Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mercredi 7 avril 2021 à 10h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • crime
  • dix-huit
  • inceste
  • infraction
  • prescription
  • sexuelle
  • viol
  • écart

La réunion

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La réunion débute à 10 heures 05

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission examine, en deuxième lecture, la proposition de loi, adoptée avec modifications par le Sénat, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste (n° 4029) (Mme Alexandra Louis, rapporteure).

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Nous examinons ce matin, en deuxième lecture, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste.

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Il y a à peine plus d'un mois, nous examinions la proposition de loi de la sénatrice Annick Billon visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels. Le groupe La République en Marche avait choisi ce véhicule législatif pour permettre une promulgation dans les délais les plus brefs. Le Gouvernement s'était engagé à l'inscrire au plus tôt à l'ordre du jour des deux chambres. La promesse a été tenue puisque nous délibérerons en deuxième lecture dans l'hémicycle le 15 avril.

Nous avons travaillé dans un esprit constructif avec le Sénat mais également avec la Chancellerie. Nous avons revu en profondeur les dispositions votées initialement par les sénateurs. Notre travail, quoique très différent, a convaincu sur les bancs du Sénat. Mon homologue Marie Mercier, qui a réalisé un travail remarquable, écrit ainsi dans son rapport en deuxième lecture : « Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale renforce considérablement la protection des mineurs contre les violences sexuelles dans le respect de nos principes constitutionnels. Il répond aux préoccupations exprimées tant par le Sénat que par l'Assemblée nationale. Dans ce contexte, la commission estime qu'un équilibre a été atteint et elle ne souhaite pas affaiblir ce compromis. »

Le Sénat a adopté un grand nombre de dispositions en des termes identiques aux nôtres, ce qui explique que nous ne soyons plus saisis des questions de la prescription, de la définition du viol, du délit d'exhibitionnisme, du fonctionnement du fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles.

Concernant l'âge du consentement à quinze ans et la disposition dérogatoire l'établissant à dix-huit ans en cas d'inceste, le Sénat s'est également rangé à nos positions. À l'article 1er, il s'est attaché à rédiger au mieux la sanction, que nous avions aggravée, de la sollicitation de prostitués mineurs de quinze ans. Je soutiendrai cette reformulation. Les sénateurs ont aussi considéré, comme les députés, qu'une différence d'âge de cinq ans confortait la constitutionnalité du dispositif.

Enfin, le Sénat a admis notre rédaction du viol incestueux et notre exigence d'une autorité de droit ou de fait pour distinguer l'auteur de la victime. Ce point a été mal compris par le groupe socialiste, écologiste et républicain du Sénat. Je ne désespère pas de convaincre en réexpliquant pourquoi toute autre position serait intenable.

Notre seule divergence de fond se trouve à l'article 1er bis B, relatif au délit d'atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans. En séance publique, nous avions modifié cette infraction en intégrant un écart d'âge et la prise en compte d'éventuelles pressions subies par le mineur afin d'éviter que de jeunes adultes soient poursuivis pour une relation pleinement consentie. Le Sénat s'y est opposé, préférant la rédaction en vigueur et la pleine capacité d'appréciation du procureur de la République. Après réflexion, je vous propose de faire nôtre cette option. Les parquets useront de façon appropriée de cette infraction subsidiaire.

Quant aux incriminations dites de « sextorsion », nous avions décidé de compléter le droit en vigueur, particulièrement lacunaire, en donnant aux enquêteurs et aux magistrats les armes dont ils ont besoin pour poursuivre les prédateurs qui sévissent en ligne. À cette fin, nous avions prévu de pénaliser le fait objectif de solliciter d'un mineur de quinze ans, sur les réseaux, des images sexuelles ou la commission d'un acte sexuel. Nous avions considéré que cet acte était, par nature, constitutif d'une infraction. Le Sénat a voulu aller plus loin en appliquant notre dispositif à tous les mineurs, en prévoyant une circonstance aggravante pour les mineurs de quinze ans. Je ne vous cacherai pas un certain doute car la proposition de loi consacre la liberté sexuelle des plus de quinze ans : il serait étrange d'interdire dans le monde virtuel des pratiques autorisées dans la vie réelle. Nous poursuivrons nos travaux à ce sujet.

N'ayant aucune objection ferme aux propositions du Sénat, je n'ai déposé aucun amendement.

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Ce texte concrétise l'engagement des deux chambres envers les victimes d'écouter ceux qui ont osé hier, qui oseront demain, dénoncer les blessures de leur enfance volée. Avant tout, je salue la qualité des travaux et l'opiniâtreté de notre rapporteure Alexandra Louis, mais aussi de nos collègues parlementaires Annick Billon et Isabelle Santiago . Nous pouvons lever le voile sur un tabou qui tient à une réalité difficile à accepter : les violences sexuelles, souvent confidentielles, subies par des mineurs mutiques. Plus d'un Français sur dix en auraient été victimes et plus de trois sur dix en auraient eu connaissance.

