Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mercredi 14 avril 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La réunion débute à 9 heures 30.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission examine la proposition de loi organique instaurant une procédure de parrainages citoyens pour la candidature à l'élection présidentielle (nº 3478) (M. Jean-Luc Mélenchon, rapporteur).

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Mes chers collègues, nous allons examiner ce matin deux textes inscrits à l'ordre du jour par le groupe la France insoumise dans le cadre de sa journée réservée le 6 mai prochain. Notre collègue Alexis Corbière, auquel je souhaite la bienvenue dans la Commission, supplée Jean-Luc Mélenchon, qui en est le rapporteur.

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La présente proposition de loi organique vise à instaurer, en plus du dispositif actuel de parrainage des candidats à l'élection présidentielle par des élus, un système de parrainage reposant sur les citoyens.

« Le système actuel des parrainages a vécu », comme l'a mis en évidence, dès 2008, le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République présidé par Édouard Balladur. Ce constat a ensuite été partagé par la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique présidée par Lionel Jospin qui a affirmé, à nouveau, en 2012 : « Le système actuel de parrainage des candidats par des élus ne correspond plus aux exigences d'une démocratie moderne ».

Considérant qu'il devait désormais revenir aux citoyens eux-mêmes d'habiliter ceux qui pourront concourir à l'élection présidentielle, car il y avait là « un enjeu important pour la rénovation de notre vie publique », cette Commission a proposé de confier la responsabilité de présenter un candidat à l'élection présidentielle à au moins 150 000 citoyens inscrits sur les listes électorales.

L'objet de la proposition de loi organique est d'inscrire cette préconisation dans la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel. En l'état actuel du droit, la sélection des candidats est un privilège des élus, chaque candidat à la présidentielle devant recueillir auprès d'eux 500 signatures pour se présenter, ce qui n'est pas sans soulever de lourdes difficultés.

Le principe du parrainage citoyen que nous défendons entend remédier aux failles du dispositif actuel. Pour certains candidats populaires, ou issus de courants significatifs de la vie politique, la quête de ces signatures s'apparente en effet le plus souvent à un parcours du combattant, fondé sur l'incertitude permanente de pouvoir participer ou non à l'élection présidentielle. La toile de fond de ce système de filtrage est entachée de risques de pressions auprès des maires, notamment ceux de petites communes, souvent tributaires d'élus ou d'assemblées dominés par des partis politiques installés.

La procédure n'est donc pas neutre et se trouve sujette à une instrumentalisation qui dessert l'égalité entre candidats et entrave, en conséquence, une juste représentation des opinions politiques à l'élection présidentielle. Le système du parrainage citoyen entend surtout créer les conditions d'une plus grande intervention populaire dans sa préparation : ce serait un droit démocratique supplémentaire conquis pour les citoyens, dans un contexte où nul ne peut contester la progression massive de l'abstention.

Nous partageons tous ce constat : la grande masse du peuple français est dans une forme de « grève civique ». Le niveau de l'abstention se situe en moyenne autour de 50 %, sauf lors de l'élection présidentielle, où elle concerne tout de même un électeur sur quatre. C'est une tendance fondamentale que nulle conscience républicaine ne peut ignorer. Aussi nous faut-il y apporter les réponses adéquates. En effet, cette sorte d'insurrection froide contre les institutions de la Ve République ne doit rien au hasard : elle est pour nous symptomatique d'un système de mise à l'écart des citoyens de la décision publique.

De grands changements sont donc nécessaires. Vous le savez, au-delà de ce texte, nous sommes favorables au passage à une VIe République. En l'occurrence, notre proposition de parrainage citoyen apparaît comme l'un des moyens d'associer davantage les citoyens à la préparation de l'élection du Président – ou de la Présidente – de la République et de renouer avec l'esprit du recours au suffrage universel direct.

Aussi l'article unique de la proposition de loi organique prévoit-il d'ajouter au dispositif actuel de parrainage un dispositif alternatif qui reposerait sur au moins 150 000 citoyens. Ce seuil, qui correspond à 0,33 % des électeurs, est conforme à la moyenne observée dans les États européens ayant institué un mécanisme de parrainage citoyen pour l'élection présidentielle, soit à titre exclusif, comme au Portugal ou en Pologne, soit parallèlement à un autre système de qualification préalable, comme en Autriche ou en Finlande.

Ce nombre ne doit rien au hasard. Il n'est ni trop élevé, ni trop faible : il suffit à limiter les risques de candidatures non représentatives et garantit à chaque candidat se réclamant d'un courant politique représentatif de pouvoir se présenter devant les électeurs.

Notons également que plusieurs candidats représentant des courants ne pouvant être tenus pour négligeables obtiennent à chaque scrutin présidentiel entre 200 000 et 600 000 suffrages au premier tour.

En complément de ce seuil de 150 000 présentations, notre proposition reprend la préconisation du rapport de 2012 en intégrant une clause de représentativité nationale. L'objectif poursuivi est de permettre une assise nationale des candidats par la représentation d'un certain nombre de départements et de collectivités d'outre-mer. Je tiens à préciser que si notre proposition de loi organique initiale prévoit un seuil de trente départements ou collectivités, nous avons déposé un amendement visant à le porter à cinquante, conformément à la proposition de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique.

Ainsi les présentations devront-elles provenir d'au moins cinquante départements ou collectivités d'outre-mer, sans que l'un d'entre eux ne puisse fournir plus de 5 % des parrainages, soit 7 500 signatures. Ces conditions sont renforcées par rapport à celles relatives au dispositif actuel de parrainage qui a retenu un seuil de trente départements.

Enfin, un électeur ne pourra parrainer qu'un candidat et cette présentation ne fera l'objet d'aucune publicité. Pourquoi avoir opté pour un tel anonymat ? Tout simplement pour traduire le secret, fondement de l'expression d'un suffrage qui se rapproche d'un parrainage citoyen. Tel n'est pas le cas de la présentation d'un candidat à l'élection présidentielle par un élu, qui est un acte de responsabilité politique devant être connu des électeurs même s'il participe, selon nous, à une forme de pression que connaissent certains élus.

J'en viens aux aspects plus pratiques : les présentations, rédigées sur des formulaires, revêtues de la signature de leur auteur et accompagnées d'une copie de sa pièce d'identité, devront parvenir au Conseil constitutionnel dans les mêmes délais que les parrainages des élus.

L'envoi des présentations au Conseil pourra être réalisé selon deux modalités : par voie postale, comme c'est déjà le cas aujourd'hui, ou par voie électronique, par l'intermédiaire, par exemple, d'un site officiel spécifique, chaque électeur ayant reçu au préalable des codes d'accès personnalisés, sur le modèle de ce qui est pratiqué aujourd'hui par l'administration fiscale pour la déclaration des revenus en ligne. Il reviendra au Conseil constitutionnel, gardien des règles de parrainage, de vérifier la conformité des présentations.

Mes chers collègues, je tiens à le redire avec force : nous devons tirer des enseignements significatifs de cette « grève civique » massive qui s'aggrave chaque année un peu plus dans notre pays. Cette colère froide a pris la forme de plusieurs élans populaires, du mouvement des Gilets jaunes jusqu'à la mobilisation citoyenne pour le climat. Aussi nous faut-il redonner au peuple une pleine capacité d'intervention dans une élection qui, même si je le déplore, conditionne pour les cinq années suivantes la vie politique de notre pays.

Cette proposition de loi permettra, selon nous, une première réappropriation citoyenne de l'élection présidentielle, même s'il reste à s'interroger sur le rôle et les pouvoirs du Président de la République. Je vous invite donc à l'adopter afin qu'elle soit applicable dès l'élection de 2022.

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On peut partager une partie de votre constat s'agissant de la défiance actuelle d'une partie de la population à l'égard de notre système démocratique. Nous devons donc étudier avec sérieux toute proposition visant à apporter une solution, ce qui est le cas de votre texte. Celui-ci tend à introduire un changement majeur à la procédure permettant de se porter candidat à l'élection présidentielle, en instituant un système de parrainage par au moins 150 000 citoyens.

La première de mes réserves porte, non pas sur le fond, mais sur la temporalité. Alors que ces derniers mois, de nombreux textes concernant les élections, notamment présidentielles, nous ont été soumis, notre majorité n'a pas varié sur un principe : ne pas remettre en question les fondamentaux du droit électoral et ne pas introduire de bouleversements politiques à un an de l'élection présidentielle

S'agissant des parrainages, l'échéance est encore plus proche, puisque la date limite pour leur réception est fixée au sixième vendredi précédant le premier tour.

D'ailleurs, le groupe La France insoumise partage, d'une certaine manière, cette position puisque notre collègue Bastien Lachaud s'était joint à nous pour s'opposer, à ce titre, dans le cadre de l'examen du projet de loi organique portant diverses mesures relatives à l'élection du Président de la République, à un amendement déposé en dernière minute au Sénat par le Gouvernement sur le vote par anticipation. Il s'agissait, là aussi, d'éviter des modifications substantielles pouvant être perçues comme des manœuvres politiques.

En ces temps troublés, notre vie démocratique a besoin de stabilité, mais cela n'empêche pas de réfléchir à des transformations dans les prochaines années.

En l'occurrence, donc, cette proposition de loi arrive un peu tard pour remettre en question l'organisation de l'élection présidentielle de 2022, d'autant que nous avons examiné il y a peu un texte sur le sujet.

Ma deuxième réserve porte sur les grandes difficultés opérationnelles de cette proposition, dans un délai si court. Le principe du parrainage par au moins 500 élus est unique et réservé à l'élection présidentielle. La procédure de vérification est dense et implique de nombreuses ressources humaines et temporelles. Plusieurs étapes sont prévues pour s'assurer de la validité d'un parrainage. En cas de doute, les équipes prennent souvent contact avec les élus concernés par téléphone pour récupérer une pièce ou une signature manquante. Si le doute persiste, ce sont les sages du Conseil constitutionnel qui tranchent. Rappelons que même s'il ne s'agit que d'une proportion infime de cas, il leur est arrivé d'invalider des parrainages d'élus, souvent dans le cas de totaux légèrement supérieurs à 500 qui laissaient planer un doute. Vérifier l'authenticité des 150 000 parrainages de citoyens poserait problème.

Ce sujet est à mettre en lien avec celui de l'identité citoyenne numérique, procédure qui permettrait d'accélérer et d'améliorer l'authentification des parrainages ou des participations à des votations en ligne. Ce serait une première étape. Si le système n'était pas totalement opérationnel, certains candidats pourraient en effet se prévaloir de parrainages citoyens qui ne seraient pas authentiques ou authentifiables, ce qui poserait un problème de sincérité de l'élection présidentielle.

