Intervention de Bastien Lachaud

Réunion du mercredi 31 mars 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Enfin le vote blanc, qui signifie que l'offre présentée par les candidats ne convient pas à l'électeur et qu'il refuse de trancher entre différentes options qu'il considère – et c'est son droit – comme mauvaises, pourrait être véritablement comptabilisé comme un vote exprimé !

Pour qu'il soit réellement pris en compte, il faut que l'accumulation de votes blancs ait une conséquence sur l'élection et qu'à partir d'un certain seuil, ils entraînent l'annulation de l'élection, les autres suffrages cumulés n'étant pas considérés comme suffisamment représentatifs de l'expression de la volonté générale pour emporter la décision. Actuellement, les votes blancs sont comptés mais ne servent à rien : même dans l'hypothèse où il y aurait 50 % de votes blancs, ils ne produiraient aucune conséquence particulière.

Ainsi, pour être entendus, les citoyens se réfugient dans l'abstention, car ils ont compris qu'elle était la seule façon de s'exprimer qui intéresse un peu. Ils n'ont cependant guère droit qu'aux débuts des soirées électorales où l'on se lamente en cadence sur les plateaux télévisés à propos de la faiblesse de la participation, sans jamais se demander pourquoi les citoyennes et les citoyens ne se rendent plus aux urnes. On y roucoule en cadence de bons sentiments pour dire qu'il est important de voter, comme si faire la morale avait déjà ramené quelqu'un aux urnes.

L'abstention est haute. D'innombrables citoyens sont dégoûtés du système politique de la Ve et refusent de participer à ce qu'ils savent être une mascarade. La véritable reconnaissance du vote blanc, qui est l'objet de cette proposition de loi que j'ai cosignée et que je soutiens, est un outil du dégagisme populaire.

La réforme de 2014 est un couteau sans lame ni manche : elle ne sert à rien. Beaucoup plus ambitieux, le texte proposé aujourd'hui répond à une demande populaire : selon un sondage, 86 % des Français se déclarent en effet favorables à ce que le vote blanc soit considéré comme un suffrage exprimé et qu'il soit pris en compte lors du calcul du résultat des élections présidentielles. En ayant conscience que cela pourrait invalider l'élection faute de majorité absolue, les Français sont même à 60 % tout à fait favorables à la mesure.

Nous proposons, en complément de la reconnaissance du vote blanc, d'instaurer le vote obligatoire. En effet, les élections permettent de faire un choix grâce à l'expression de la volonté générale. Si le vote blanc était considéré comme un suffrage exprimé et pouvait entraîner l'annulation de l'élection, il faudrait donc rendre le vote obligatoire pour permettre une telle expression.

Nous proposons également un élargissement du corps électoral en accordant le droit de vote dès l'âge de seize ans, la jeunesse devant pouvoir participer aux décisions qui l'engagent. Il s'agit d'une mise en cohérence : si à cet âge l'on peut voter aux élections professionnelles, exercer l'autorité parentale et payer des cotisations sociales, pourquoi ne pourrait-on participer à l'élection du Président de la République, choix ô combien fondamental ? Le dérèglement climatique le montre clairement : ce sont les jeunes générations qui, plus que les autres, auront à vivre avec les conséquences des décisions qui sont prises maintenant. Elles doivent donc pouvoir y prendre part.

Nous ne pouvons toutefois en rester là. Si cette proposition de loi va dans le bon sens, elle ne peut suffire à résoudre la crise démocratique que connaît notre pays. Tel serait le cas de toute réforme partielle : il ne s'agirait que d'arrangements avec un système mauvais, autrement dit un pansement, certes nécessaire, mais sur une jambe de bois. Par le moyen d'une assemblée constituante, il faut que le peuple reprenne le pouvoir qui est le sien et décide d'une nouvelle constitution pour une VIe République. Il faut une refonte totale de nos institutions par et pour le peuple.

Cette crise démocratique avait été parfaitement exprimée par le mouvement des gilets jaunes en 2018 puisqu'ils avaient exigé l'instauration de référendums d'initiative citoyenne pour que le peuple décide. La seule véritable manière de changer la Constitution est précisément de réunir une telle constituante.

La crise sanitaire advenue depuis n'a rien changé à cette exigence. Elle l'a simplement rendue plus aiguë et plus impérieuse, car si elle nous frappe si durement, c'est aussi parce que le peuple n'a pas eu les moyens de s'opposer à la destruction des services publics, notamment hospitaliers. On ne lui a pas demandé son avis, celui qu'il a pu donner n'a pas été entendu et c'est lui qui en paye le prix aujourd'hui.

Il faut opérer une bifurcation écologique, régler la crise sociale et construire un avenir pour nos enfants. Seul le peuple peut en décider ; lui seul est légitime pour le faire car l'avenir doit être que ce qu'il décidera. Pour cela, il faut qu'il reprenne en main ses institutions : nous avons donc besoin d'une assemblée constituante pour une VIe République.

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