Je me réjouis de nos échanges constructifs, en commission et en séance publique, et je remercie le garde des sceaux qui a contribué au débat dans la confiance pour aboutir à un texte historique. Pour la première fois, il sera inscrit de manière claire et intelligible dans la loi que plus aucun répit ne sera accordé à quiconque porte atteinte physiquement et moralement à un enfant. Le fait, pour un majeur, d'avoir une relation sexuelle, de quelque nature que ce soit, par quelque moyen que ce soit, avec un mineur de quinze ans n'est plus simplement un facteur aggravant : c'est un crime en soi.

Ces incriminations autonomes et indépendantes devraient permettre de briser les dernières chaînes de la crainte et de la honte qui empêchent les victimes, trop souvent encore, de parler des faits. L'incrimination d'inceste permet de poser des mots sur les maux les plus intimes d'une minorité abîmée par un auteur familier. Sans seuil ni écart d'âge, cette incrimination permet de reconnaître la gravité de l'atteinte à l'aune de la violence et de la rupture du lien de confiance donné à ce parent, cet allié qui aurait dû protéger. L'incrimination du viol sur mineur de quinze ans et l'agression sexuelle sur mineur de quinze ans, ce crime et ce délit déliés des infractions de droit commun, réaffirment la particulière vulnérabilité du mineur. Aujourd'hui circonstance aggravante, la minorité de quinze ans, demain, qualifiera à elle seule le crime ou le délit.

Il était tout aussi important que cette proposition de loi protège les amours adolescentes. L'équilibre me semble avoir été trouvé grâce aux débats par l'introduction de l'écart d'âge de cinq ans. Les relations qui ne seraient pas poursuivies sous le chef de ces nouvelles incriminations sur mineur de quinze ans pourront toujours l'être au titre du viol ou de l'agression de droit commun.

Ce texte permet des avancées essentielles, notamment contre la prostitution de mineurs. Soulignons l'engagement de nos collègues Mustapha Laabid et Ludovic Mendes sur ce sujet ! Les sénateurs ont apporté des précisions essentielles pour exclure tout écart d'âge quand l'acte sexuel est commis en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage.

Concernant les infractions de « sextorsion », qui sont l'aboutissement du travail remarquable de Mme Laetitia Avia, le Sénat souhaite qu'elles soient élargies à tous les mineurs et non réservées aux seuls mineurs de quinze ans, quitte à graduer les peines encourues.

Quant aux dispositions relatives à la prescription dite glissante, qui n'ont pas été modifiées, elles répondent à une attente majeure des associations et des victimes, qui pourront bénéficier d'un délai de prescription rallongé.

S'il me reste le regret de la suppression par le Sénat de l'écart d'âge, introduit en séance publique en première lecture, dans les cas d'atteinte sexuelle et de notre impuissance à trouver une rédaction qui convienne, je me réjouis que ce texte historique permette de lever les craintes des victimes de ne pas être entendues, comprises et crues, qui sont autant de freins à la dénonciation d'une blessure infligée à leur intimité d'enfant.

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Lors de son passage au Sénat, ce texte a été légèrement modifié sans que ses équilibres soient remis en cause. Un accord politique entre les deux assemblées, nécessaire pour que le texte soit rapidement adopté, a été trouvé. Nous saluons cet accord d'une grande majorité d'entre nous, voire, espérons-le, de l'unanimité d'entre nous. Mais plusieurs sujets méritent encore notre attention.

La rédaction de cette proposition de loi reste complexe. Il faudra dorénavant distinguer viol, viol sur mineur de quinze ans, viol incestueux, agression sexuelle, atteinte sexuelle, circonstances aggravantes. Toutes ces qualifications pourront s'avérer difficiles à appliquer et il aurait été souhaitable de retenir une rédaction plus précise pour rendre ces mesures effectives. Je pense en particulier à la disposition relative à la différence d'âge, peu claire. Il eut été préférable de considérer que toute relation sexuelle entre un majeur et un mineur de quinze ans doit être punie de vingt ans de réclusion criminelle. L'exception prévue revient à fixer l'interdit en dessous du seuil de treize ans, ce qui est insuffisant. Il est nécessaire de tenir compte de la particulière vulnérabilité des enfants dans l'appréciation des violences sexuelles et des difficultés à établir au cas par cas ce qu'est une relation sexuelle d'un mineur avec un jeune majeur. La rapporteure du texte au Sénat a approuvé ce dispositif en jugeant que l'Assemblée nationale avait fait preuve de créativité en retenant le seuil de quinze ans et en l'assortissant d'un écart d'âge, ce qui répond aux préoccupations du Sénat. Elle a estimé que la solution retenue par l'Assemblée nationale constituait la base d'un accord politique entre les deux assemblées et méritait d'être conservée. Dont acte, même si nous pensons que cela n'arrangera pas tout et que cette mesure soulèvera nombre de questions, tout en ne répondant que partiellement à l'avis délibéré par le Conseil d'État en 2018.

Le Sénat a corrigé quelques scories qui subsistaient dans le texte de l'Assemblée nationale, par exemple pour garantir la cohérence de l'échelle des peines après la création de nouvelles circonstances aggravantes ou pour procéder à des coordinations. Il a également souhaité élargir le champ d'application des nouveaux délits de « sextorsion » afin qu'ils protègent tous les mineurs et non les seuls mineurs de quinze ans, comme c'est le cas aujourd'hui pour le délit de corruption de mineur ou pour la répression de la pédopornographie. Il a, enfin, simplifié la rédaction proposée de l'article 227-25 du code pénal relatif à l'atteinte sexuelle en supprimant la référence à une pression sur le mineur, préférant laisser au parquet le soin d'apprécier au cas par cas s'il convient d'engager des poursuites dans ces affaires.