Cela dit, cette proposition de loi est intéressante sur le fond. Reprenant une des préconisations de la commission présidée par Lionel Jospin, elle permettrait peut-être de mieux intégrer les citoyens au processus de l'élection présidentielle, même si, in fine, ils sont souverains au moment du vote. Elle pourrait cependant conduire à l'émergence d'un grand nombre de candidats, alors que nos concitoyens sont attachés à la lisibilité du scrutin et à la clarté de l'offre politique.

C'est pourquoi le groupe La République en Marche votera contre ce matin.

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Je voudrais faire tout d'abord une remarque liminaire sur nos niches parlementaires qui s'engagent progressivement dans une démarche populiste. On y examine en effet de plus en plus des textes dont on sait pertinemment qu'ils n'aboutiront pas, au lieu de s'intéresser, en période de crise, au quotidien des Français et de démontrer que les groupes minoritaires ou d'opposition sont capables de formuler des propositions concrètes. Nous pourrions profiter de cette occasion pour exposer des idées qui, si elles n'émanent pas de la majorité, ont vocation à régler des problèmes et à trouver du consensus plutôt que de chercher à cliver inutilement, en l'occurrence en matière de réforme de nos institutions, et en particulier d'élection présidentielle.

Sur la forme, le calendrier n'est pas le bon : nous sommes bien trop proches de l'échéance électorale pour que, dans le respect de la navette parlementaire et de nos institutions, cette proposition de loi organique puisse être adoptée. En modifier les règles aujourd'hui aurait pour conséquence de flouer l'élection et de l'éloigner des principes devant conduire une démocratie.

Sur le fond, le groupe Les Républicains sera évidemment contre la proposition de loi. Tout d'abord, nous ne partageons pas le constat relatif à la supposée difficulté d'accès à l'élection présidentielle en raison de la supposée pression exercée sur les maires, qui n'est pas démontrée dans les faits. Depuis 2002, le nombre de candidats à l'élection présidentielle est d'ailleurs devenu très important, puisqu'il dépasse parfois la quinzaine. On ne peut donc pas dire qu'il y aurait un problème d'obtention des parrainages, et en conséquence d'accès à l'élection, ou de capacité à représenter des courants de pensée politique différents.

Je vois derrière ce discours une mise en scène voire une victimisation de certains candidats qui n'ont en réalité jamais rencontré de difficultés à obtenir les signatures et ont toujours pu se présenter. Cela relève de l'argument politique, et en aucun cas d'une contrainte technique inhérente aux institutions de la Ve République, à laquelle le groupe Les Républicains est particulièrement attaché.

Or la mesure proposée dénaturerait précisément la Ve République en renforçant davantage encore la présidentialisation du régime. Je ne suis pas sûr que nous en ayons besoin aujourd'hui. Elle est, en outre, en contradiction avec la proposition de loi suivante, au travers de laquelle vous revendiquez une proportionnelle intégrale. À un moment donné, il faudra que vous choisissiez entre régime parlementaire et régime présidentiel. Dans la même niche parlementaire, vous ne pouvez pas, en effet, nous dire que vous voulez l'un et l'autre, sauf à vouloir appliquer le « en même temps » aux institutions.

Voilà les raisons qui nous conduisent à nous opposer à cette proposition de loi organique qui, in fine, rend plus difficile encore l'accès à une candidature à l'élection présidentielle, contrairement aux objectifs affichés de faciliter l'expression d'idées, de courants et de partis politiques supposés ne pas pouvoir y prendre part.

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La procédure des parrainages constituant une étape décisive dans la détermination des candidats à l'élection présidentielle, votre texte nous a interpellés, monsieur Corbière.

Si nous partageons pleinement avec vous l'ambition et la volonté de donner aux Français tous les moyens de participer à la vie démocratique de notre pays, nous ne pensons pas que l'instauration d'un parrainage citoyen aurait des conséquences significatives ni sur la participation de nos compatriotes à cette vie ni sur l'offre politique proposée à l'occasion de cette élection.

Si l'on ne peut pas nier que la procédure actuelle de parrainage par des élus comporte certaines imperfections, rappelons-nous les conditions de sa mise en place pour bien comprendre le mécanisme à l'œuvre aujourd'hui.

En 1962, au moment où a été instaurée l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, un système de filtre avait été établi afin d'empêcher que des candidats fantaisistes puissent se présenter, ce qui aurait immanquablement eu pour effet de discréditer l'élection présidentielle, ses résultats et l'autorité du président élu. Le général de Gaulle disait : « Il faut bien éviter l'énergumène qui jettera le trouble ». Il tenait cependant à ce « qu'une personnalité libre de toute attache partisane, ne disposant d'aucun appareil de soutien, eût une chance de briguer les suffrages ».

Si la procédure actuelle le permet, elle comporte en effet certaines imperfections, dont la principale est de pouvoir placer des candidats dans une position inégale, entre ceux disposant grâce à leur parti politique d'un réseau d'élus et ceux devant aller chercher les parrainages un par un. C'est pourquoi plusieurs évolutions ont été apportées aux mécanismes de parrainage, avec toujours en ligne de mire l'objectif d'améliorer la lisibilité du scrutin et d'éviter un éparpillement des voix.

Cette procédure a également des mérites fondamentaux : en confiant la responsabilité des parrainages à des citoyens occupant des fonctions électives, elle permet de mettre en place un filtre efficace, sans remettre en cause le principe du suffrage universel direct. Elle permet donc de concilier clarté du scrutin et diversité de l'offre politique.

Les élus qui donnent le plus leur parrainage sont les maires. Or leurs choix ressemblent à certains égards à ceux des citoyens. Une étude de 2017 montre en effet qu'ils choisissent leur candidat sur la base des mêmes critères que ceux qu'utilisent leurs électeurs pour déterminer leur vote, cela étant particulièrement vrai pour les maires de communes rurales.

Ces maires ruraux, qui n'ont pas d'étiquette politique, sont les principaux responsables de l'existence d'un grand nombre de candidatures. La même étude démontre ainsi que, sans eux, seuls quatre candidats se seraient présentés lors de l'élection présidentielle de 2017 : Emmanuel Macron, François Fillon, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon. Il apparaît enfin que les candidats devant leur présence à l'élection présidentielle aux maires ruraux obtiennent au premier tour les faveurs de près d'un tiers de l'électorat.

De plus, l'absence d'une procédure de parrainage citoyen serait compensée par le nombre très important de communes rurales dans notre pays. Aujourd'hui, les fusions de communes et le développement des intercommunalités ne réduisent pas le nombre d'élus : bien au contraire, cela conforte le système de parrainage qui prévaut aujourd'hui.

Ce système conserve donc selon nous toute sa légitimité.

Monsieur le rapporteur, votre procédure de parrainage citoyen a en effet déjà été envisagée par le passé – vous avez évoqué le rapport de M. Jospin – sans jamais aboutir, tout simplement parce qu'elle n'apporte pas d'amélioration. Le système actuel permet aux Français d'avoir un vrai débat, pluraliste et de qualité, ne limite pas de manière disproportionnée le nombre de candidats mais évite les candidats uniquement guidés par des fins de promotion personnelle. Ce filtre efficace et équilibré élimine les candidatures sans fondement. Le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés ne voit donc pas la plus-value du système de parrainage citoyen : nous croyons dans le dispositif actuel, même s'il reste perfectible.

C'est la raison pour laquelle nous voterons contre la proposition de loi.

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Il existe un fort enjeu politique autour de cette proposition déposée par nos collègues du groupe La France insoumise visant à instaurer le parrainage d'un candidat à l'élection présidentielle par 150 000 citoyens.

Comme le disait Jean-Claude Colliard, ancien membre du Conseil constitutionnel, « […] que la désignation du Président de la République, depuis la révision de 1962, dépende directement du vote des électeurs, est un dogme bien établi dans notre vie politique, mais le dire ainsi sans nuances, c'est oublier un peu vite que ce vote est nécessairement déterminé par l'offre politique, autrement dit la liste des candidats admis à concourir ».

Dans ce cadre, la question du nombre, celle de la qualité des parrains et celle, enfin, de la publicité, sont posées. Si le seuil des parrainages citoyens retenu est celui proposé par la commission présidée par Lionel Jospin en 2012, d'autres propositions ont envisagé celui de 500 000. On est encore très loin du seuil – qualifié par Jean-Claude Colliard d'irréaliste – retenu pour le référendum d'initiative populaire au moment de la réforme de 2008.

Il existe plusieurs arguments en faveur de la proposition de loi. En effet, nous sommes le seul pays où l'élection du Président de la République au suffrage universel se pratique avec un système de parrainage d'élus, héritage du temps où le chef de l'État était élu par un collège. Alors que, jusqu'en 1976, 100 parrainages étaient exigés, l'augmentation de ce nombre n'a pas empêché la multiplication des candidatures. Ce système a également fait la preuve de son incapacité à faire une place à des candidats populaires mais hors système ou liés à des formations disposant de peu d'élus.

Mais les arguments contre la proposition de loi sont également forts : elle arrive ainsi à contretemps des primaires organisées à droite et à gauche. Autrement dit, elle va à l'encontre de la recherche d'une candidature de rassemblement dans chaque camp qui se définit comme tel. Le système nord-américain présente bien des inconvénients, mais il comprend des élections primaires. Or, aux dernières élections, celles de 2020, le taux de participation y a été le plus fort depuis 1900.

Un tel engouement pour les primaires, ailleurs et ici, montre que les citoyens sont prêts à s'investir dans des pratiques participatives. Cela suppose que les candidats et les candidates respectent leurs propres engagements. On doit donc considérer qu'un système de primaires est bien de nature à assurer une participation forte.

Le parrainage tel qu'il nous est présenté a été critiqué par les petits partis car le seuil reste élevé, en comparaison avec d'autres pays. Au Portugal par exemple, il a été fixé à moins de 10 000 parrainages pour 10 millions d'habitants.

Cette proposition pose enfin, et fortement, la question du contrôle des parrainages par le Conseil constitutionnel et de l'effectivité du choix des citoyens. Si l'État et le gouvernement « mettaient le paquet » sur l'identité numérique, nous aurions une perspective nouvelle de développement.

Les élus transmettent eux-mêmes leur parrainage, ce qui renvoie à la question de la publicité des parrainages, effective depuis 2016. Je suis personnellement favorable à la proposition qui va dans le sens d'une plus grande responsabilisation des citoyens ayant la qualité juridique d'électeur. Nous trouvons cependant étonnant que les parrains ne soient pas connus. Si je comprends la réticence des élus qui parrainent, je ne vois pas pourquoi cette démarche des citoyens devrait rester secrète. Être citoyen, c'est s'engager dans la vie publique. Quoi de plus naturel alors que de dire publiquement que l'on soutient tel ou tel candidat ? L'anonymat n'est donc pas une nécessité : il pourrait même être à l'origine d'une inconstitutionnalité rappelée par Jean Gicquel en 2012, à l'époque de la commission présidée par Lionel Jospin.

