Intervention de Alexandra Louis

Réunion du mercredi 7 avril 2021 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandra Louis, rapporteure :

Il y a à peine plus d'un mois, nous examinions la proposition de loi de la sénatrice Annick Billon visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels. Le groupe La République en Marche avait choisi ce véhicule législatif pour permettre une promulgation dans les délais les plus brefs. Le Gouvernement s'était engagé à l'inscrire au plus tôt à l'ordre du jour des deux chambres. La promesse a été tenue puisque nous délibérerons en deuxième lecture dans l'hémicycle le 15 avril.

Nous avons travaillé dans un esprit constructif avec le Sénat mais également avec la Chancellerie. Nous avons revu en profondeur les dispositions votées initialement par les sénateurs. Notre travail, quoique très différent, a convaincu sur les bancs du Sénat. Mon homologue Marie Mercier, qui a réalisé un travail remarquable, écrit ainsi dans son rapport en deuxième lecture : « Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale renforce considérablement la protection des mineurs contre les violences sexuelles dans le respect de nos principes constitutionnels. Il répond aux préoccupations exprimées tant par le Sénat que par l'Assemblée nationale. Dans ce contexte, la commission estime qu'un équilibre a été atteint et elle ne souhaite pas affaiblir ce compromis. »

Le Sénat a adopté un grand nombre de dispositions en des termes identiques aux nôtres, ce qui explique que nous ne soyons plus saisis des questions de la prescription, de la définition du viol, du délit d'exhibitionnisme, du fonctionnement du fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles.

Concernant l'âge du consentement à quinze ans et la disposition dérogatoire l'établissant à dix-huit ans en cas d'inceste, le Sénat s'est également rangé à nos positions. À l'article 1er, il s'est attaché à rédiger au mieux la sanction, que nous avions aggravée, de la sollicitation de prostitués mineurs de quinze ans. Je soutiendrai cette reformulation. Les sénateurs ont aussi considéré, comme les députés, qu'une différence d'âge de cinq ans confortait la constitutionnalité du dispositif.

Enfin, le Sénat a admis notre rédaction du viol incestueux et notre exigence d'une autorité de droit ou de fait pour distinguer l'auteur de la victime. Ce point a été mal compris par le groupe socialiste, écologiste et républicain du Sénat. Je ne désespère pas de convaincre en réexpliquant pourquoi toute autre position serait intenable.

Notre seule divergence de fond se trouve à l'article 1er bis B, relatif au délit d'atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans. En séance publique, nous avions modifié cette infraction en intégrant un écart d'âge et la prise en compte d'éventuelles pressions subies par le mineur afin d'éviter que de jeunes adultes soient poursuivis pour une relation pleinement consentie. Le Sénat s'y est opposé, préférant la rédaction en vigueur et la pleine capacité d'appréciation du procureur de la République. Après réflexion, je vous propose de faire nôtre cette option. Les parquets useront de façon appropriée de cette infraction subsidiaire.

Quant aux incriminations dites de « sextorsion », nous avions décidé de compléter le droit en vigueur, particulièrement lacunaire, en donnant aux enquêteurs et aux magistrats les armes dont ils ont besoin pour poursuivre les prédateurs qui sévissent en ligne. À cette fin, nous avions prévu de pénaliser le fait objectif de solliciter d'un mineur de quinze ans, sur les réseaux, des images sexuelles ou la commission d'un acte sexuel. Nous avions considéré que cet acte était, par nature, constitutif d'une infraction. Le Sénat a voulu aller plus loin en appliquant notre dispositif à tous les mineurs, en prévoyant une circonstance aggravante pour les mineurs de quinze ans. Je ne vous cacherai pas un certain doute car la proposition de loi consacre la liberté sexuelle des plus de quinze ans : il serait étrange d'interdire dans le monde virtuel des pratiques autorisées dans la vie réelle. Nous poursuivrons nos travaux à ce sujet.

N'ayant aucune objection ferme aux propositions du Sénat, je n'ai déposé aucun amendement.

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