Si nous approuvons ces modifications, nous regrettons cependant que le Sénat ne soit pas revenu sur l'article 4 quater relatif à la prescription glissante des crimes sexuels sur mineur. Il a été adopté conforme et nous ne pouvons le modifier désormais. Or, le régime des prescriptions assure la stabilité de notre système juridique et, par conséquent, la paix sociale. Il faut le modifier la main tremblante. La rédaction confuse de cet article nous entraîne vers une quasi-imprescriptibilité, créant une instabilité qui permettrait que des poursuites soient engagées jusqu'aux cinquante-huit ans de la victime, avec tous les risques d'altération des preuves, de la mémoire et des éléments constitutifs que cela emporte.

Malgré ces quelques remarques, notre groupe soutiendra ce texte.

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Les échanges autour de la proposition de loi de Mme Isabelle Santiago comme de celle de la sénatrice Annick Billon témoignent de notre volonté de renforcer la protection des mineurs. Nous avons une responsabilité importante : poser un cadre juridique protecteur et dissuasif, clair et applicable par le juge. C'est ainsi que nous pourrons aider les victimes à se reconstruire et à se réparer un peu, même si cela ne pourra jamais se faire totalement. C'est également ainsi que nous pourrons prévenir et empêcher de tels actes. Notre groupe se réjouit de l'occasion qui lui est ainsi donnée de poursuivre le travail engagé dès la loi du 3 août 2018.

La proposition de loi est parvenue à un équilibre qui nous permettra de disposer, enfin, d'un cadre juridique opérationnel. Ce texte, enrichi par le Sénat et l'Assemblée nationale, a évolué dans le sens que nous souhaitions, notamment en fixant un seuil de consentement à quinze ans et un écart d'âge de cinq ans, ce qui renforce la constitutionnalité du dispositif. Il préserve les amours adolescentes. Il protège les mineurs jusqu'à dix-huit ans contre l'inceste en élargissant le périmètre familial qui comprend désormais les grands-oncles et grand-tantes. Il instaure un mécanisme repoussant la prescription des crimes et des délits sexuels sur mineur. Il introduit d'autres dispositions relatives aux infractions commises sur internet, en particulier la « sextorsion ». Nous avons pu obtenir ces avancées grâce à la concertation qui a eu lieu avec la Chancellerie, au travail de la rapporteure Alexandra Louis et aux échanges en commission des lois.

« Nommer, c'est dévoiler. Et dévoiler, c'est déjà agir », écrivait Simone de Beauvoir. De plus en plus, les victimes parlent, mettent publiquement des mots sur des actes de déshumanisation. Leur action est un premier pas qui doit s'inscrire dans un continuum au sein duquel nous avons un rôle à jouer. À nous d'agir maintenant, et vite. C'est pourquoi notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.

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Je commencerai par saluer la célérité de cette navette parlementaire qui prouve qu'il est possible, lorsque nous partageons l'intérêt supérieur de l'enfant, de légiférer dans des délais contraints. La proposition de loi de Mme Annick Billon s'est retrouvée au cœur de nombreuses controverses, depuis sa première lecture au Sénat, en janvier dernier. Je le regrette car je ne doute pas du sérieux du travail de Mme Marie Mercier et de mes amis sénateurs dont de nombreux amendements ont été repris.

Cette proposition de loi, soutenue par le Gouvernement désormais, reprend largement le texte que j'avais déposé en février dernier, y compris les amendements qui avaient été adoptés. La principale différence réside dans le fait que la proposition de loi que j'ai rapportée, qui a marqué l'histoire en fixant, conformément aux attentes de la société, un seuil d'âge à quinze ans et à dix-huit ans en cas d'inceste, a envoyé un message clair et intelligible pour tous : un enfant ne consent jamais à l'inceste ni à une relation avec un adulte. En mêlant la proposition de loi de Mme Annick Billon et la philosophie de ma proposition de loi, vous avez modifié le texte du Sénat. Ce qui en ressort est porteur de progrès mais nous regrettons divers reculs dans la protection des mineurs.

Il convient, tout d'abord, de supprimer la condition de l'écart d'âge. Les associations de la protection de l'enfance sont vent debout contre ce qu'elles qualifient, à juste titre, d'un grave recul qui fragilise la protection des mineurs de treize et quatorze ans. La loi doit être claire : à quinze ans, c'est interdit ! La France n'avait pas fixé de seuil d'âge et nous faisions partie des rares pays à ne pas avoir légiféré. Désormais, nous aurions un seuil d'âge mais nous serions le seul pays à avoir prévu cet écart de cinq ans.