Notre groupe s'abstiendra donc en commission sur ce texte, et observera l'évolution de la discussion sur les questions contradictoires qu'il pose, comme celui que nous examinerons ensuite.

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Je suis de ceux qui ont considéré avec un peu de dédain, voire de l'irritation, la révision constitutionnelle de 2008, qui a instauré les niches parlementaires de façon un peu démagogique à mes yeux. Je dois reconnaître que j'ai beaucoup évolué sur ce point depuis lors. Certes, l'adoption de textes, dans ce cadre, reste relativement rare mais cela permet d'ouvrir au cœur de notre assemblée des débats majeurs.

Deux vrais sujets institutionnels sont ainsi portés à notre attention, ce matin. La crise que nous traversons ne date pas d'aujourd'hui : elle est au moins trentenaire. Si je me réjouis de la présence d'Alexis Corbière, je regrette l'absence de Jean-Luc Mélenchon, à qui j'aurais dit : « Collègue, vous étiez sénateur lorsque, jeune étudiant, je m'abreuvais de Jean Baudrillard, de Michel Crozier ou d'Hannah Arendt. Collègue, vous étiez ministre lorsque je commençais à enseigner et que je faisais passer les messages véhiculés par Orwell et Huxley. Collègue, et vous étiez à nouveau sénateur lorsque j'ai critiqué la réforme de 2008. »

Nous avons donc traversé cette crise en lui portant un regard différent, dans des postures différentes, tout simplement parce qu'elle dépasse nos mots et même nos sensations immédiates, qui dépendent de nos situations matérielles.

Aujourd'hui, nous pourrions bien être les témoins et les acteurs involontaires de ce qui pourrait être, si nous n'y prenons pas garde, une période historique de « refermeture » de l'expérience démocratique.

Les peuples ne marquent plus d'intérêt pour nos principes – démocratie, droits de l'homme, laïcité, pluralisme – ni pour nos concepts – démocratie libérale, régime autoritaire, dictature – ou pour notre système institutionnel ou pour notre démocratie. Il faut en convenir : nous ne parvenons pas à éradiquer le phénomène parce qu'il est complexe, que nous vivons une période d'individualisme exacerbé et de déterritorialisation de l'humain, mais également parce que nous sommes prisonniers de nos postures politiques comme de nos formes et de nos procédures juridiques. Il faut impérativement prendre garde à tout cela et embrasser ces problématiques avec sérieux.

La présente proposition de loi a le grand mérite d'ouvrir le débat sur une thématique importante. Je crois cependant que vous vous trompez à la fois sur le fond et sur la forme. Le groupe Agir ensemble ne partage pas votre point de vue.

Vous êtes dans l'erreur, du point de vue constitutionnel, lorsque vous évoquez la VIe République qui serait précédée par la réunion d'une assemblée constituante dont on ne peut anticiper les travaux : c'est un non-sens historique et constitutionnel.

S'agissant du parrainage citoyen à proprement parler, je trouve votre proposition très intéressante et alléchante. Je vais vous dire la vérité : si vous l'aviez formulée il y a quinze ans, ou à l'issue des travaux de la commission présidée par Lionel Jospin, j'y aurais adhéré. La question de la candidature à la magistrature suprême est essentielle, tout comme celle des parrainages : 500 élus, c'est insatisfaisant car cela agit comme une sorte de filtre, de suffrage universel indirect à l'occasion d'une élection au suffrage direct. Certains candidats, bien qu'apparaissant comme légitimes, ont du mal à les réunir. Cela assure, à l'inverse, de la fausse publicité à d'autres qui en disposaient et qui faisaient semblant de ne pas pouvoir les obtenir. En outre, le système est mal compris par les élus.

Si la solution proposée est intéressante, elle ne me paraît cependant pas adaptée. Laissant de côté la temporalité, mes remarques sont de deux types. Techniquement, tout d'abord, la collecte et la vérification des signatures me semblent difficiles, et leur anonymisation contre-productive. Par ailleurs, dans le monde dans lequel nous vivons, la place accordée aux médias et aux réseaux sociaux pourrait faire germer des candidatures complètement fantaisistes : un Jérôme Rodrigues, un Didier Raoult ou un Cyril Hanouna pourrait ainsi très bien devenir, en quelques semaines, candidat à l'élection présidentielle et fausser complètement le scrutin.

Or le sérieux et la solennité de la consultation présidentielle méritent un peu mieux. Cette idée intéressante doit être affinée et repensée. Nous y serons opposés en l'état, pas sur le principe.

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En 1962, le législateur – les propos du général de Gaulle ont été rappelés – s'est demandé comment concilier le droit de chacun à être candidat, y compris à l'élection présidentielle, et l'exigence de lisibilité du scrutin, vierge de toute candidature en décalage avec les courants politiques traditionnels. Le choix a été fait d'imposer un filtre, celui des élus locaux.

Ce qui nous gêne dans cette proposition de loi, par ailleurs intéressante, c'est que vous semblez y opposer le parrainage citoyen et celui des élus locaux, comme si ceux-ci étaient « déconnectés » de la légitimité populaire. Au contraire, les élus locaux détiennent cette légitimité de leur élection et, à travers leur signature, c'est bien le peuple français qui s'exprime. À titre personnel, j'aurais préféré examiner un système mixte.

Vous avez indiqué que le seuil des 150 000 signatures correspond à celui ordinairement imposé pour la présidentielle dans d'autres régimes démocratiques. Toutefois, il ne me semble pas suffisamment élevé pour permettre d'exclure toutes les « candidatures exotiques », dont certaines passent parfois le filtre des 500 parrainages d'élus. Elles peuvent être le fait de personnes, ou d'organisations, dont les intérêts ne sont en rien politiques mais qui escomptent présenter dans la foulée de la présidentielle une centaine de candidatures aux législatives et profiter ainsi des financements publics.

La clause de représentativité territoriale me semble souhaitable ; c'est une bonne chose que de l'élargir encore, ainsi que vous le proposez dans un amendement.

Je ne partage pas votre analyse concernant la publicité des parrainages, qu'il s'agisse de celui des citoyens ou des élus locaux. En effet, parrainer un candidat ne signifie pas forcément que l'on soutient ses idées ; des élus peuvent décident de donner leur signature à un « petit » candidat afin qu'il puisse concourir au premier tour de l'élection présidentielle et que l'offre politique s'en trouve ainsi élargie.

Au-delà de ces remarques, notre groupe ne s'opposera pas à ce texte.

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Cette proposition reprend une des propositions de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique présidée par Lionel Jospin : un parrainage citoyen qui aurait un effet de filtre et permettrait d'exclure les candidatures fantaisistes.

Alors que l'abstention est en augmentation, cette procédure est-elle à même d'impliquer davantage les citoyens ? On peut le penser, puisque les citoyens seraient amenés à prendre connaissance du programme du candidat à qui ils donneraient leur signature ; ce serait une façon, sinon de réenchanter la politique, du moins de faire en sorte qu'on s'y intéresse un peu plus !

Il n'est pas toujours évident, pour une personnalité politique un peu en dehors des partis, de se présenter à la présidentielle. Je pense à Jean Lassalle, représentant du milieu rural et défenseur de son cadre de vie : sa candidature dit quelque chose de notre pays, mais il lui est difficile de rassembler les 500 parrainages d'élus locaux. Le risque existe aussi que les citoyens accordent spontanément leur confiance à une personne – un présentateur par exemple –particulièrement bien installée dans le petit microcosme médiatique. Il y avait quelque chose de cet ordre dans l'élection de Donald Trump.

Je ne vous ferai pas le reproche de présenter ce texte aujourd'hui, même si l'usage veut que l'on ne change pas les modalités d'un scrutin un an avant une élection. Je ne sais que trop qu'il n'est pas évident de faire passer une loi, de présenter des idées nouvelles quand les niches parlementaires sont réduites à la portion congrue – certains y parviennent parfois, on se demande comment !

Votre proposition a le mérite d'exister et de nous forcer à nous renouveler – la vie démocratique nous demande de nous adapter aux exigences de notre époque. Aussi mon groupe ne s'y opposera-t-il pas. Mais je terminerai par une boutade : s'agissant de la présidentielle, la question n'est-elle pas plutôt celle du scrutin au suffrage universel ?

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Élection après élection, l'abstention progresse. On pourra trouver toutes sortes d'explications à ce phénomène, mais il s'agit avant tout d'un message politique. Aux dernières élections municipales, celles qui mobilisent le plus les citoyens après la présidentielle, elle a atteint des records ; dans certains bureaux de vote, le candidat qui se trouvait en tête avait recueilli un nombre de voix qui ne lui aurait même pas permis d'être délégué de classe ! L'épidémie est un facteur qui ne retire rien au caractère profond et très politique de cette abstention.

Celle-ci pourrait se résumer à : « si c'est ainsi, faites sans moi ! ». Cela ne peut satisfaire celles et ceux attachés à la démocratie et à la souveraineté du peuple en république, quand bien même ce « si c'est ainsi, faites sans moi ! » arrange les calculs électoraux de certains. L'abstention est en effet plus élevée chez les jeunes, les ouvriers et les employés, pour des tas de raisons politiques incluant les promesses non tenues, les trahisons, les renoncements et le caractère obsolète de notre fonctionnement démocratique.

Pour notre part, nous en avons assez des élections sans le peuple : le peuple doit s'en mêler et nous devons réunir les conditions de sa participation. Nous pensons qu'il est temps pour le peuple français de se refonder en redéfinissant les règles d'un jeu démocratique auquel, de toute évidence, il ne consent plus. Nous voulons qu'une assemblée constituante soit convoquée avec pour mission d'élaborer un projet de nouvelle constitution. Après l'adoption par référendum de ce projet, la France passerait à la VIe République.

L'article 28 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de la Constitution du 24 juin 1793 dispose qu'« un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures. » C'est pourtant le cas depuis de trop nombreuses années – la Constitution de la Ve République, que nous qualifions de monarchie présidentielle, a d'ailleurs été revue plus d'une vingtaine de fois sans que le peuple donne son avis.

Mais le présent texte n'a pas vocation à modifier la Constitution, vous l'aurez compris. Une proposition de loi organique suffit pour instaurer un système de parrainage citoyen. Précision utile si j'en crois les interventions de certains orateurs, ce filtre ne viendrait pas remplacer celui du parrainage des élus locaux, qui continuerait de s'exercer en parallèle.

