Je ne doute pas du tout de la très grande compétence de notre rapporteur. Je ferai preuve d'humilité : je ne suis pas une fiscaliste. J'interviens essentiellement pour le compte de notre collègue Jean-Louis Bricout, qui aurait voulu s'exprimer mais qui est à la commission des finances.
Cette proposition de loi organique tendant à limiter le recours aux dispositions fiscales de portée rétroactive s'inscrit dans le cadre du durcissement de la tolérance envers les mesures fiscales ayant une telle portée. Dans ce domaine, les exceptions sont fréquentes – trop, selon le rapporteur…
Je suis d'accord avec l'idée que cette pratique suscite une insécurité juridique alors que nous sommes tous soucieux d'avoir une fiscalité aussi stable que possible, tant pour les citoyens que pour les entreprises. Néanmoins, nous souhaitons faire observer que la rétroactivité est très encadrée et que c'est un outil utile, à la main de l'exécutif et du Parlement. Sans cela, nous n'aurions pas été en mesure de mettre en place la contribution exceptionnelle des banques qui a vu le jour il y a quelques années ou la contribution des assurances qui a été créée par la loi de finances initiale pour 2021.
Par ailleurs, et on l'a déjà dit avant moi, le présent texte dessaisirait les législatures suivantes. Que fera-t-on demain ? Il faudra bâtir rapidement une sortie de crise et nous devons avoir à notre disposition tous les outils possibles, compte tenu de l'encadrement qui existe déjà.
Si les dispositions fiscales ne sont pas rétroactives sauf en cas de baisse d'impôt, la proposition de loi organique profitera mécaniquement à ceux qui en paient le plus parce qu'ils disposent des plus gros revenus. Cela nous paraît contraire à l'idéal redistributif de la justice sociale, surtout en temps de crise et face à l'aggravation des inégalités économiques, sanitaires, sociales et éducatives que nous connaissons. La rétroactivité que vous proposez serait à géométrie variable mais univoque. Nous ne pourrons pas vous suivre sur ce chemin.
Encadrer davantage les possibilités de légiférer d'une manière rétroactive en matière fiscale porterait atteinte à la capacité d'initiative des parlementaires, à laquelle vous êtes, comme nous, je le sais, très attaché. Cette capacité, qui est déjà très limitée, serait encore davantage menacée par ce texte.
Voilà, succinctement, les raisons pour lesquelles nous ne pourrons pas, en l'état, voter en faveur du texte. Nous espérons que la navette permettra d'apporter les modifications possibles en la matière.