Faisons un peu de droit comparé. En Autriche, le seuil est fixé à quatorze ans et l'écart d'âge est de trois ans. En Espagne, le seuil est à seize ans et il n'y a pas d'écart d'âge mais l'âge de l'auteur est pris en compte s'il est proche de celui du plaignant. En Italie, le seuil d'âge est à quatorze ans et l'écart d'âge est de deux ans. En Suède, le seuil d'âge est de quinze ans et la faible différence d'âge peut être prise en compte. En Suisse, le seuil d'âge est de seize ans et l'écart d'âge est de trois ans maximum. En Belgique, avant quatorze ans, toute relation sexuelle est interdite. En Tunisie, avant seize ans, toute relation sexuelle est interdite. En Allemagne, est puni tout acte de nature sexuelle commis à l'encontre d'un mineur de quatorze ans. Au Portugal, c'est interdit avant quatorze ans. Au Royaume-Uni, tout acte de caractère sexuel avec un mineur de seize ans constitue une infraction pénale.

Vous le voyez, les amours adolescentes ne sont pas, en Europe et ailleurs, une situation qui a retenu l'attention des législateurs alors qu'elles doivent bien exister là-bas aussi ! Aucun pays n'autorise une relation entre un mineur de treize ou quatorze ans et un adulte. Dans cet esprit, la France ne peut en aucun cas faire figure d'exception et moins bien protéger les mineurs de treize et quatorze ans. Je vous le demande une nouvelle fois : nous avons encore le temps de modifier l'écart d'âge pour le rendre compatible avec nos attentes, à savoir la protection de nos mineurs, en interdisant clairement toute relation entre un majeur et un mineur en dessous du seuil d'âge fixé. Si un écart d'âge existe dans plusieurs législations étrangères, il ne dépasse pas les trois ans. Si l'on s'en tient à la rédaction actuelle, la France serait le pays le moins protecteur pour les mineurs victimes de violences sexuelles. C'est tout le contraire de ce que nous espérions.

J'en viens à la condition absurde et incohérente qui impose que l'inceste ne soit constitué que lorsque l'auteur a une autorité de droit ou de fait sur la victime. Quand un frère de vingt-et-un ans viole sa sœur de seize ans, il ne s'agirait donc pas d'un viol incestueux ! Soyons sérieux : il n'existe pas d'inceste consenti ou heureux. Il s'agit toujours d'un calvaire qui hante les victimes, parfois tout au long de leur vie.

Enfin, il faut, au-delà de l'inceste, porter le seuil d'âge à dix-huit ans pour les victimes de la prostitution, qui reste un fléau en France car le mineur, qu'il ait quinze ou seize ans, doit être protégé. Il le faut aussi pour les enfants porteurs d'une vulnérabilité particulière, notamment d'un handicap.

L'actualité récente nous oblige à faire preuve d'humilité mais aussi de célérité. Comment un homme de vingt-sept ans peut-il être jugé en appel pour atteintes sexuelles lorsque la victime est une enfant de douze ans, qui est tombée enceinte ! Je m'interroge quant au message envoyé à la société et je suis révoltée, car j'ai vu trop d'enfants dans des situations comparables durant toutes les années où j'ai travaillé pour la protection de l'enfance. Il reste beaucoup de chemin. J'ai confiance en nous pour faire évoluer la législation. Il est encore temps.

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Je ne compte plus le nombre d'heures passées sur ce sujet. Déjà, en 2018, nous avions légiféré, sans doute avec moins d'audace qu'aujourd'hui. La proposition de loi de Mme Isabelle Santiago a permis d'enrichir la réflexion et de renforcer la protection des enfants. À présent, cette deuxième lecture démontre que, lorsque le Sénat et l'Assemblée nationale travaillent main dans la main, les gains sont indéniables pour nos concitoyens, en l'espèce pour les enfants.

Cependant, je vous ferai part d'une légère déception. Le texte que nous examinons est loin d'être banal car nous nous apprêtons à opérer une révolution légale. Pourtant, elle reste invisible dans les médias. L'actualité sanitaire occulte totalement ces évolutions législatives, pourtant essentielles et attendues depuis des années. Ce texte est l'aboutissement d'un long parcours mais il ne semble pas intéresser la presse. C'est regrettable car nous voulons que les victimes comprennent que leur parole est libérée. Si les médias ne jouent pas leur rôle, cette proposition de loi pourrait ne pas avoir l'effet escompté.

Je rappellerai un seul chiffre : en France, un enfant est violé toutes les heures. Nous avions besoin du texte audacieux que nous examinons aujourd'hui. Il prévoit de réelles avancées : le crime de viol sur mineur de quinze ans, le crime de viol incestueux assorti du seuil d'âge de dix-huit ans, et l'allongement de prescription de l'action publique pour le délit de non-dénonciation. Nous saluons la rédaction qui a porté ce délai à vingt ans après la majorité de la victime, mais nous aurions voulu qu'il soit calqué sur celui de l'infraction principale qui n'a pas été dénoncée, car ceci nous semble particulièrement grave.

Je salue l'ensemble des groupes parlementaires, de la majorité comme de l'opposition, qui ont contribué à ce texte. Je suis d'autant plus déçu que les médias ne traitent pas le sujet car nous sommes parvenus à un consensus aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Le délit de « sextorsion », qui répond, là encore, aux attentes des acteurs du terrain pour lutter contre la cybercriminalité, passe inaperçu.