Cette proposition est issue du rapport de la commission présidée par Lionel Jospin, où siégeaient Roselyne Bachelot, un président de section au Conseil d'État, un préfet, plusieurs magistrats et professeurs de droit, dont Dominique Rousseau. Dans ce rapport, intitulé « Pour un renouveau démocratique », les membres constataient que le système de parrainage des élus s'essoufflait, qu'il créait « une incertitude sur la possibilité, pour certains courants significatifs de la vie politique du pays, d'être représentés au premier tour » et qu'il était source d'inégalité entre candidats : « Les candidats soutenus par des partis ne disposant pas d'un réseau étendu d'élus susceptibles de les parrainer doivent consentir des efforts très importants pour recueillir les signatures requises. L'énergie ainsi déployée les prive d'un temps utile pour mener campagne auprès des électeurs. » De fait, on passe plus de temps à essayer d'être candidat qu'à défendre son projet devant les citoyens.

Le seuil de 150 000 signatures est suffisamment élevé pour dissuader les candidatures purement fantaisistes, strictement régionalistes ou communautaires, le Président de la République ayant vocation à représenter la Nation tout entière, mais il est fixé à un niveau qui permet de ne pas exclure le candidat d'un courant politique représentatif.

Le rapport de la commission présidée par Lionel Jospin propose que tout candidat à la présidentielle devra avoir été parrainé par 150 000 citoyens inscrits sur les listes électorales et issus de 30 départements différents, un même département ne pouvant excéder 5 % du total des parrainages.

Voilà une proposition qui ne devrait pas déplaire à une majorité qui se prétendait l'incarnation du « Nouveau Monde ». Collègues, vous venez d'abandonner l'instauration de la proportionnelle pour les élections législatives, une promesse majeure du candidat Macron ; avec le parrainage citoyen, nous ferons œuvre utile, entamant ainsi le nécessaire renouveau démocratique.

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Je me félicite que nos collègues de La France insoumise nous permettent de débattre aujourd'hui en commission, prochainement dans l'hémicycle, de notre système institutionnel. Je ne peux que partager le constat selon lequel nos compatriotes se trouvent exclus du fonctionnement de nos institutions. Celles-ci ont été fragilisées, affaiblies par cette Ve République qui renforce au fil du temps le pouvoir présidentiel au détriment de l'intervention populaire.

L'abstention ne signifie pas le rejet de la vie publique. C'est, de la part de nos compatriotes, un message politique : ils ne se reconnaissent pas dans nos institutions, ils doutent de l'offre politique qui leur est présentée, ils s'interrogent sur l'efficacité de leur vote et sur la façon dont il se traduit dans l'action du candidat, une fois élu.

Contrairement à d'autres orateurs, je ne pense pas que nos compatriotes se désintéressent du système institutionnel mais je crois qu'ils adhéreront à la proposition d'une assemblée constituante, associant les citoyens et les citoyennes à l'élaboration d'une nouvelle République, la sixième, qui permettra de sortir de cette monarchie présidentielle.

Je me félicite donc de cette proposition de loi sur le parrainage citoyen et je plaide pour un amendement qui prévoie la publicité de ce parrainage – il n'y a pas à se cacher de défendre telle ou telle candidature. Prenons garde, toutefois, à ce que cette démarche citoyenne n'ait pas pour effet d'exercer une pression sur les élus locaux : ceux-ci doivent rester libres de soutenir le candidat de leur choix.

Faisons attention aussi à la sélection des candidats. Il y a eu la loi organique du 18 juin 1976, qui visait, disait-on à l'époque, à limiter le nombre de candidats, puis la commission présidée par Lionel Jospin en 2012. Bien évidemment, il convient d'éviter les candidats communautaires, les candidats que certains appellent « fantaisistes » – je préfère parler des candidats dont les objectifs sont contraires à l'intérêt général, aux notions même de Nation et de République. Mais ne cherchons pas, avec cette proposition de loi, à censurer des candidats. L'offre politique étant ce qu'elle est – je le dis et j'appartiens pourtant à un parti –, on peut voir émerger une candidature hors des partis, qui serait à même de les fédérer ensuite.

Le groupe GDR votera pour cette proposition de loi, tout comme il soutiendra celle visant à instaurer la proportionnelle intégrale au scrutin législatif.

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Les candidats à l'élection présidentielle doivent recevoir le parrainage de 500 élus, un filtre choisi pour « gager » le sérieux d'une candidature. La procédure, bien que contraignante, n'est pas insurmontable, si j'en crois le nombre de candidats aux élections passées – 11 en 2017, 10 en 2012 et 12 en 2007. Il me semble important que les candidats à la présidentielle soient soutenus par ces acteurs de terrain que sont les maires, fins connaisseurs des problématiques locales dont ils traitent au quotidien. On a cependant constaté que la publicité des parrainages, obligatoire depuis 2016 pour répondre à un souci de transparence, rend plus difficile l'obtention des signatures. Que pèse le maire d'une petite commune rurale face au chantage à la subvention d'un exécutif départemental ou régional ? Dire cela ne relève ni du fantasme ni de la mise en scène. Pour ceux qui en doutent, je tiens à leur disposition des témoignages qui font état de la pression qui peut s'exercer sur ces élus.

Il aurait été préférable de concevoir un système mixte – 200 parrainages d'élus locaux et 150 000 signatures de citoyens par exemple. Par ailleurs, ce texte arrive trop tard. Si l'on devait modifier les règles si peu de temps avant l'élection, les accusations de tripatouillage prendraient vite le dessus sur les discussions de fond et cela serait très préjudiciable à la confiance, déjà fortement écornée, que les Français accordent au monde politique. Votre texte mérite débat, mais je n'y serai pas favorable en l'état.

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Je considère aussi que ce texte mérite d'être débattu mais j'y suis défavorable. D'abord, je ne pense pas que le parrainage fasse partie de nos institutions car l'avis du peuple s'exprime, par essence, dans l'élection. Ensuite, j'estime que cette proposition de loi arrive un peu trop tard par rapport au calendrier électoral.

Surtout, je suis très attaché au parrainage des élus locaux et je crains que le mettre en concurrence avec celui de 150 000 citoyens ne soit un signal de défiance, à un moment où les maires ont l'impression de peser de moins en moins sur les événements, d'être aspirés par la technocratie et la centralisation.

J'ai connu un maire de droite qui parrainait à chaque élection Arlette Laguiller car il estimait que ce courant politique devait être représenté à la présidentielle. Nous avons la chance en France que bien des élus locaux soient sans étiquette et qu'ils ne craignent pas de soutenir des candidats aux opinions opposées.

Enfin, ce texte ne nous prémunit en rien de l'émergence d'un candidat communautaire, ou régionaliste, qui viendrait polluer le débat démocratique. Une telle éventualité m'inquiète beaucoup et je souhaiterais que le rapporteur nous éclaire sur ce point.

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Merci à tous pour cet échange d'arguments. Les différents courants d'opinion s'expriment de façon chimiquement pure dans chacune de vos interventions, et c'est tant mieux.

Ce texte n'est qu'une pièce dans une réflexion plus générale, critique à l'égard des institutions de la Ve République. La tâche que nous nous sommes assignée est de réformer les institutions, et ce n'est pas avec cette proposition de loi que nous pourrons le faire : il nous faut d'abord remporter la présidentielle ! Ne voyez donc pas dans cette proposition de loi la marque d'un présidentialisme, mais plutôt une première étape. La concentration extrême du pouvoir dans un personnage, le Président de la République, étouffe la démocratie et surplombe toute réflexion, à commencer par les deux textes que nous vous soumettons ce matin.

La question majeure, c'est celle de la souveraineté populaire. Qu'est-ce que la République, sinon le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ? Elle doit demeurer le fil conducteur de toutes nos réflexions ; pourtant, peu d'entre vous ont évoqué le grand danger que représente l'abstention de masse. Nul système démocratique, a fortiori une république, ne peut laisser dans l'angle mort le fait que la majorité de ses citoyens ne veuillent plus voter, que ses élus locaux, dont je respecte le travail, ne représentent que 20 % du corps électoral. Moi-même qui vous parle et qui ai été élu avec 60 % des voix au second tour, je ne représente que 20 % des électeurs inscrits – 80 % des électeurs n'ont pas voté pour moi –, et comme beaucoup d'habitants n'ont pas le droit de vote dans ma circonscription, lorsque je marche dans la rue, je sais que neuf personnes sur dix que je croise ne m'ont pas donné leur suffrage. Et pourtant, je les représente. Chacun d'entre vous peut faire ce calcul, c'est un problème de fond qui nous concerne tous : huit personnes sur dix ne sont pas venues voter ou n'ont pas donné leur voix à celui ou celle qui les représente à l'Assemblée nationale. Cela ébranle toute notre vie démocratique, au point que nous devrions en être obsédés et ne cesser de nous demander comment fonder nos décisions, et nos institutions, sur une assise démocratique.

Certains ont parlé de candidatures « fantaisistes ». Qui sommes-nous pour décider qu'un candidat est fantaisiste ? J'ai entendu les noms de Jérôme Rodriguez, de Didier Raoult, de Cyril Hanouna : des études d'opinion montrent qu'ils obtiendraient beaucoup de voix, peut-être même plus que vous, qui les qualifiez de « fantaisistes ». Comment sortir de ça ? Non pas en usant de qualificatifs qui ne mènent à rien mais en s'attachant à ce que pense le peuple, aux raisons qui font que des gens se sentent représentés par telle ou telle personne. Cela ne nous empêche pas de trouver choquant qu'un candidat recueille autant de suffrages, de critiquer ses propositions, de penser qu'elles sont mauvaises pour le pays.

Sauf le respect que j'ai pour vous, nombre de propositions que j'entends ici me semblent parfois fantaisistes, tout comme je trouve fantaisistes les conditions dans lesquelles le chef de l'État a été élu ! Je rappelle que six mois ou un an avant le scrutin, il était quasiment inconnu. On peut s'interroger sur une telle trajectoire, sur la façon dont une personne apparaît ainsi dans le paysage politique. N'employons donc pas ce vocabulaire antirépublicain. Seul le peuple décide de ce qui est sérieux ou pas. À nous de faire en sorte que les débats concernent bien l'intérêt général.

Adrien Quatennens a eu raison de citer l'article 28 de la Constitution de 1793 : une génération ne peut obliger les générations suivantes à avoir la même Constitution, cela doit faire l'objet d'un débat permanent. Rien ne peut avoir lieu sans le peuple, seul lui doit décider : ce principe guidera les réponses que je vais vous faire.

