Intervention de Blandine Brocard

Réunion du mercredi 14 avril 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBlandine Brocard :

La procédure des parrainages constituant une étape décisive dans la détermination des candidats à l'élection présidentielle, votre texte nous a interpellés, monsieur Corbière.

Si nous partageons pleinement avec vous l'ambition et la volonté de donner aux Français tous les moyens de participer à la vie démocratique de notre pays, nous ne pensons pas que l'instauration d'un parrainage citoyen aurait des conséquences significatives ni sur la participation de nos compatriotes à cette vie ni sur l'offre politique proposée à l'occasion de cette élection.

Si l'on ne peut pas nier que la procédure actuelle de parrainage par des élus comporte certaines imperfections, rappelons-nous les conditions de sa mise en place pour bien comprendre le mécanisme à l'œuvre aujourd'hui.

En 1962, au moment où a été instaurée l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, un système de filtre avait été établi afin d'empêcher que des candidats fantaisistes puissent se présenter, ce qui aurait immanquablement eu pour effet de discréditer l'élection présidentielle, ses résultats et l'autorité du président élu. Le général de Gaulle disait : « Il faut bien éviter l'énergumène qui jettera le trouble ». Il tenait cependant à ce « qu'une personnalité libre de toute attache partisane, ne disposant d'aucun appareil de soutien, eût une chance de briguer les suffrages ».

Si la procédure actuelle le permet, elle comporte en effet certaines imperfections, dont la principale est de pouvoir placer des candidats dans une position inégale, entre ceux disposant grâce à leur parti politique d'un réseau d'élus et ceux devant aller chercher les parrainages un par un. C'est pourquoi plusieurs évolutions ont été apportées aux mécanismes de parrainage, avec toujours en ligne de mire l'objectif d'améliorer la lisibilité du scrutin et d'éviter un éparpillement des voix.

Cette procédure a également des mérites fondamentaux : en confiant la responsabilité des parrainages à des citoyens occupant des fonctions électives, elle permet de mettre en place un filtre efficace, sans remettre en cause le principe du suffrage universel direct. Elle permet donc de concilier clarté du scrutin et diversité de l'offre politique.

Les élus qui donnent le plus leur parrainage sont les maires. Or leurs choix ressemblent à certains égards à ceux des citoyens. Une étude de 2017 montre en effet qu'ils choisissent leur candidat sur la base des mêmes critères que ceux qu'utilisent leurs électeurs pour déterminer leur vote, cela étant particulièrement vrai pour les maires de communes rurales.

Ces maires ruraux, qui n'ont pas d'étiquette politique, sont les principaux responsables de l'existence d'un grand nombre de candidatures. La même étude démontre ainsi que, sans eux, seuls quatre candidats se seraient présentés lors de l'élection présidentielle de 2017 : Emmanuel Macron, François Fillon, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon. Il apparaît enfin que les candidats devant leur présence à l'élection présidentielle aux maires ruraux obtiennent au premier tour les faveurs de près d'un tiers de l'électorat.

De plus, l'absence d'une procédure de parrainage citoyen serait compensée par le nombre très important de communes rurales dans notre pays. Aujourd'hui, les fusions de communes et le développement des intercommunalités ne réduisent pas le nombre d'élus : bien au contraire, cela conforte le système de parrainage qui prévaut aujourd'hui.

Ce système conserve donc selon nous toute sa légitimité.

Monsieur le rapporteur, votre procédure de parrainage citoyen a en effet déjà été envisagée par le passé – vous avez évoqué le rapport de M. Jospin – sans jamais aboutir, tout simplement parce qu'elle n'apporte pas d'amélioration. Le système actuel permet aux Français d'avoir un vrai débat, pluraliste et de qualité, ne limite pas de manière disproportionnée le nombre de candidats mais évite les candidats uniquement guidés par des fins de promotion personnelle. Ce filtre efficace et équilibré élimine les candidatures sans fondement. Le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés ne voit donc pas la plus-value du système de parrainage citoyen : nous croyons dans le dispositif actuel, même s'il reste perfectible.

C'est la raison pour laquelle nous voterons contre la proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.