Au-delà, M. Adrien Taquet a engagé un immense travail pour sensibiliser et former, car cette loi ne suffira pas à tout régler. Je sais la rapporteure attachée à la prévention et je suis convaincu que nous continuerons ce travail pour que l'ensemble des acteurs puissent reconnaître plus facilement les victimes mineures dont il faut libérer la parole.

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Cette proposition de loi apparaît comme une conclusion, qui ne sera probablement que temporaire, des travaux entrepris depuis 2018. Elle comporte des avancées importantes mais également des fragilités, constitutionnelles et opérationnelles, même si les débats entre le Sénat et l'Assemblée nationale ont permis de l'améliorer.

Évidemment, le groupe UDI-I soutiendra la proposition de loi dont il espère qu'elle sera votée conforme et à l'unanimité.

Parmi les apports les plus importants, la fixation à quinze ans du seuil d'âge énonce que la question d'un éventuel consentement ne se pose même pas – avant quinze ans, c'est non. Également, l'inceste sur mineur est reconnu comme une infraction autonome, et non plus comme une simple surqualification.

Un dispositif permettra aux victimes de conserver leur statut et non de basculer dans celui de témoin, lorsqu'elles sont restées longtemps silencieuses et que les faits sont prescrits, si l'auteur commet des faits connexes. M. Antoine Savignat l'a rappelé : une telle solution, par prescription glissante, semble constitutionnellement fragile et opérationnellement complexe. Les échanges entre le Sénat, l'Assemblée nationale et le Gouvernement n'ont pas permis de trouver une rédaction qui supprimerait totalement le risque constitutionnel lié à l'imprescriptibilité et qui permettrait aux victimes qui n'auraient pu parler avant la prescription des faits de le faire.

Nous en avons longuement débattu et les propositions alternatives n'ont pas été retenues : la multiplication des infractions de viol constitue une autre fragilité, du fait de qualifications différentes et des éléments constitutifs qui les caractérisent. Viol « commun », viol sur mineur, viol incestueux : tous sont intégrés à la même section du code pénal, mais chacun recouvre des éléments différents, ce qui pose question en termes d'intelligibilité.

Enfin, nous comprenons l'objectif de la clause d'écart d'âge, qui vise à préserver les amours adolescentes et à éviter que tout jeune majeur qui poursuit une relation commencée quand il était mineur ne soit pénalisé si la question du consentement ne se pose pas. Mais, d'autres l'ont rappelé avant moi, cet écart de cinq ans n'existe nulle part ailleurs et il contrevient au principe établi par le texte puisqu'avant quinze ans, c'est non… Une telle disposition est contradictoire avec la philosophie de la proposition de loi.

Au regard de ces interrogations, il sera fondamental d'évaluer la mise en œuvre de la législation, qui sera sans doute encore amenée à évoluer.

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Nous saluons l'important travail transpartisan mené à l'Assemblée nationale et au Sénat. Nous notons un accord sur le fond quant à la nécessité de combler cette zone grise de notre droit et de l'adapter aux violences particulièrement pernicieuses, qui se déroulent parfois au sein de la famille. Nous soutenons la mise en place d'un seuil de consentement à quinze ans, en dessous duquel tout rapport sexuel entre majeur et mineur sera considéré un viol. Nous saluons également le seuil de dix-huit ans en cas d'inceste.

Nous entendons les débats sur la pertinence d'une clause d'écart d'âge de cinq ans. Nous comprenons les arguments de ceux qui insistent sur la nécessité d'éviter de criminaliser des amours adolescentes afin, par exemple, qu'un majeur de dix-huit ans ayant une relation consentie avec une adolescente de quatorze ans n'encoure pas une peine de vingt ans de prison. Cependant, nous entendons aussi les arguments de ceux qui alertent sur des situations de mineurs de treize ou quatorze ans sous l'emprise psychologique de jeunes majeurs qui les manipulent et qui, parfois, les prostituent. Ils doivent être protégés. Cette disposition fait l'objet de débats, y compris au sein de notre groupe. Cela nous paraît tout à fait légitime.

Sur la question de l'inceste, nous entendons les revendications demandant l'imprescriptibilité, mais elle est réservée aux crimes contre l'humanité.

En matière de proportionnalité des peines, il est raisonnable d'agir avec précaution : nous saluons la prescription glissante proposée par le Gouvernement, qui permet de prolonger les délais de prescription du premier crime à ceux du second ou de toute nouvelle récidive.

Les ajouts concernant la lutte contre les extorsions et contre la prostitution des mineurs, effectués en séance publique à l'Assemblée nationale, traitent de problèmes graves et réels. Le chantage sexuel en ligne et la pornodivulgation causent des torts importants.

Nous voterons cette proposition de loi.

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Nous partageons l'analyse de Mme Isabelle Santiago. Nous saluons le travail transpartisan et la recherche d'un consensus, même s'il reste du chemin à parcourir. La concurrence entre différentes propositions de loi ne me paraît pas la bonne méthode.

Sur le fond, cette proposition de loi comporte des avancées attendues. La France est en retard, ce que l'actualité est venue rappeler. Elle a mis en lumière non seulement les carences de la loi, mais aussi celles de la société quant au regard qu'elle porte sur elle-même.