Si, par malheur, vous ne reteniez pas ce texte, il constituera au moins un pas supplémentaire sur le long chemin du changement. Qu'on le veuille ou non, celui-ci aura lieu. Peut-être même se produira-t-il dans un esprit moins républicain que nous le souhaiterions. Le système électoral est en train de craquer, nos institutions sont de moins en moins représentatives. Les refonder, avec l'adhésion du peuple, est un enjeu majeur.

J'ai trouvé assez piquant que, par la voix de Pacôme Rupin, le groupe majoritaire critique le fait que cette proposition de loi arrive trop tard, alors qu'il aurait pu, s'il avait estimé ce sujet important, suggérer suffisamment tôt au Gouvernement un texte de même nature. De grâce, évitons de tels arguments ! Vous savez que nous faisons ce que nous pouvons, dans les limites imposées aux groupes de l'opposition.

J'ai noté la « gentillesse » avec laquelle notre camarade républicain a expliqué qu'il considérait ce texte inutilement clivant et détaché de la vie quotidienne des Français. Peut-être celui qui ne s'interroge pas sur le taux d'abstention et reste focalisé sur la minorité des concitoyens qui se déplacent dans les bureaux de vote est-il lui-même déconnecté du quotidien de nos concitoyens ? Quant au qualificatif de « populiste », je comprends bien l'aspect flétrissant qu'il peut revêtir, mais je m'enorgueillis par moments de me le voir attribuer car il a pour racine le mot « peuple » : s'il s'agit de faire entendre une volonté populaire, alors j'accepte de me faire traiter de « populiste » !

Monsieur Schellenberger, vous avez suggéré que les difficultés rencontrées lors du recueil des signatures ne sont que supposées et qu'elles sont surtout mises en scène. N'y voyez pas une astuce, c'est pourtant la réalité. Il m'est arrivé de travailler à réunir ces parrainages pour Jean-Luc Mélenchon ; notre collègue Emmanuelle Ménard, qui l'a sans doute fait pour madame Le Pen, peut aussi en témoigner : c'est une tâche très difficile, qui monopolise des forces militantes durant des mois et des mois. De ce point de vue, il est injuste que certains partis n'aient pas à se préoccuper de cette question, réglée immédiatement, quand d'autres doivent mobiliser durablement leurs militants.

J'ai pris ma voiture, j'ai rencontré des maires ruraux : comme l'a dit Éric Diard, il y a là des démocrates qui m'ont dit : « je ne suis pas d'accord avec vous, mais je veux que votre candidat puisse se présenter ». Heureusement, ils existent, mais pour combien de temps encore ? Les grands élus, les présidents des communautés d'agglomération aujourd'hui, font pression. Bien naïf celui qui pense que son soutien à un candidat ne risque pas de coûter à sa ville un conservatoire ou un gymnase ! Les mêmes élus qui permettent cette respiration démocratique vivent au quotidien la pression financière sur leurs faibles budgets. Alors j'ai aussi entendu des maires s'excuser, évoquer les problèmes qu'ils rencontreraient s'ils donnaient leur signature. Leur cœur leur dit de nous soutenir, mais ils ont peur des conséquences. Pour parler vulgairement, ça leur prend la tête !

Le respect que nous leur devons ne consisterait-il pas plutôt à les soulager de cette pression ? D'autant qu'ils n'ont pas été élus pour cela : personne ne s'est présenté devant les habitants de sa ville en annonçant à l'avance à qui il donnerait sa signature !

Je reviens à l'argument de Pacôme Rupin selon lequel ce texte arrive trop tard. À deux reprises déjà, la loi a été modifiée peu de temps avant le scrutin : je pense à la loi organique du 25 avril 2016, qui organisait la publicité des parrainages des élus locaux, et à la loi organique du 28 février 2012, relative au remboursement des dépenses de campagne – rien moins que secondaire.

Blandine Brocard a expliqué que jusqu'en 1976, les candidats devaient réunir seulement 100 parrainages d'élus. Le système a donc été changé et la barre relevée, ce qui a renforcé selon moi les difficultés. Les collègues qui s'indignent de ce que, grâce au système que nous proposons, certains candidats puissent désormais se présenter, devraient prendre l'affaire avec plus de sérieux.

Je veux répondre ici à Christophe Euzet qui, dans un style haut en couleurs, a tenu à adresser quelques gentillesses à Jean-Luc Mélenchon. Je ne doute pas qu'en retour, il vous salue avec la même chaleur, cher collègue… Vous avez souligné sa longévité, je le prends comme un hommage à son endroit car c'est une qualité en politique – ne vaut-il pas mieux faire confiance à des gens qui mènent des combats depuis des années plutôt qu'à des personnages tout juste apparus sur la scène politique ?

Si vous connaissiez bien le parcours de Jean-Luc Mélenchon, vous sauriez qu'alors que vous étiez encore étudiant, il avait déjà déposé un texte pour en finir avec la Ve République. Sans doute étiez-vous encore inattentif à son combat, vous pouvez aujourd'hui le rejoindre. Nous ne sommes pas dans des postures politiques, nous continuons de creuser un sillon. Ce texte est une pièce supplémentaire à la critique que nous dressons de ce système ultra-présidentiel.

Pascal Brindeau m'a peut-être mal compris et je m'excuse de ne pas avoir été suffisamment clair : le parrainage citoyen ne vient pas concurrencer le filtre des 500 signatures, lesquelles ont leur valeur, leur représentativité. Il s'agit d'un droit nouveau, qui permettrait aux citoyens de soutenir ceux qui ne se reconnaissent pas dans les partis traditionnels et dont ils considèrent qu'ils sont davantage en harmonie avec leurs convictions politiques. Les deux systèmes peuvent parfaitement coexister.

Comme Paul Molac, je trouve souhaitable qu'un homme tel que Jean Lassalle puisse continuer de représenter une certaine sensibilité politique et qu'à l'instar du patrimoine, des fromages ou des vins qu'il convient de préserver, il puisse encore figurer à la grande table démocratique qu'est la présidentielle, en y apportant la saveur particulière qui est la sienne.

C'est un droit nouveau que nous voulons donner au peuple. Il ne permettra pas de régler l'ensemble des problèmes, j'en suis bien conscient. Mais grâce au parrainage citoyen, des millions de concitoyens qui, à tort ou à raison – ce n'est pas à nous d'en juger –, ne se sentent pas représentés par les forces politiques dont nous émanons, estimeront que leur sensibilité est présente dans le débat démocratique. Cela invitera le peuple souverain à s'exprimer, plus nombreux, lors d'une élection aux incidences majeures sur son quotidien.

La Commission en vient à l'examen de l'article unique de la proposition de loi organique.

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Il est difficile de résister à l'envie de voir l'un de mes amendements adoptés par la majorité, mais étant favorable au débat, je préfère le retirer.

L'amendement est retiré.

La Commission rejette l'amendement CL10 du rapporteur, visant à corriger une erreur matérielle, puis l'amendement rédactionnel CL5 du rapporteur.

Elle en vient aux amendements CL3 et CL4 de Mme Emmanuelle Ménard.

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L'amendement CL3 propose un système mixte, associant aux parrainages citoyens ceux de 200 élus. Cela ne ferait pas reposer l'entière responsabilité du parrainage sur les élus, mais permettrait de continuer à bénéficier de leur expérience. L'amendement CL4 a pour objet d'étendre les délais de présentation des candidatures. En effet, il paraît difficile d'officialiser une candidature, en se prévalant de 150 000 signatures de citoyens, seulement six semaines avant le premier tour de l'élection. Ce délai est trop tardif, notamment pour les candidats qui auraient déjà engagé des dépenses de campagne et qui se verraient finalement dans l'incapacité de déposer les 150 000 signatures nécessaires.

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Notre dispositif n'oppose pas les 500 signatures d'élus à la voie du parrainage citoyen. Je ne suis donc pas favorable à l'amendement CL3.

L'amendement CL4 vise à ce que les présentations des citoyens soient transmises au Conseil constitutionnel six mois avant le premier tour, alors que nous proposons de nous en tenir au délai existant de six semaines. Votre proposition risquerait de créer une inégalité. J'y suis donc défavorable.

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À titre personnel, je soutiens l'amendement CL3, qui mêle le parrainage des élus à celui des citoyens. Vous dites que votre proposition laissait le choix entre l'un et l'autre, ce qui revient à mettre en concurrence, de facto, la légitimité des élus et celle du peuple. Fait-on le choix d'une démocratie représentative ou d'une démocratie directe et populaire ? C'est la question fondamentale. Vous êtes partisans d'une démocratie populaire totale. Pour ma part, je ne partage pas cette orientation philosophique. Le système mixte me semble de nature à répondre à votre objectif, qui vise à replacer le peuple au centre de la décision politique, à renouveler l'intérêt de nos concitoyens pour la politique et à accroître la participation.

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Je suis défavorable au système mixte, car il introduirait une forme d'iniquité entre les candidats, les uns recueillant exclusivement des parrainages d'élus, les autres uniquement des parrainages de citoyens. Il faut appliquer la même règle à tous, ce qui n'empêche pas de prévoir qu'ils devront présenter des parrainages émanant tant des élus que des citoyens. À défaut, certains candidats se singulariseraient par leur étiquette.

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Le système que je propose est véritablement mixte : il n'oppose pas les parrainages, ni ne les fait cohabiter. Il me semble intéressant de faire une place à la démarche citoyenne tout en laissant aux élus la possibilité d'accorder un parrainage.

Par ailleurs, le contrôle de 150 000 parrainages de citoyens prendrait beaucoup plus de temps que celui des 500 parrainages d'élus. C'est pourquoi je propose d'allonger les délais de présentation.

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Le système que vous proposez, monsieur Corbière, a un défaut principal : il mettrait en présence, d'un côté, les candidats des citoyens, et, de l'autre, ceux des élus. La proposition de madame Ménard, en introduisant deux conditions cumulatives – un candidat devrait atteindre un certain nombre de parrainages d'élus et de parrainages de citoyens – constitue une piste de réflexion intéressante sur la réforme globale du dispositif actuel. Cette évolution permettrait l'expression de citoyens non élus, éventuellement non politisés, tout en garantissant le rôle des élus, conformément à la volonté du constituant. On n'adoptera pas ce texte car les délais sont trop courts, mais, dans le cadre de la réflexion que nous devons avoir sur le sujet, la proposition de madame Ménard est intéressante.

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Je ne mets pas en cause le fait qu'un candidat ayant réuni 500 signatures d'élus soit représentatif, mais ce système ne permet pas la représentation de certains courants de pensée. C'est pourquoi nous proposons une voie supplémentaire. Votre proposition est intéressante, mais elle exige 200 signatures d'élus : le soutien de 150 000 citoyens à une candidature ne suffirait pas. Je ne peux donc pas l'approuver complètement. Le dispositif des parrainages d'élus s'apparente aux listes de confiance sous le Consulat : on a le droit d'être élu à condition de faire partie d'un réservoir représentatif. Il ne s'agit pas d'opposer les deux systèmes mais il faut faire confiance au peuple : lorsqu'il se prononce par la voix de 150 000 de ses membres, il exprime quelque chose. Votre proposition constitue certes une petite avancée, dans la mesure où elle abaisse le nombre de parrainages d'élus requis, mais le dispositif que nous proposons est de nature à assurer une meilleure représentation des sensibilités politiques de notre pays.

