loi et la Constitution. Ce besoin de différenciation mérite des évolutions proportionnées. Ce texte aborde diverses problématiques relatives à la Corse. Selon un rapport de l'INSEE paru en octobre 2015, les touristes ont dépensé 2,5 milliards d'euros dans l'île, ce qui représente 31 % du produit intérieur brut régional. L'attractivité de l'île de beauté pousse de nombreux acheteurs fortunés à y investir pour des résidences secondaires ou dans un but locatif. Les chiffres pointés par une étude de l'agence corse d'urbanisme, en décembre 2019, en témoignent : à l'échelle de la France, le prix moyen au mètre carré d'un terrain à bâtir a augmenté en moyenne de 68 % entre 2006 et 2017. Durant la même période, dans l'île, la hausse s'élève à 138 %. De surcroît, tandis que le coût du foncier a augmenté en moyenne deux fois plus vite que celui du logement sur le continent, sa progression a été quatre fois plus rapide en Corse – 138 % contre 36 %. L'immobilier corse est un marché captif et hyper concentré. Par ailleurs, 20 % des Corses vivent sous le seuil de pauvreté.

Nous devons apporter des réponses innovantes tout en trouvant des points d'équilibre. M. Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, l'a souligné durant les auditions : selon un proverbe corse, demander est toujours permis, et même s'il est peu probable que la réponse soit positive. Nous comprenons donc la détermination avec laquelle le groupe Libertés et territoires se bat pour cette proposition de loi. Pourtant, l'article 1er pose la question de l'atteinte portée à deux principes constitutionnels. D'une part, il ne s'appuie pas suffisamment sur un motif d'intérêt général et les garanties voisines à ce principe. D'autre part, en vertu du principe d'égalité devant la loi, la Corse a beau disposer d'un statut spécifique, il faudrait justifier qu'au regard des autres situations sur le continent, elle souffre de singularités exacerbées et manifestes.

Alors que l'article 2 prévoit de créer une taxe annuelle sur les résidences secondaires, des contraintes constitutionnelles demeurent. Il est impératif de prouver la spécificité corse. Or, la Corse n'est pas la seule concernée par un taux élevé de résidences secondaires – je pense notamment à la Côte d'Azur. Par ailleurs, cette taxe présenterait un caractère confiscatoire en s'ajoutant à d'autres impositions. Enfin, la modulation du taux, placée entre les mains de la collectivité de Corse, serait contraire au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques. Si nous ne perdons pas de vue que les spécificités territoriales de la Corse méritent d'être prises en compte, nous estimons que les dispositions prévues par ce texte instaurent une différenciation disproportionnée. Je préfèrerais débattre de la différenciation corse dans le cadre du prochain projet de loi dit 4D. Par conséquent, à titre personnel, je m'abstiendrai sur ce texte.

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