Intervention de Charles de Courson

Réunion du mercredi 31 mars 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson, rapporteur :

La question du photovoltaïque n'entre pas dans le champ de la proposition de loi organique : la disposition en cause n'était pas fiscale. Le Conseil constitutionnel ne l'a pas annulée parce que nous avions complété le texte pour permettre de négocier un prix intermédiaire évitant un déséquilibre financier majeur dans le cadre du contrat.

Nous sommes les législateurs, monsieur Holroyd. Devons-nous attendre les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, de la Cour européenne des droits de l'homme, du Conseil constitutionnel ou du Conseil d'État pour définir les règles ? Certaines jurisprudences peuvent nous satisfaire et d'autres non : c'est à nous de voir.

Ce que je vous propose est conforme à l'évolution jurisprudentielle. Votre argument est le même que celui du directeur de la législation fiscale, qui m'a demandé à quoi serviraient l'article 1er et une bonne partie de l'article 2, compte tenu de la jurisprudence. Or celle-ci peut évoluer et c'est au Parlement de se prononcer. Les juridictions n'ont fait que pallier une absence. Notre droit ne comporte même pas de définition de la rétroactivité. L'article 1er en propose une qui est claire et très précise. Légiférer en la matière a un véritable intérêt, même si on se cale sur la jurisprudence actuelle.

Les articles 2 et 3, dont je vous proposerai d'adopter une nouvelle rédaction, vont plus loin : ils permettront aux législateurs que nous sommes de garantir qu'un régime fiscal instauré parce qu'on veut inciter, dans le cadre d'une politique publique, à aller dans tel sens ne sera pas remis en cause par un nouveau gouvernement. On pourra supprimer un régime fiscal, mais pour l'avenir. Cela respecte donc totalement les droits du Parlement. Presque chaque ministre du logement est, par exemple, à l'origine d'un dispositif fiscal, le dernier en date étant le « Denormandie ». Si on veut apporter des modifications, pas de problème, mais c'est pour l'avenir : si on met fin au « Pinel », on ne dit pas à ceux qui se sont engagés dans ce cadre pour douze ans que c'est fini pour eux au bout de neuf ans.

C'est à nous, je l'ai dit, de voir si nous sommes d'accord avec la jurisprudence. Ce n'est pas elle qui s'impose au législateur. Par ailleurs, le texte a pour intérêt de porter ce qu'elle prévoit au niveau organique.

N'y a-t-il plus de problème d'attractivité ? Permettez-moi de vous dire que les investisseurs étrangers qui viennent en France répondent, quand on les interroge, qu'ils ont toujours peur. C'est un des freins, les questions fiscales n'étant qu'un élément parmi d'autres. Nous donnerons davantage de garanties : si on investit dans tel cadre, on bénéficiera d'une stabilité du dispositif, quels que soient les gouvernements suivants. Si le Parlement change la règle, ce sera pour de nouveaux investissements. Le prévoir dans une loi organique, et non dans une loi ordinaire, que l'on peut changer à tout moment, permettra d'assurer une sécurisation.

Vous avez dit que nous serions quasiment les seuls à adopter ce dispositif en Europe. Pourquoi les Allemands n'en ont-ils pas besoin ? Vous connaissez le droit allemand : il est beaucoup plus stable. Nos voisins se mettent d'accord dans le cadre d'un large consensus. La France se caractérise – ce n'est pas moi qui le dis, mais tous ceux qui suivent ces questions sur le plan international – par une grande instabilité. On a tendance à changer les règles tout le temps. Si on veut le faire, ce sera possible, mais pas pour ceux qui ont pris des engagements à la suite d'une incitation du Parlement français.

Je voudrais dire à mon bon ami Mattei que ses propos concernant l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme ne sont que partiellement exacts : cet article vise les sanctions et non les intérêts de retard. C'est pourquoi un de mes amendements fait référence à ces derniers. J'ai découvert cette question lors des auditions : lorsqu'une disposition rétroactive s'applique, pour un motif d'intérêt général, il n'est pas normal de faire payer des intérêts de retard, comme si les malheureux contribuables concernés avaient commis une faute – ce n'est pas le cas.

J'ai déposé à l'article 4 un amendement qui permettra de régler la question soulevée par notre collègue. Si nous légiférons au niveau organique, c'est pour permettre au Conseil constitutionnel d'annuler une disposition rétroactive lorsqu'il n'existe pas de motif impérieux d'intérêt général ou lorsqu'un déséquilibre est causé. J'ai déposé un autre amendement, complémentaire, qui vise à renforcer les pouvoirs du Parlement, en particulier ceux du président de la commission des finances.

Je remercie Les Républicains pour leur appui .

Je voudrais dire à ma chère collègue Cécile Untermaier que ses arguments sont discutables. On pourra parfaitement modifier les règles, mais pour l'avenir. Il n'est pas vrai que cela réduira les pouvoirs du Parlement. Par ailleurs, j'ai prévu une disposition permettant une rétroactivité en matière de baisse d'impôt. Ce sera à nous de décider si c'est légitime ou non. De la même façon, le droit pénal s'applique rétroactivement s'il est plus favorable, sinon ce n'est pas le cas. Ce que je propose est une transposition en matière fiscale, sauf que ce ne sera qu'une possibilité : il n'y aura pas du tout d'automaticité.

Un de mes amendements, déposé à l'article 2, répond aux questions de notre collègue du groupe Agir Ensemble.

Je remercie le porte-parole du groupe Libertés et Territoires pour son intervention, ainsi que celui du groupe UDI-I. Demander de la stabilité dans ce domaine est une vieille tradition de ce courant politique – les centristes et la droite modérée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.