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Chacun convient que les élus souffrent d'un manque de légitimité et qu'il faut prendre ce problème à bras-le-corps. Cela étant, vous dites que des courants de pensée doivent pouvoir s'exprimer à travers le suffrage. Or un courant de pensée n'a pas nécessairement un caractère politique. Le courant de pensée politique vise à rassembler un certain nombre d'idées pour construire un programme porteur pour tout le groupe social. Tous les courants de pensée n'ont pas vocation à être incarnés par l'élection de représentants. C'est pour cette raison que je suis en désaccord avec vous. Certes, ma prise de parole n'est pas moins fantaisiste que celle d'un autre mais elle a un objectif globalisant. Il s'agit de représenter le corps politique tout entier, et pas seulement un courant d'idées sur un sujet particulier.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l'amendement CL6 du rapporteur.

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Cet amendement a pour objet de relever le seuil de représentativité nationale de trente à cinquante départements. C'est une manière de répondre à Éric Diard, qui se demandait comment éviter des candidatures qu'il nomme « communautaires » – terme qui pourrait d'ailleurs être discuté. En outre, monsieur Euzet, si un candidat est soutenu par des citoyens dans au moins cinquante départements, cela démontre qu'il a un projet politique global.

La Commission rejette l'amendement.

Elle en vient aux amendements CL7 du rapporteur et CL1 de Mme Marie-France Lorho, en discussion commune.

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Cet amendement a pour objet de corriger ce qui me semble être une petite erreur formelle. En effet, le texte a pour objet de compléter le parrainage des élus prévu par l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 par un parrainage citoyen. La règle des 5 % prévue à l'alinéa 2 de la proposition de loi a vocation à s'appliquer au parrainage citoyen et non au parrainage des élus. Il convient donc de supprimer la référence aux élus, ces derniers n'étant pas concernés par le texte, et de la remplacer par une référence aux citoyens inscrits sur les listes électorales, ce qui correspond à l'esprit de la proposition de loi.

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C'est tout à fait juste, mais nous proposons de reformuler cette disposition par notre amendement CL7. Je vous demande de retirer votre amendement au profit de cette rédaction.

L'amendement CL1 est retiré.

La Commission rejette l'amendement CL7.

La Commission rejette l'amendement rédactionnel CL8 du rapporteur.

Puis elle rejette l'amendement de clarification CL11 du rapporteur.

Elle examine ensuite l'amendement CL9 du rapporteur.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article unique.

En conséquence, l'ensemble de la proposition de loi organique est rejeté.

La Commission examine la proposition de loi visant à instaurer la proportionnelle intégrale au scrutin législatif (n° 4013) (M. Jean-Luc Mélenchon, rapporteur).

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Je rappelle que M. Alexis Corbière supplée M. Jean-Luc Mélenchon dans les fonctions de rapporteur.

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Le 6 mai prochain, nous présenterons en séance publique ce texte, qui répond à la même préoccupation que la proposition de loi organique que nous venons d'examiner. À un an de l'élection présidentielle de 2022, il nous a semblé essentiel d'engager le débat sur ces deux textes majeurs, qui ont directement trait à la vie de nos institutions. Ces propositions de loi se veulent des outils au service de la participation populaire, dans un contexte marqué par une abstention massive, symptôme d'une résignation grandissante des citoyens, trop longtemps tenus à l'écart de la vie publique, faute de bénéficier d'une juste représentation de leurs idées. Je regrette que la première d'entre elles, portant sur la procédure des parrainages à l'élection présidentielle, ait été rejetée, alors que son objectif – ouvrir les modalités d'accès à l'élection présidentielle à tous les courants significatifs de la vie politique – aurait pu nous réunir.

Je forme le vœu que le second texte, que j'ai l'honneur de présenter au nom de Jean-Luc Mélenchon, connaîtra un sort différent et recueillera un avis favorable, d'autant plus qu'il s'inspire d'une promesse présidentielle et que cette réforme recueille le soutien de nombreux députés et groupes parlementaires. En effet, la proposition de loi que nous examinons vise à instaurer la proportionnelle intégrale au scrutin législatif. Comme nous le savons – mais peut-être est-il nécessaire de le rappeler, pour ceux qui suivent nos débats d'un peu plus loin –, le code électoral prévoit l'élection des députés, tous les cinq ans, au scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans l'ensemble du territoire français et dans le monde entier, au sein de 577 circonscriptions. La victoire est acquise dès le premier tour au candidat obtenant la majorité absolue des suffrages. Dans le cas contraire, elle l'est au second tour pour celui qui recueille une majorité, même relative.

Partons d'un constat simple : ce mode de scrutin est particulièrement injuste, en ce qu'il contribue à des logiques d'élimination et de vote utile qui nuisent à une représentation équilibrée de l'ensemble des courants politiques. Il prive des millions de nos concitoyens d'une représentation politique fidèle à leurs idées. Lors des dernières élections législatives, en 2017, le parti majoritaire a obtenu 28 % des suffrages exprimés au premier tour mais détient aujourd'hui plus de la moitié des sièges. À l'inverse, La France insoumise a recueilli 11 % des voix, alors que notre groupe parlementaire ne compte que 17 sièges – soit moins de 3 % du nombre total des députés – à peine au-dessus du seuil des 15 députés permettant la création d'un groupe. Dans le même ordre d'idées, même si je le déplore, en raison du combat idéologique permanent que nous menons contre lui, le Front national – devenu depuis lors le Rassemblement national – avait obtenu, quant à lui, plus de 13 % des suffrages ; pourtant, il ne dispose que de 1,39 % des sièges et n'a même pas assez d'élus pour former un groupe parlementaire.

Depuis 2002, l'inversion du calendrier électoral amplifie l'injustice de ce mode de scrutin en érigeant les élections législatives en voiture-balai, si je puis dire, de l'élection du Président de la République. L'élection des députés conforte une dynamique ultra-présidentielle et, partant, une personnification doublée d'une concentration des pouvoirs. Je voudrais rappeler à ceux de nos collègues qui n'en sont pas convaincus que, pour la plupart d'entre eux, ils ont été élus en apposant la photographie du candidat à l'élection présidentielle à côté de la leur. Cela démontre que l'élection du député est de plus en plus liée à l'élection présidentielle.

Ces failles du scrutin majoritaire ne sont pas nouvelles. Plusieurs pays en ont pris acte dès le XIXe siècle en introduisant la proportionnelle dans les scrutins électoraux. En 1855, le Danemark était le premier pays au monde à imposer ce type de scrutin pour l'élection de sa chambre haute. La Belgique l'a suivi en 1899 pour l'élection des députés. Aujourd'hui, plus de vingt-et-un pays de l'Union européenne recourent au scrutin proportionnel, et cinq autres ont adopté un système mixte, c'est-à-dire associant des éléments du scrutin majoritaire et du scrutin proportionnel. Pour autant, que l'on sache, ces pays ne sont pas gangrenés par ce qu'on appelle l'« instabilité institutionnelle » – ce concept mériterait d'ailleurs d'être discuté, car il est parfois l'expression de la souveraineté. Ils ne sont pas gagnés par un chaos particulier. Du moins, les difficultés qu'ils peuvent rencontrer ne sont pas liées au système institutionnel mais à des problèmes politiques internes. Leur architecture institutionnelle repose sur un équilibre entre le respect du Parlement et une représentation plus fidèle des opinions politiques et de leurs citoyens.

Tel n'est pas le cas en France. Notre pays fait figure d'exception, puisqu'il est le seul à recourir au scrutin uninominal majoritaire quand tous ses voisins, à l'exception du Royaume-Uni, ont fait un choix inverse. En examinant l'histoire des grands débats institutionnels du siècle passé, on constate pourtant que l'idée proportionnaliste est loin d'être un concept neuf dans notre pays. Nos débats sont le fruit d'un long cheminement. Au début du XXe siècle, sous la houlette des républicains, apparaît la Ligue pour la représentation proportionnelle qui militait pour l'instauration de ce mode de scrutin. Quelques années auparavant, en 1875, le député républicain de la Seine Charles Pernolet déposait la première proposition de loi en faveur d'un scrutin proportionnel, défendant « la représentation proportionnelle de toutes les opinions et de tous les intérêts substitués à la représentation exclusive de la moitié des votants plus un, souvent même du tiers seulement ».

Avant la Première guerre mondiale, un large consensus transpartisan s'était formé en faveur de la représentation proportionnelle, qui rassemblait à la fois des socialistes, la gauche du parti radical, mais aussi la droite républicaine et les chrétiens-démocrates. Pourtant, jusqu'en 1986, la France a eu recours seulement à deux reprises à cette modalité d'exception. Pendant les soixante-dix ans de la IIIe République, la représentation proportionnelle a été expérimentée entre 1919 et 1928 dans le cadre d'un scrutin mixte de listes plurinominales à un tour. Sous la IVe République, un scrutin proportionnel dans des circonscriptions départementales était prévu dès sa promulgation, en 1946, mais il a été significativement réformé en 1951.

Dans les deux cas, l'instabilité du régime politique ne peut être sérieusement attribuée à ce mode de scrutin. Pour ne donner qu'un exemple, entre 1928 et 1940, soit en l'espace de douze ans, la France a compté vingt-huit gouvernements successifs et ce, malgré le recours au scrutin majoritaire. La brève expérimentation de la représentation proportionnelle dans notre histoire ne s'est donc pas interrompue du fait des conséquences néfastes qu'elle produirait sur notre système politique. Elle s'est à chaque fois heurtée aux intérêts électoraux des grands partis, qui ont préféré rétablir la logique majoritaire qui leur était favorable au détriment d'une meilleure représentation des électeurs au Parlement.

Sous la Ve République, un scrutin à la représentation proportionnelle intégrale, avec un seuil de 5 % des suffrages exprimés, n'a été instauré qu'une seule fois, pour les élections législatives de 1986. Contrairement à ce que craignaient ses détracteurs – ils étaient nombreux, et se sont fait entendre –, elle n'a pas entraîné d'instabilité. Au contraire, elle a permis à une majorité – de droite, à l'époque – d'arriver au pouvoir dans le cadre d'une coalition de partis. Si la proportionnelle intégrale avait été appliquée en 2017, les résultats des élections législatives auraient été très différents, sans que cela n'occasionne une dispersion trop importante de l'offre électorale. Le groupe majoritaire aurait recueilli une majorité relative et aurait dû travailler à la construction de coalitions pour appliquer sa politique, comme c'est le cas dans de nombreux pays européens ayant adopté une forme de scrutin proportionnel. Son approche et sa pratique auraient été plus consensuelles et, surtout, la distribution des sièges aurait été plus conforme à la volonté des électeurs, qui est souveraine.

