Cette proposition de loi vise à concrétiser une promesse du Président de la République qui, à ce jour, n'a toujours pas été tenue. Le statut particulier de la Corse devait être reconnu dans la Constitution, en 2018. C'était une promesse de campagne d'Emmanuel Macron qu'il avait transformée en engagement une fois élu. Cette inscription dans la Constitution ouvrait la voie vers l'instauration de réponses législatives plus adaptées aux spécificités de la Corse, qu'il s'agisse de l'insularité, de la faible densité, de la pression foncière et immobilière, de la déperdition de la langue, de l'identité, de la culture qui font la richesse de cette île. Face à l'abandon brutal de cette réforme en juillet 2018, il me semble crucial que nous puissions faire évoluer le statut de la Corse à droit constitutionnel constant. L'article 4 prévoit ainsi d'octroyer un droit d''expérimentation à la collectivité de Corse. Cette mesure nous semble la plus adaptée pour faire évoluer le statut de la Corse dans le respect de la Constitution. Ainsi, nous sommes en phase avec la politique du Gouvernement qui souhaite favoriser le recours aux expérimentations. La ministre Jacqueline Gourault n'avait-elle pas déclaré que la solution résidait dans la différenciation ?
Cette proposition de loi vise également à répondre au problème le plus urgent, celui de la spéculation immobilière galopante : 37,2 % du parc de logements de l'île est déjà composé de résidences secondaires, soit quatre fois plus que sur le continent. Ces logements intermittents, souvent possédés par des personnes qui n'ont pas de lien avec l'île, font flamber les prix. Entre 2006 et 2019, le coût du logement a augmenté deux fois plus vite en Corse que sur le continent, et le coût du foncier, quatre fois plus vite. Se loger est devenu extrêmement difficile pour un Corse, d'autant plus qu'un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté et que le revenu annuel y est plus faible que sur le continent. L'offre de logement social y est également plus réduite – 10 % contre 17 %.
Il est donc essentiel de prendre des mesures législatives spécifiques à même de répondre à la situation. On peut toujours parler de la Corse avec légèreté, en souriant, comme d'un folklore local, mais nous, nous en souffrons ! Chaque jour, nous voyons s'effondrer notre univers. C'est cela qu'il faut comprendre. Pour faire face à cette situation qui nous touche au plus profond de nous-mêmes, ce texte propose des mesures proportionnées. Vous parlez de rupture d'égalité mais, au quotidien, c'est notre communauté insulaire qui la subit. Cette communauté, rappelons-le, est ouverte. Elle repose sur un sentiment d'appartenance. Chaque jour, depuis l'empire romain, des hommes et des femmes de toutes origines sont venus s'y fondre. La population de la Corse a doublé depuis 1970, exclusivement du fait de l'excédent migratoire. Je vous laisse en imaginer la signification. Le mouvement s'accélère encore au point de ne plus pouvoir être contrôlé. Chaque jour, vingt et une personnes s'installent en Corse et sept en repartent.
Le rapporteur a fourni un travail considérable, à l'issue des nombreuses auditions qu'il a menées, pour parvenir à un terrain d'entente. Il nous est proposé un triptyque de mesures : un droit de préemption accordé à la collectivité de Corse, composée à 80 % de toutes petites communes, le financement de ce droit par une taxation juste qui respecte le principe d'égalité des citoyens devant l'impôt – le système d'une taxe sur les résidences secondaires les plus onéreuses existe déjà en Île-de-France, du reste –, enfin la collectivité de Corse doit pouvoir s'appuyer sur les documents d'urbanisme afin de favoriser l'accès au logement des habitants.
Il est temps de reconnaître les difficultés spécifiques de notre île, de prendre en compte la volonté exprimée à chaque élection par une majorité d'électeurs. En Corse, c'est également une grande majorité d'élus, en particulier des maires, qui soutiennent ce texte.