La requalification de l'inceste et le non-consentement en dessous de quinze ans constituent des avancées. Cependant, deux points déçoivent beaucoup, notamment dans les milieux associatifs : la notion d'autorité de droit ou de fait pour la qualification d'inceste et la clause d'écart d'âge de cinq ans. La notion d'autorité de droit ou de fait écarte beaucoup d'auteurs qui pourraient être incriminés alors qu'ils ne disposent d'aucune autorité sur la victime. Il peut s'agir de membres de la famille proche ou éloignée, de la fratrie, etc. Nous souhaitons que le texte évolue sur ce sujet et nous y œuvrons. S'agissant des cinq ans d'écart d'âge, je ne comprends pas la crispation. La question est de savoir s'il est interdit pour un majeur d'avoir une relation avec un mineur de moins de quinze ans. Dans l'affirmative, il faut remplacer ces cinq ans par trois ans, comme dans d'autres pays.

Dans mon département, le parquet de Bobigny a engagé une bataille contre la prostitution des mineurs – c'était le thème de la rentrée solennelle du tribunal judiciaire l'an dernier. Tous ceux qui sont confrontés de près ou de loin à la prostitution des mineurs le disent : elle se développe, sous des formes et des modalités différentes du passé, et la clause d'écart d'âge est un outil indispensable pour lutter efficacement contre cette prostitution, notamment celle dite des cités. En ramenant l'écart à trois ans, on n'interdit pas les amours adolescentes ; on protège simplement les mineurs de quinze ans. La règle devrait être simple : en dessous de quinze ans, pour un majeur, c'est non ! Une telle disposition serait utile pour les associations, qui le réclament toutes sur le terrain.

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Je suis également satisfait que nous avancions sur ce sujet difficile, qui défraie régulièrement la chronique. Si nous avons atteint un équilibre, je regrette que nous n'ayons pu revenir sur la prescription glissante : nous laissons planer une grande incertitude sur la manière dont les dossiers seront traités. Nous le savons : très souvent, la révélation des faits prend beaucoup de temps. Il faut d'abord que les victimes prennent conscience de ce qu'elles ont subi, et cela intervient régulièrement après le délai de prescription. Cela posera un véritable problème.

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Toutes les propositions de loi ne sont pas nécessairement polémiques. La méthode a son importance pour ne pas heurter ou alerter maladroitement. On ne peut que se réjouir de ce rapprochement entre le Sénat et l'Assemblée nationale. Cette navette est assez rapide ; les avancées législatives et les prises de position sont claires. Le message est simple : on ne touche pas aux enfants, on ne touche pas aux mineurs.

Certaines interrogations demeurent concernant la clause d'écart d'âge ou les difficultés de mise en œuvre des incriminations, soulignées par M. Antoine Savignat. Il ne s'agit pas de dire que le texte est mal ficelé ou que nous prenons nos distances, mais d'avoir conscience de ces difficultés.

Dernier point délicat : la prescription. Le sujet n'est pas épuisé et il y a encore des voix discordantes. J'entends les arguments juridiques et constitutionnels ; ils sont importants et ils relèvent d'une tradition juridique et sociale d'apaisement. Toutefois, l'apaisement est difficile à admettre sur certains sujets, surtout plaidé par quelqu'un qui n'est pas victime.

Les quelques difficultés annoncées pourraient faire apparaître le verre à moitié vide. Mais je le vois à moitié plein car, au-delà de nos sensibilités, ensemble, nous avons abouti à une réponse qui n'est peut-être pas parfaite, mais qui va vraiment dans le bon sens.

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Beaucoup d'entre vous l'ont souligné : ce texte s'est enrichi des réflexions des uns et des autres. Nous avons réalisé un travail de qualité avec les sénateurs, que je remercie pour leur esprit constructif. À plusieurs reprises depuis 2018, nos travaux sur ce sujet en ont montré la complexité.

La proposition de loi comporte des avancées historiques. L'âge seuil de quinze ans existe déjà dans la loi mais il qualifie l'atteinte sexuelle ; désormais, il qualifiera le viol et c'est une révolution. La complexité du dispositif tient à la nécessité de faire coexister deux régimes : celui qui s'applique aujourd'hui pour des procédures engagées avant la promulgation de la loi ou pour des faits commis avant celle-ci, et celui qui s'appliquera demain.

Il me semble utile de lever d'éventuelles confusions à propos de l'inceste. Nous avons enrichi, sans la modifier, la définition de la surqualification, en y ajoutant les grands-oncles et grand-tantes. En revanche, nous avons créé une nouvelle infraction de viol incestueux sur mineur, qui concerne tous les mineurs jusqu'à dix-huit ans, sans écart d'âge. L'établissement de l'autorité de droit ou de fait vise, non pas à qualifier l'inceste, mais à ne plus avoir à rechercher l'existence d'un consentement. Pour autant, même si un frère n'a pas autorité sur sa sœur, s'il commet un viol sur elle, bien évidemment, ce dernier sera qualifié comme tel. Pour des raisons sur lesquelles je reviendrai, après en avoir longuement discuté avec des juristes et des magistrats, nous n'avions pas d'autre choix que de nous appuyer sur une telle disposition pour ne pas sanctionner la victime au lieu de l'auteur des faits.