Ces débats ne se sont pas arrêtés en 1988, lorsque la majorité de droite a souhaité mettre un terme à la proportionnelle. Sous la précédente législature, les députés membres du groupe de travail Winock-Bartolone sur l'avenir des institutions ont ainsi recommandé l'instillation d'une dose de proportionnelle, voire l'instauration d'un scrutin mixte. Ils ont en effet estimé que les modalités actuelles de scrutin étaient non seulement injustes mais aussi responsables d'un bipartisme – ou d'un simili-bipartisme – qu'elles ont ancré dans notre vie politique. Dès le début de son mandat, et à peine quelques semaines après les dernières élections législatives, le Président de la République lui-même a partagé ce constat. Devant la représentation nationale, réunie en Congrès à Versailles, vous vous en souvenez peut-être…

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Je n'y étais pas, cher collègue, mais vous, vous y étiez, et vous avez applaudi ! Le Président, disais-je, a déclaré : « La représentativité reste toutefois un combat inachevé dans notre pays. Je souhaite le mener avec vous résolument. Je proposerai ainsi que le Parlement soit élu avec une dose de proportionnelle » – applaudissements nourris de M. Sacha Houlié (Sourires) – « pour que toutes les sensibilités y soient justement représentées » – applaudissements encore plus enthousiastes de M. Sacha Houlié, et de quelques autres…

Cette réflexion a été relancée il y a quelques semaines par plusieurs responsables de formations politiques, dont le président Jean-Luc Mélenchon. Si nous partageons le constat du chef de l'État, nous nous distinguons fondamentalement de la position présidentielle en ce que nous estimons que l'application d'une simple mesure cosmétique, qui consisterait à favoriser l'entrée de deux ou trois élus d'opposition en plus au Parlement, ne permettrait pas de résoudre la profonde crise de confiance qui fragilise l'action publique. Nous considérons qu'il faut aller au-delà d'une simple dose de proportionnelle et en revenir au système électoral de 1986, et donc instaurer un scrutin proportionnel intégral à la plus forte moyenne. Tel est l'objet du texte soumis au débat ce matin.

En votant cette proposition de loi, vous adresseriez un premier signal fort aux électeurs, de plus en plus nombreux – nous venons d'en parler – à se détourner des urnes, alors que le recours au scrutin proportionnel s'est traduit, en 1986, par une forte augmentation de la participation. L'abstention aux élections législatives augmente à chaque nouveau scrutin depuis 1988, à l'exception d'un léger rebond en 1993. Je rappelle qu'en 1988, 30 % des électeurs s'étaient abstenus au second tour des législatives ; ils étaient plus de 57 % en 2017. Au second tour des élections législatives partielles organisées dans cinq circonscriptions, en septembre dernier, ce taux avoisinait, voire dépassait 80 %.

Cette abstention massive, symptôme d'institutions à bout de souffle, appelle une réponse commune du législateur : proposer un scrutin qui garantisse à chaque électeur la juste représentation ou la meilleure représentation de ses idées, et non leur écrasement au profit d'une logique majoritaire que je qualifierais d'anachronique, d'ultra-présidentialiste et dans laquelle nous voyons parfois l'expression de cette monarchie présidentielle que nous combattons. C'est la condition pour que l'expression du peuple souverain soit pleinement respectée.

Nous n'avons plus beaucoup de temps : aux termes de l'article L. 567-1 A du code électoral, cette proposition de loi doit en effet être adoptée au moins un an avant le premier tour des élections législatives de 2022. Alors que le rééquilibrage des pouvoirs publics constitutionnels est un impératif démocratique et que ce texte reprend clés en main le dispositif qui a été adopté en 1985 et appliqué l'année suivante, je m'étonne, avec les autres députés de mon groupe, que le Gouvernement n'ait pas souhaité avoir recours à la procédure accélérée, comme il le fait pourtant si souvent, afin de garantir l'adoption de la proposition de loi dans les meilleurs délais. Le groupe parlementaire La France insoumise reste optimiste : cette proposition de loi peut encore être discutée dans le délai imparti, et ses dispositions peuvent être promulguées dans quelques semaines, si la majorité et le Gouvernement s'en saisissent.

Il s'agit sans doute de la dernière occasion sous cette législature d'appliquer une réforme voulue par de nombreux citoyens et élus et, pour le groupe majoritaire, de garantir le respect de la parole du chef de l'État. Ce cher Sacha Houlié y sera certainement sensible ! (Sourires.) Je ne voudrais pas être le seul à défendre la proposition d'Emmanuel Macron – ce serait fâcheux ! –, qui s'était solennellement engagé devant les parlementaires à réformer ce mode de scrutin. Je vous sais conscients de l'urgence démocratique dans laquelle s'inscrit cette proposition de loi, et des attentes fortes des électeurs. J'espère que vous saisirez cette main tendue et voterez le texte afin d'éviter une nouvelle déception, et pour ne pas transformer nos échanges en une dernière occasion manquée.

Chers collègues, je pense sincèrement qu'il s'agit d'un enjeu fondamental. Ce sujet ne peut demeurer dans l'angle mort de notre réflexion ni de notre action. Nous aimons notre pays et, quels que soient nos programmes, nous ne pouvons pas accepter qu'une grande majorité de nos concitoyens ne se déplacent plus pour voter et ne se sentent pas représentés. C'est l'idée même de la République qui est en jeu.

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Le débat relatif au mode de scrutin – majoritaire ou proportionnel – est ancien, et peut-être aussi vieux que la République, comme l'a rappelé monsieur le rapporteur. Pour notre part, nous en parlons depuis le début de la législature. En 2017, le Président de la République Emmanuel Macron nous a fait part, lors de la réunion du Congrès à Versailles, de sa volonté de garantir une meilleure efficacité et une représentativité accrue du Parlement. Conformément à l'engagement présidentiel, le Premier ministre de l'époque Édouard Philippe a présenté, au début de l'été 2018, un projet de réforme institutionnelle contenant trois mesures fortes, plébiscitées par les Français : la réduction du nombre de parlementaires, la limitation du cumul des mandats dans le temps, tant pour les parlementaires que pour les élus locaux, et l'élection de 15 % des députés au scrutin proportionnel, sur des listes nationales. L'élection de soixante-et-un députés à la représentation proportionnelle devait assurer une meilleure représentation parlementaire des différentes sensibilités politiques de notre pays. Nous estimons en effet que ce n'est pas en empêchant une formation politique d'extrême-droite de constituer un groupe à l'Assemblée nationale que nous lutterons durablement contre la montée de l'extrémisme et du populisme en France, mais plutôt en déconstruisant son idéologie par la force du débat dans l'hémicycle.

Malheureusement, cette réforme ne put être débattue, et encore moins votée, car, à la suite de ce qu'on a appelé « l'affaire Benalla », l'ensemble des oppositions parlementaires se sont livrées à une obstruction massive et quasiment sans précédent, obligeant le Gouvernement à retirer son projet de loi. En 2019, ce fut au tour du Sénat de refuser d'avancer sur la réforme institutionnelle.

Plus récemment, nous avons évoqué la question de la proportionnelle au sein de notre commission avec M. Jean-Louis Debré, ancien président de l'Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel. Très défavorable à la proportionnelle, Jean-Louis Debré a considéré que l'objet d'un mode de scrutin n'est pas de donner une photographie de l'opinion publique. Si c'était le cas, a-t-il ajouté, la proportionnelle serait tout indiquée, mais il faudrait alors tenir des élections chaque année pour suivre la tendance de l'opinion publique. Il a dénoncé le risque d'instabilité, en prenant pour exemples les crises parlementaires et gouvernementales qui se sont succédé sous la IVe République. En se référant à l'esprit qui a caractérisé l'action de rénovation de nos institutions entreprise par le général de Gaulle en 1958 et consacrée par la promulgation de la Constitution de la Ve République, il a estimé qu'il fallait un scrutin majoritaire pour dégager une majorité stable, qui apporte son soutien à un gouvernement et lui permet de gouverner. Le politologue Maurice Duverger affirmait, lui aussi, qu'un bon système électoral n'est pas un appareil photographique, mais plutôt un transformateur qui doit changer en décisions politiques les préférences énoncées par les bulletins de vote. L'objet d'un mode de scrutin n'est pas d'assurer une stricte représentation des diverses tendances politiques, mais de permettre la constitution d'une majorité capable de s'entendre pour permettre à un gouvernement d'agir.

La proportionnelle intégrale, telle que vous la présentez, monsieur le rapporteur, c'est le scrutin de l'instabilité. Regardons l'Italie, avec son système mixte, où 61 % des députés sont élus au scrutin proportionnel, quand les autres le sont au scrutin uninominal majoritaire à un tour. La constitution d'une majorité forte y est, à chaque scrutin, une gageure. En découle l'instabilité gouvernementale, constante dans ce pays depuis des décennies, illustrée ces dernières années par l'alternance entre gouvernements populistes et techniques. Et encore s'agit-il d'un système mixte, et non de la proportionnelle intégrale telle que la proposent les députés de La France insoumise.

Par ailleurs, le scrutin majoritaire uninominal permet d'avoir des députés ancrés dans un territoire, y vivant, y travaillant et devant rendre compte à leurs administrés. L'électeur est plus enclin à rencontrer, questionner le candidat auquel il accorde son suffrage. Ce n'est pas le cas avec la proportionnelle. La proportionnelle intégrale consacrerait un rôle excessif des partis, et la constitution des listes serait décidée par les états-majors dans les antichambres du pouvoir. Ce serait la prime aux apparatchiks. En 1986, Dominique Strauss-Kahn, imposé par la direction nationale du Parti socialiste (PS) contre l'avis des militants locaux, était élu député de Haute-Savoie à la proportionnelle. Deux ans plus tard, il deviendra député du Val-d'Oise, bien loin des alpages savoyards.

Le scrutin majoritaire permet de dégager une majorité claire, élue dès le soir du second tour, tandis que, dans le cadre de la proportionnelle, si aucun parti n'obtient la majorité des sièges – objectif quasi irréalisable –, le jeu des alliances et des combinazione en tout genre se déploie. Raymond Barre affirmait, en 1977 : « Je ne crois pas qu'il faille faire du mode de scrutin un élément fondamental des institutions de la Ve République » – je le rappelle en particulier à l'attention de nos amis centristes, M. Barre ayant longtemps siégé au sein du groupe UDF, au côté de François Bayrou.

