Intervention de Pacôme Rupin

Réunion du mercredi 31 mars 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPacôme Rupin :

La reconnaissance du vote blanc est une demande dont nos concitoyens nous font régulièrement part et constitue à mes yeux un impératif démocratique.

Pour un citoyen, la démarche consistant à aller voter, mais en choisissant de voter blanc, est lourde de sens. Ce vote doit donc être distingué d'une abstention ou d'un vote nul. En effet, par son vote blanc, le citoyen témoigne non d'un désintérêt pour la chose publique ou pour les enjeux de l'élection concernée, mais d'un mécontentement, d'un désaccord, d'un rejet des candidats et programmes présentés ou, tout simplement, de son absence de préférence entre deux ou plusieurs candidats. Il s'agit donc d'un vote au même titre qu'un autre, qu'il faut prendre en compte et reconnaître comme tel.

Depuis 2014, la loi dispose d'ailleurs que les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal de l'élection, et qu'il en est fait spécialement mention dans les résultats du scrutin. C'est un progrès : le vote blanc est reconnu et distingué des bulletins nuls comme de l'abstention. Toutefois, les bulletins blancs n'entrent pas en compte dans la détermination des suffrages exprimés.

Faut-il donc aller plus loin ? Personnellement, je le crois : décompter les bulletins blancs séparément, sans que ce décompte n'ait d'impact sur les suffrages exprimés, n'est pas suffisant. Dans cette situation, le poids effectif d'un vote blanc restera toujours marginal. Peu de nos concitoyens ont en tête le nombre de bulletins blancs ou le pourcentage des suffrages que ceux-ci représentaient lors des dernières élections présidentielles, alors que ces chiffres sont en hausse. M. le rapporteur l'a relevé, le vote blanc a occupé une place importante lors de ces élections. S'il avait été reconnu de la façon dont le texte qui nous est soumis le propose, en 2012, François Hollande n'aurait obtenu qu'une majorité relative des suffrages exprimés et l'élection aurait été annulée. En 2017, au second tour, plus de 3 millions de votes blancs, soit 8,52 % des votants, ont été officiellement comptabilisés, ce qui est considérable.

Toutefois, sans une réelle reconnaissance du vote blanc et s'il continue de n'être suivi d'aucun effet, les électeurs seront toujours plus tentés par l'abstention et une partie d'entre eux risque de se détourner du processus démocratique, ce que nous devons à tout prix éviter. À moins qu'ils ne votent pour un candidat aux idées duquel ils n'adhèrent pas nécessairement, pour signifier un vote de rejet, ce qui n'est pas préférable.

Comment aller plus loin ? Tout l'enjeu est de déterminer le bon niveau de reconnaissance qu'il convient d'accorder au vote blanc et les effets à lui attribuer. Sur ce dernier point, nous ne pouvons pas nous satisfaire des dispositions contenues dans la proposition de loi constitutionnelle. En effet, le cas de figure où aucun des candidats présents au second tour de l'élection présidentielle ne remporterait une majorité absolue des suffrages est un scénario assez probable s'agissant d'une élection où les scores des candidats présents au second tour sont souvent très serrés. Un tel résultat ne devrait pas avoir pour effet d'obliger à recommencer l'élection, pour les raisons suivantes.

En premier lieu, il ne me semble pas démocratique d'annuler l'élection d'un candidat arrivé en tête au motif qu'il n'aurait pas la majorité absolue si trois options sont en réalité proposées au suffrage des électeurs – deux candidats et le vote blanc.

En deuxième lieu, le dispositif ne ferait que créer de l'instabilité, quand le système actuel a précisément pour principal avantage de stabiliser le pouvoir et d'éviter des crises politiques à répétition.

Enfin, répéter l'élection jusqu'à ce que l'un des candidats obtienne la majorité absolue ne satisferait personne : soit le processus serait sans fin, soit les électeurs, pour mettre fin à l'instabilité, se résoudraient à voter pour l'un des deux candidats, ce qui reviendrait peu ou prou à la situation actuelle que critiquent les auteurs du texte. Ce n'est donc pas une solution.

Nous devons par conséquent réfléchir collectivement à la manière de donner davantage de poids au vote blanc et de le reconnaître. Cette question complexe ne peut être tranchée par une proposition de loi constitutionnelle un an avant l'élection présidentielle, structurante pour notre démocratie et dont nous modifierions ainsi profondément les règles. Cela nous serait d'ailleurs reproché, comme lors de récentes tentatives de modification importante des règles électorales, notamment dans le cadre du projet de loi organique relatif à l'élection du Président de la République – la proposition du Gouvernement au Sénat avait fait polémique, on s'en souvient.

Dans un premier temps, il nous paraîtrait essentiel de mener de premières expérimentations tendant à une meilleure reconnaissance du vote blanc à l'occasion d'autres scrutins que l'élection présidentielle.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe La République en Marche votera contre la proposition de loi constitutionnelle, tout en reconnaissant son intérêt.

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