L'écart d'âge a fait l'objet de longues discussions. Ma conviction profonde est qu'il est impossible d'adopter un seuil d'âge sans exception. Les exemples étrangers relèvent de régimes juridiques très différents. On ne peut pas comparer les seuils d'âge sans comparer les échelles des peines, qui ne sont pas du tout les mêmes. Le régime français est particulièrement répressif en matière d'infractions sexuelles. Même si nous souhaitons tous mieux protéger les victimes, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'enfants, il faut faire preuve de beaucoup de prudence. Le risque d'inconstitutionnalité n'est pas anodin. Notre système pénalise les adultes par rapport aux mineurs, ce qui n'est pas toujours le cas à l'étranger. Tous les juristes que nous avons auditionnés, comme le Conseil d'État à plusieurs reprises, nous ont alertés sur cette ligne de crête. Le Conseil d'État n'a d'ailleurs pas simplement émis des réserves, mais des objections, soulignant comme motif d'inconstitutionnalité la disproportion que constituerait le fait pour celui des deux mineurs entamant une relation qui atteindrait ses dix-huit ans avant l'autre de devenir passible de la cour d'assises.

Il faut, en effet, légiférer la main tremblante pour ne pas fragiliser ce texte d'un point de vue constitutionnel. Contrairement à ceux qui considèrent qu'on ne légifère pas pour des exceptions, j'assume de le faire : la vie judiciaire n'est faite que d'exceptions. Aucune affaire ne ressemble à une autre ; chaque dossier est particulier et toutes les personnes sont uniques. C'est le juge qui applique la loi et nous ne pouvons pas voter des dispositions en espérant que les magistrats ne les appliquent pas. Ce serait un non-sens ! Notre responsabilité, en tant que législateur, est d'adopter des textes clairs, précis, qui tiennent compte de la multiplicité des situations, même exceptionnelles.

La proposition de loi prévoit des évolutions dans le champ pénal mais, M. Dimitri Houbron l'a rappelé et je l'en remercie, le plus important des combats reste celui de la prévention et le chemin est encore long. Nous aurons besoin de toutes les forces. Je sais que tous les membres de la commission, sur tous les bancs, sont particulièrement concernés.

Je vous remercie de vos contributions à nos travaux, d'une richesse extraordinaire.

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Avant d'aborder la discussion des articles, j'indique que, puisque nous siégeons en configuration de demi-jauge, les amendements dont les auteurs sont absents seront considérés défendus.

Suivant l'avis de la rapporteure, la Commission rejette successivement les amendements CL1 de Mme Marie-France Lorho et CL28 de Mme Emmanuelle Ménard.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL2, CL12 et CL24 de Mmes Marie‑France Lorho, Isabelle Santiago et Emmanuelle Ménard.

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L'amendement CL12 supprime la condition d'écart d'âge pour les agressiond sexuelles sur mineur de quinze ans. Dans son communiqué du 25 mars dernier, le Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes le recommandait, en application du principe « avant quinze ans, c'est non ».

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Ce point, très discuté, est aussi, comme l'a précisé la rapporteure du Sénat Marie Mercier, la clef du compromis entre les deux assemblées. Je le répète : il n'est pas possible de prévoir une disposition sans exception. Nous avons cherché la rédaction la plus adéquate pour éviter de pénaliser les amours adolescentes, mais aussi d'encourir une inconstitutionnalité.

Vous citez le Haut Conseil. Je rappelle qu'il préconisait encore récemment un seuil d'âge à treize ans – sa position me semble donc quelque peu évolutive.

Le dispositif d'écart d'âge est simple : si l'écart est supérieur à cinq ans, le consentement n'est même pas recherché ; s'il est inférieur, cela ne signifie pas l'impuissance de la justice. Elle va rechercher s'il y a eu violence contrainte, menace ou surprise. La contrainte psychologique relèvera bien de l'infraction de viol revue par la loi du 3 août 2018. La protection existe donc ; ce n'est pas tout ou rien.

La Commission rejette successivement les amendements.

Suivant l'avis de la rapporteure, elle rejette l'amendement CL29 de Mme Emmanuelle Ménard.

La Commission examine ensuite l'amendement CL13 de Mme Isabelle Santiago.

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Mme Karine Lebon et moi avions déposé cet amendement en première lecture afin d'insister sur la nécessité absolue de prendre en compte le handicap dans le traitement des violences sexuelles sur les mineurs. Nous le redéposerons en séance publique car il est important d'avancer sur cette question.

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Là encore, il s'agit d'un sujet dont nous avons abondamment débattu en première lecture et sur lequel le secrétaire d'État Adrien Taquet a apporté, en séance publique, une réponse très argumentée.

Vous souhaitez utiliser la notion de particulière vulnérabilité pour mieux protéger les mineurs handicapés. Si l'intention est louable, le moyen n'est pas judicieux. Comme nous le disions le mois dernier, le handicap est déjà qualifié par la jurisprudence comme un élément de surprise permettant de caractériser un viol ou une agression sexuelle. C'est ce handicap qu'il faut avoir en tête : l'âge n'est pas, ici, un marqueur pertinent.

