Intervention de Bastien Lachaud

Réunion du mercredi 31 mars 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Nos collègues du groupe Libertés et Territoires proposent un texte visant à lutter contre le phénomène de spéculation foncière et immobilière en Corse. Notre groupe ne peut qu'approuver cette volonté de combattre la spéculation, l'accaparation par les riches, la destruction de tout par la marchandisation, l'exclusion des classes sociales les moins favorisées.

En effet, la spéculation foncière et immobilière fait des ravages en Corse comme ailleurs afin de tirer de juteux profits du tourisme de masse. Peu importe les conséquences sur les populations ! Or, elles sont terribles. Les achats à visée touristiques accaparent tous les logements disponibles, les lieux sont vidés de leur population, sur-occupés pendant les vacances d'été et fantomatiques l'hiver.

L'absence ou la faiblesse de régulation entraînent de graves problèmes d'accès au logement. Les logements disponibles sont donc accaparés, jamais loués à l'année, les habitants sont chassés au loin et les trajets pour aller travailler s'allongent.

Peu à peu, les lieux sont artificialisés, entièrement consacrés au tourisme, et les spécificités qui font leur charme sont folklorisées et muséifiées pour en tirer le plus d'argent possible. Même la beauté du paysage est mercantilisée !

Le problème de l'indisponibilité des logements s'aggrave d'année en année en Corse. Entre 2006 et 2019, les coûts du logement et du foncier ont respectivement augmenté deux et quatre fois plus vite sur l'île que sur le continent alors qu'un Corse sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. En moyenne, les loyers sont très élevés ; on compte seulement 10 % de logements sociaux, ce qui est le taux le plus faible de la France métropolitaine ; enfin, 90 000 logements sont des résidences secondaires, soit, près de 30 % du parc de logements contre 9 % en France métropolitaine – ce phénomène se retrouve ailleurs, même s'il est particulièrement prégnant en Corse : selon les chiffres donnés par le rapporteur, seul le département des Hautes-Alpes a un taux supérieur. Certaines communes, comme Porto-Vecchio ou Bonifacio comptent d'ores et déjà une majorité de résidences secondaires ; 37 % sont détenues par des résidents corses, 55 % par des personnes résidantes en France continentale et 8 % à l'étranger. Ces différents facteurs expliquent la difficulté à se loger sur l'île, en particulier pour les classes populaires. Les personnes précaires, les jeunes ménages, les familles ont le plus grand mal pour trouver des logements à des prix raisonnables et à proximité de leur lieu de travail.

La combinaison de fortes inégalités de revenus et de la prédation spéculative sur les logements amplifie la crise. Des individus, seuls, ne peuvent rien faire contre la spéculation et sont incapables de surenchérir. Le coût du logement doit donc être maîtrisé par l'action publique et c'est à quoi tend cette proposition de loi, à laquelle La France insoumise est par principe favorable.

Nous sommes en effet favorables à l'élargissement du droit de préemption et à la création d'une taxe spécifique sur les résidences secondaires afin de dissuader les spéculateurs fonciers et immobiliers mais nous considérons que ce texte ne va pas assez loin. Nous avions proposé, par voie d'amendement, d'abaisser le seuil pour la surtaxe d'habitation qui existe déjà afin d'inclure un plus grand nombre de communes pouvant délibérer de cette surtaxe puisque les critères actuels ne concernent qu'Ajaccio ou Bastia alors que de nombreuses communes de zones touristiques, plus petites, en Corse mais aussi sur la Côte d'Azur ou sur la côte atlantique, sont également frappées par ce phénomène de spéculation foncière et pourraient bénéficier de ce dispositif. De plus, il ne faudrait pas que, suite à l'adoption de ce texte, la spéculation se déplace. Malheureusement, comme la majorité en a la sinistre habitude, l'irrecevabilité s'est appliquée et nous ne pouvons donc en débattre.

Enfin, nous sommes favorables à la planification écologique et, plus généralement, à la planification des activités. Ainsi, les plans locaux d'urbanisme doivent définir des zones dans lesquelles la construction de logements destinés à devenir des résidences secondaires ou des locations saisonnières non professionnelles ne serait plus permise afin d'éviter la création de villes fantômes.

Nous sommes en revanche réservés sur l'article 4. En effet, nous ne sommes pas favorables à la différenciation territoriale et au bricolage auxquels le projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution voté il y a quinze jours conduiront inéluctablement. La mise en concurrence des territoires conduira immanquablement au moins-disant social et environnemental, à l'instauration de règles illisibles, variables selon les régions ou les départements.

La spécificité corse n'a pas besoin d'être démontrée en raison notamment de son insularité. Dès lors, nous sommes d'accord pour réfléchir à la place de l'île dans le système institutionnel, dans le cadre de l'article 74 de la Constitution, et nous regrettons en l'occurrence de ne pas pouvoir le faire.

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