Je m'associe aux remerciements de Jean Lassalle car ce débat fort nourri nous permet d'explorer toutes les pistes pour répondre à un problème qui n'est pas nouveau puisqu'il revient à intervalles réguliers comme un serpent de mer : la crise de confiance dans nos institutions politiques. Nous sommes au moins d'accord sur ce point. L'écart se creuse entre nos concitoyens et les groupes politiques, envers lesquels la défiance s'accentue, toutes tendances confondues. La montée de l'abstention, du vote blanc, du populisme, est une réalité. Selon un proverbe corse, les honneurs donnent plus de charges et de devoirs que de droits. L'un des devoirs des élus est, précisément, de reconnaître cet écart et cette défiance, et d'accepter de prendre en compte, d'une manière ou d'une autre, le vote blanc. Si l'on considère que le vote blanc est un choix conscient et non par défaut, oubli ou erreur, il est alors un choix démocratique que l'on doit prendre en compte. Nous ne pouvons pas, surtout en période de crise, nous récrier « Cachez ce sein que je ne saurais voir ! ». Il y aurait une contradiction majeure, voire mortelle pour la stabilité institutionnelle en temps de crise, à ne pas reconnaître le choix conscient du peuple. En démocratie, le peuple a toujours raison. Si ses choix nous conduisent dans certaines situations difficiles, c'est parce que ses représentants ont eu tort. Cette logique imparable s'impose à nous tous. La question du sens est essentielle. Sinon, nous resterons dans l'alibi ou le leurre.
En l'espèce, cette proposition de loi concerne l'élection présidentielle. Elle pose le problème de la place du Président de la République dans le contexte actuel. La question, au second tour du scrutin, de la légitimité, au sens de la majorité absolue, ou non en raison de la reconnaissance du vote blanc, n'est pas neutre, bien au contraire. C'est un homme ou une femme qui rencontre le peuple et la Nation. Nous parlons de l'élection présidentielle et non d'autres types d'élections pour lesquelles la question du seuil pourrait se poser, par exemple des scrutins de listes ou des élections à la représentation proportionnelle pour lesquels il faudrait franchir une barre afin d'accéder au second tour. C'est pour cette raison que l'article 2 a du sens.
Quel niveau de contrainte veut-on imposer à la représentation démocratique pour l'obliger à trouver des solutions face à la crise politique que nous traversons ? On peut, en effet, considérer que l'abstention témoigne d'une crise importante qui pourrait nous conduire à une crise profonde. La reconnaissance du vote blanc n'est sans doute pas la seule réponse possible. Je suis, à titre personnel, très décentralisateur et autonomiste pour la Corse car il me semble que c'est en élaborant des règles au plus près du terrain, avec les élus locaux, que l'on restaure la confiance dans les politiques publiques. Quoi qu'il en soit, nous sommes favorables à ce que la contrainte soit telle qu'elle puisse entraîner l'annulation de l'élection. Cette rupture permettra sans doute d'avancer, en favorisant le consensus, en affinant les projets de société, en témoignant de la volonté de se rapprocher du peuple, quitte à ce que, lors du second scrutin, le candidat ayant recueilli le plus grand nombre de suffrages au second tour soit élu si aucun candidat n'obtient la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour – c'est l'objet de mon amendement. Ainsi, la reconnaissance du vote blanc aura servi l'intérêt général alors qu'aujourd'hui, l'écart grandissant entre les citoyens et les élus sert d'abord l'intérêt des extrêmes. C'est tout le sens de notre débat. L'amendement CL5 permettrait de garantir la stabilité institutionnelle du système.