J'ajoute un élément de logique qui devrait vous amener à retirer votre amendement. Vous écrivez que la particulière vulnérabilité doit conduire à porter l'âge du consentement de quinze à dix-huit ans et qu'elle résulte notamment d'un état de grossesse. On aurait donc des situations dans lesquelles deux personnes de dix-huit et seize ans sont en couple tout à fait légalement, font un enfant très naturellement, et la poursuite de leur relation deviendrait automatiquement de ce fait un viol passible de vingt ans de réclusion ? Ce n'est pas possible.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle en vient à l'amendement CL14 de Mme Isabelle Santiago.

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Il convient de criminaliser le recours à la prostitution de tous les mineurs de moins de dix-huit ans. Selon plusieurs études réalisées par l'Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, entre 6 000 et 10 000 mineurs, en majorité des filles entre treize et seize ans, se prostitueraient en France. La grande majorité a subi dans l'enfance des violences physiques ou sexuelles, voire des relations incestueuses. Nombre d'entre elles relèvent de la protection de l'enfance.

Il importe de renforcer ce texte, qui écarte déjà toute recherche du consentement d'un mineur de quinze ans sans considération de la différence d'âge en cas de relation tarifée avec un majeur. L'âge que je propose – dix-huit ans – apporte une sécurité juridique d'autant plus précieuse qu'il n'est pas facile de régler cette question de la prostitution et du michetonnage, les jeunes filles invoquant souvent des amours adolescentes.

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Avis défavorable ou demande de retrait. Essayons de faire preuve de cohérence. Nous avons posé comme principe un âge de consentement aux relations sexuelles de quinze ans. Au-dessous de quinze ans, c'est non et c'est un crime. Seul l'inceste fait exception, nous savons tous pourquoi. Nous avons aussi posé comme règle qu'au-dessus de quinze ans, certaines relations sont interdites car déséquilibrées : tel est le cas quand il y a un abus d'autorité, hors inceste, et bien sûr en l'absence de violence, contrainte, menace ou surprise.

Je ne crois pas que, dans le cas de la prostitution, il soit opportun de supprimer le seuil de quinze ans et de mettre tous les mineurs dans le même sac. Le client n'a pas la même responsabilité ni, souvent, les moyens juridiques de vérifier les âges. Dans un cas, on parle de pédophilie ; dans l'autre, non. Bien sûr, solliciter un prostitué de quinze à dix-huit ans reste un délit dont nous avons, d'ailleurs, durci les peines en les portant de trois à cinq ans d'emprisonnement. Mais ce ne peut être décemment considéré comme un crime.

En outre, je ne suis pas sûre que la sévérité de la peine soit l'unique solution pour punir les auteurs – déjà passibles du tribunal correctionnel – et accompagner les victimes. Enfin, la question de la proportionnalité se pose. Il faut rester cohérent dans l'échelle des peines.

La Commission rejette l'amendement.

Suivant l'avis de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CL3 de Mme Marie-France Lorho, CL18, CL22 et CL19 de Mme Emmanuelle Ménard, les amendements en discussion commune CL15 de Mme Isabelle Santiago et CL4 de Mme Marie-France Lorho, les amendements CL5, CL6, CL7 et CL9 de Mme Marie-France Lorho, CL30 et CL31 de Mme Emmanuelle Ménard, les amendements en discussion commune CL8 de Mme Marie-France Lorho et CL27 de Mme Emmanuelle Ménard, les amendements CL16 de Mme Isabelle Santiago, CL20, CL23, CL21 de Mme Emmanuelle Ménard et CL11 de Mme Emmanuelle Anthoine.

La Commission adopte l'article 1er sans modification.

Article 1er bis BA (art. 227‑22 et 227‑23‑1 [nouveau] du code pénal) : Délit d'extorsion d'images pédopornographiques

Suivant l'avis de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement CL10 de Mme Marie-France Lorho.

Puis elle adopte l'article 1er bis BA sans modification.

Article 1er bis B (art. 227‑21‑1 [nouveau], 227‑25, 227‑26, 227‑27 et 227‑27‑2‑1 du code pénal) : Coordinations et délits d'atteinte sexuelle sur mineur

Suivant l'avis de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement CL17 de Mme Isabelle Santiago.

Puis elle adopte l'article 1er bis B sans modification.

Article 1er bis C (art. 222‑22‑2 et 227‑22‑2 [nouveau] du code pénal) : Répression des atteintes sexuelles que la victime est contrainte de s'infliger à elle-même

La Commission adopte l'article 1er bis C sans modification.

Article 1er bis E (art. 225‑12‑1 et 225‑12‑2 du code pénal) : Aggravation de la peine encourue en cas de sollicitation de prostitué mineur

La Commission adopte l'article 1er bis E sans modification.

Enfin, la Commission adopte l'ensemble de la proposition de loi sans modification.

La réunion se termine à 11 heures 10.

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

- M. Jean-Luc Mélenchon, rapporteur sur la proposition de loi organique instaurant une procédure de parrainages citoyens pour la candidature à l'élection présidentielle (nº 3478) ;

- M. Jean-Luc Mélenchon, rapporteur sur la proposition de loi visant à instaurer la proportionnelle intégrale au scrutin législatif (n° 4013).

Membres présents ou excusés

En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.