Intervention de Alexandre Holroyd

Réunion du mercredi 31 mars 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Holroyd :

La question posée par le rapporteur dans son exposé est ancienne et fondamentale, puisqu'en l'état actuel du droit aucun principe général de non-rétroactivité ne s'impose au législateur en matière fiscale. Cette question a été soumise à de nombreuses reprises au Parlement, sous une forme ou sous une autre, en 1991, en 1999, en 2001, en 2012 et en 2018. Et comme l'a indiqué le rapporteur, la proposition de loi organique dont nous discutons aujourd'hui est relativement similaire à celle que le sénateur Philippe Marini avait déposée en 1999.

Cela dit, il est important de noter que la réponse à apporter à cette question a beaucoup changé depuis lors, notamment en raison de l'évolution considérable de la jurisprudence. Le Conseil constitutionnel a rendu des décisions sur ce sujet en 1997, en 1998, en 2005, en 2012, en 2013 et en 2014. Nous ne sommes donc plus dans la même situation qu'en 1999 : la jurisprudence a évolué dans le sens d'une bien moindre tolérance en matière de rétroactivité fiscale. Aujourd'hui, celle-ci est contraire par principe à la Constitution, sauf si elle répond à un motif d'intérêt général – suffisant dans une première jurisprudence, impérieux désormais – ou si elle ne porte pas atteinte à une situation juridique acquise.

Parallèlement, le juge administratif et le juge judiciaire ont adapté leur jurisprudence dans le sens d'un durcissement. La Cour de cassation refuse de reconnaître une portée rétroactive s'il existe un doute sur la volonté du législateur.

Pour toutes ces raisons, le groupe LaREM rejettera cette proposition de loi organique. Même si la rétroactivité fiscale est une inélégance profonde, de façon parfaitement exceptionnelle elle peut être utile et doit être justifiée par un motif impérieux d'intérêt général.

Pour prolonger votre conclusion sur les pays civilisés, il est toujours intéressant de regarder ce qui se fait autour de nous. La direction de la législation fiscale (DLF) a réalisé une étude comparative avec sept de nos pays partenaires et dans aucun d'entre eux n'existe au niveau organique un principe de prohibition de la rétroactivité fiscale. L'Italie le prévoit seulement par une loi ordinaire et les Pays-Bas dans le cadre d'un accord entre le Parlement et le Gouvernement, pouvant par nature être remis en question à l'occasion d'un changement de ce dernier. L'Allemagne, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Espagne et la Belgique n'en disposent pas et font partie, comme la France, des pays les plus attractifs en matière d'investissements directs. On peut donc en tirer la conclusion qu'il ne s'agit pas d'une condition essentielle pour l'attractivité de la France, tant qu'existe une jurisprudence claire dont on a vu qu'elle s'était durcie depuis la fin des années 1990.

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