Je vous remercie pour toutes vos remarques, qui témoignent de l'intérêt que vous portez à la Corse et à ce texte.
Nous essayons de trouver un chemin à droit constitutionnel constant. Ce n'est pas simple mais nous ne pouvons plus attendre. Nous sommes prêts à cheminer avec le groupe La République en Marche, tout comme nous avons réécrit les articles 1er et 2 suite aux auditions afin que le chemin de crête que nous empruntons soit juridiquement et opérationnellement sûr, en particulier en ce qui concerne le droit de préemption. D'ici à la séance publique, nous pourrons donc avancer ensemble.
S'agissant de l'article 3, l'article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales dispose que le PADDUC « définit les principes de l'aménagement de l'espace qui en résultent et il détermine notamment les espaces naturels, agricoles et forestiers ainsi que les sites et paysages à protéger ou à préserver, l'implantation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements, la localisation préférentielle ou les principes de localisation des extensions urbaines, des activités industrielles, artisanales, commerciales, agricoles, forestières, touristiques, culturelles et sportives. » PLU, PLUi et SCOT doivent être compatibles avec cette détermination des localisations préférentielles. Je donnerai un avis favorable à l'amendement CL7 du groupe La République en Marche, qui s'inscrit tout à fait dans le sens de la loi avec les directives territoriales d'aménagement.
Non, M. Savignat, l'article 1er ne vise pas à distinguer la population corse d'autres populations. Le droit de préemption s'appliquera quelle que soit l'origine du problème, « pour des motifs d'intérêt général » dont la caractérisation est renforcée dans la deuxième rédaction que nous proposerons : logement social, accession sociale à la propriété, maintien et extension des activités économiques, mixité sociale, etc.
De plus, de nouvelles garanties sont apportées au vendeur, notamment en matière de devoir d'affectation et de droit de rétrocession si le projet d'intérêt général n'est pas mené à bien après cinq ans. Il continuera à bénéficier de droits, en amont et en aval de l'exercice du droit de préemption.
En ce qui concerne la spécificité de la Corse, le taux de résidences secondaires n'est pas seul en cause – il est en effet plus élevé en Lozère ou dans les Hautes-Alpes. C'est le cumul d'un certain nombre de contraintes qui met les Corses dos au mur : en dix ans, le taux du foncier a augmenté de 138 % en Corse contre 68 % en France continentale, soit 200 % plus vite, et c'est sans équivalent ; le taux de logement social est inférieur à la moyenne nationale et sa viabilité économique est amoindrie compte tenu du coût du foncier non bâti ; le revenu médian est inférieur de 11 % à 18 % par rapport à la moyenne nationale. Il faut également compter avec les spécificités géographiques de cette île-montagne et avec la nécessaire préservation de l'environnement. Nous sommes néanmoins favorables à une extension de cette expérience car la spéculation ne se limite bien évidemment pas à l'île.
La taxe que nous proposons n'a pas le même objet que la surtaxe sur les résidences secondaires, qui vise plutôt à financer les réseaux et les contributions publiques des communes. Elle vise la spéculation, de manière proportionnée, et à dégager une recette globale pour permettre le bon exercice du droit de préemption. Nous sommes toutefois ouverts, d'ici à la séance publique, à une adaptation de la surtaxe sur les résidences secondaires pour la Corse. Seules Bastia et Ajaccio sont en effet à ce jour concernées puisque seules les communautés urbaines de 50 000 habitants sont visées. Elle n'est pas donc applicable dans les endroits où la spéculation sévit le plus, comme l'extrême sud de l'île ou la Balagne, ce qui est une anomalie.
Le crédit d'impôt pour investissement en Corse pour les meublés de tourisme a été en effet détourné. Comme dirait notre collègue Charles de Courson, c'est « open bar ». Des promoteurs en usent et peuvent réaliser des plus-values très importantes alors qu'ils ont organisé une économie de rentes, à laquelle s'ajoutent des locations saisonnières de type Airbnb. L'État s'est ainsi fait le complice, volontaire ou non, de la spéculation, et nous en arrivons au point de rupture.
Le droit et la démocratie, Mme Untermaier, doivent permettre de trouver des solutions à une situation devenue intenable : certains territoires sont devenus de véritables zones d'exclusion pour les familles de la classe moyenne.
La collectivité de Corse dispose en effet d'un statut particulier : son exécutif doit rendre des comptes devant l'Assemblée de Corse, c'est la seule collectivité régionale disposant de la clause générale de compétence et, comme les outre-mer, elle dispose de taxes induites spécifiques en matière de transports ou sur le tabac, mais son droit à demander et le principe de courtoisie – certains constitutionnalistes évoquent plutôt, en l'occurrence, un principe de discourtoisie – n'ont jamais été respectés : sur cinquante demandes, quarante-huit non-réponses ou refus. Depuis la révision constitutionnelle de 2003, la réinsertion de l'extension du droit à l'expérimentation à partir d'un statut particulier est juridiquement défendable et, selon nous, s'impose.
Plusieurs intervenants ont insisté sur la question des écarts de revenus en Corse : les 1 % de personnes les plus riches cohabite avec les personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, dont le nombre est 5 % supérieur à la moyenne nationale. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une économie du surprofit et de la rente dans certains secteurs – au premier chef, celui de l'immobilier, qui fait figure de poule aux yeux d'or.
Tout est lié, dans une petite société de 350 000 habitants.