En cette période difficile, les Français ont d'autres préoccupations que la modification du mode de scrutin ; ils attendent autre chose de leurs représentants dans les derniers mois de la législature. Je serais, pour ma part, très mal à l'aise de voter cette réforme alors que nous vivons une crise exceptionnelle, à la fois sanitaire, sociale et économique.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en Marche est défavorable à cette proposition de loi. Cela étant, nous reviendrons devant les Français, comme l'ont indiqué les présidents des groupes de la majorité parlementaire, le 17 mars dernier, avec une réforme institutionnelle prévoyant l'introduction d'une part de proportionnelle, mais aussi la limitation du cumul des mandats dans le temps et le renforcement du poids des parlementaires, grâce au rééquilibrage des pouvoirs exécutif et législatif.

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Après avoir écouté l'orateur de La République en Marche, je comprends que cette question fera l'objet d'un débat interne au groupe majoritaire. Pour sa part, le groupe Les Républicains a une ligne très claire : que la proposition émane du groupe majoritaire, du MoDem ou de La France insoumise, nous y sommes opposés. En effet, nous tenons aux équilibres construits sous la Ve République de Michel Debré et du général de Gaulle, et à la capacité du député à être un élu de terrain, en prise avec les réalités concrètes. Nous voulons éviter que, par la nature du mode de scrutin proportionnel, il se retrouve complètement déconnecté des réalités vécues par les Français.

Il est vrai que la fonction du député a beaucoup changé sous l'effet de la succession récente des réformes. Je pense notamment à celle qui s'applique à nous pour la première fois, à savoir la fin du cumul des mandats. Cette dernière a profondément modifié la manière dont nous construisons nos relations avec le territoire, avec les réalités quotidiennes, et la perception que nous en avons. Cette décision aura sans doute des conséquences plus fortes que celles qui pourraient résulter de n'importe quel changement du mode de scrutin. Nous avons une réflexion à mener sur la place du député dans son territoire, les outils dont le député dispose pour établir les liens avec sa circonscription et y conduire son action.

Instaurer le scrutin proportionnel irait à l'encontre de l'objectif que nous devons viser, à savoir rapprocher les députés de leur territoire. J'ai été élu dans un département qui compte six députés. Si, demain, nous adoptions le scrutin proportionnel à l'échelle du département, il y a fort à parier que cela renforcerait les jeux d'appareils, l'influence des apparatchiks, et que cela conduirait à des parachutages dans certaines circonscriptions, en particulier celles qui sont favorables électoralement. Par son ADN, mon territoire rejette de telles méthodes. On assisterait forcément à une concentration des candidatures dans les grands pôles urbains, qui représentent beaucoup de voix, plutôt que dans les territoires plus éloignés. Or, ces derniers sont confrontés à des problématiques qui méritent de recueillir l'attention des parlementaires, lesquels doivent intervenir pour porter certains sujets à la connaissance des ministères et des administrations centrales. Les députés sont souvent les élus les mieux placés pour faire avancer ce type de dossiers. Certaines questions pourraient être ignorées ou oubliées par des parlementaires élus au scrutin de liste, même départemental – je pourrais vous dresser une liste longue comme le bras de ce type de sujets dans ma circonscription. On risquerait de ne traiter que deux ou trois grands thèmes, au détriment des dossiers concernant les entreprises, les associations, les infrastructures, l'aménagement, qui nécessitent des interventions législatives.

Nous devons donc travailler, à rebours de l'instauration de la proportionnelle, sur les outils dont disposent les députés pour rester connectés au terrain. La proportionnelle nous éloignerait, nous enfermerait dans l'entre-soi, dans des débats idéologiques très éloignés des préoccupations des Français. Elle accentuerait, contrairement à ce que vous prétendez, monsieur le rapporteur, la dépendance des élus à leur parti politique. Le critère déterminant ne serait pas la capacité à régler les problèmes des Français, mais la fidélité et la loyauté aux groupes et aux partis politiques. C'est l'inverse de ce dont nous avons besoin, à savoir de députés libres, forts, ancrés territorialement, à même d'exprimer clairement la voix de leurs concitoyens, y compris quand ils doivent, pour ce faire, contredire la position de leur groupe parlementaire ou de leur parti.

Le groupe Les Républicains sera, de manière constante, opposé à cette réforme, qu'elle émane de La France insoumise, du MoDem ou de la République en marche.

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Le fonctionnement de notre démocratie et de nos institutions est en souffrance : ce constat est largement partagé par les élus et, surtout, par les Français. Nos compatriotes voudraient se sentir vraiment représentés. Or pour instaurer une juste représentation, il faut instaurer la proportionnelle aux élections législatives. C'est un objectif largement partagé par les Français, comme j'ai pu le constater lors du Grand débat national.

Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés souhaite de longue date que soit réintroduite la proportionnelle. Ce mode de scrutin n'a été appliqué qu'aux élections législatives de 1986. Quelques mois plus tard, l'une des premières initiatives du Premier ministre nouvellement nommé, Jacques Chirac, a consisté à rétablir le scrutin majoritaire, toujours en vigueur.

J'avais rejoint le Mouvement démocrate dès 2007, en raison, entre autres, de sa volonté de redonner tout son éclat et toute sa vitalité à notre système démocratique, de son ambition d'œuvrer à l'indispensable modernisation du fonctionnement de nos institutions. Nous en aurions particulièrement besoin en cette période de crise sanitaire, où notre démocratie est mise à rude épreuve.

La proportionnelle semble être un serpent de mer politique. Elle a figuré dans les programmes de plusieurs candidats à l'élection présidentielle, notamment dans ceux de deux candidats élus, Nicolas Sarkozy et François Hollande, qui n'ont pas traduit leur promesse de campagne dans le code électoral. Emmanuel Macron a souhaité, à son tour, « que le Parlement soit élu avec une dose de proportionnelle pour que toutes les sensibilités y soient justement représentées ».

Cette conviction, défendue par mon groupe, vise principalement à assurer une représentation politique des Français la plus juste et la plus fidèle possible. Il s'agit de faire en sorte que notre assemblée soit le miroir de la nation. Sans cela, nos concitoyens ont le sentiment de vivre une sorte de trahison représentative, et je les comprends. Scrutin après scrutin, nous voyons s'amplifier la désaffection des Français pour les consultations électorales et, plus largement, pour nos institutions démocratiques. L'abstention et la défiance sont les fossoyeurs de notre démocratie. Pour ma part, je refuse de rester les bras croisés lorsque je vois mes concitoyens se détourner de nos institutions. Le scrutin proportionnel n'est évidemment pas la seule solution à ce problème, mais il constitue un levier d'une puissance considérable.

Je sais que cette mesure suscite des inquiétudes – certaines ont d'ailleurs déjà été exprimées. La première crainte découle des élections législatives de 1986, qui ont vu l'entrée de l'extrême-droite à l'Assemblée nationale. Cependant, je crois profondément à l'intelligence de nos concitoyens et je leur fais confiance quant aux choix qu'ils seront amenés à faire. Plus encore, je préfère de très loin que le débat se déroule au sein de notre hémicycle, plutôt que de voir certains alimenter le ressentiment des Français en courant sur les plateaux des chaînes d'information en continu sans réaliser le travail sérieux et concret que nous menons à l'Assemblée nationale. La deuxième inquiétude porte sur l'absence de majorité qui découlerait de ce mode de scrutin. Au contraire, le scrutin proportionnel vise aussi à renforcer la légitimité de notre Parlement et à maintenir la stabilité du régime de la Ve République – vous l'avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, en évoquant les législatives de 1986.

Nous ne pouvons pas nous satisfaire de la crise de légitimité de la représentation dont souffre notre assemblée et qui fragilise notre démocratie. Contrairement à ce qu'a expliqué M. Rudigoz, les modes de scrutin pratiqués ailleurs en Europe ont démontré l'efficacité de la proportionnelle, car la formation de coalitions et le travail mené en commun par différents partis ne peuvent que renforcer les régimes politiques. Il est grand temps que notre pays s'engage à son tour dans cette direction – il y est largement prêt.

Certains prétendent que les conditions de la mise en œuvre d'une telle réforme ne seraient pas réunies. Il est évident qu'il n'y aura pas de moment naturellement propice : ce moment viendra lorsque nous l'aurons décidé. La crise sanitaire ne nous dispense pas des exigences démocratiques quant à la représentation de nos concitoyens, bien au contraire.

Le président de notre groupe, Patrick Mignola, a déposé au début de l'année une proposition de loi relative au scrutin législatif à la proportionnelle intégrale, ainsi qu'une autre proposition de loi visant à introduire une dose de proportionnelle lors des élections législatives. Au mois de janvier, le MoDem a également publié un livre blanc dans lequel il recommande le retour du scrutin de liste proportionnel pour les élections législatives. Vous le savez, nous sommes particulièrement mobilisés sur ce sujet, depuis très longtemps. Nous devons en débattre et avancer ; cette proposition de loi nous en donne aujourd'hui l'occasion. Aussi, fidèles aux valeurs que nous défendons depuis tant d'années et à notre volonté de donner à notre assemblée le vrai visage politique de la France et des Français, nous voterons en faveur de ce texte.

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Dans ce monde nouveau, face aux défis majeurs auxquels nous sommes confrontés, comment pouvons-nous œuvrer collectivement ? C'est la question à laquelle le groupe La France insoumise a tenté de répondre dans le cadre des deux propositions de loi que nous examinons ce matin. Nous ne pouvons que partager cette ambition. Pour ma part, je considère que les réformes institutionnelles peuvent contribuer à ce travail collectif. Je remercie donc nos collègues d'avoir inscrit ces deux textes à l'ordre du jour : cela nous permet de débattre de la question des institutions, qui est loin d'être secondaire. On ne peut pas considérer que seuls l'économique et le social sont susceptibles de susciter l'intérêt de nos concitoyens. Les institutions sont notre patrimoine : elles ne doivent pas organiser la confiscation, mais le partage du pouvoir. « L'un des moyens fondamentaux pour que les citoyens s'intéressent à nouveau à un jeu auquel ils ne croient plus, c'est de leur donner la possibilité d'en récrire au moins partiellement les règles », disait Michaël Foessel en novembre 2014, dans le cadre du groupe de travail sur l'avenir des institutions coprésidé par Michel Winock et Claude Bartolone, auquel j'ai également participé.

La volonté de restaurer le lien entre les citoyens et leurs représentants ne peut sans doute pas aller jusqu'à la constitution d'assemblées miroirs, dont la composition refléterait la société. Nous devons certes nous interroger sur certains écarts très profonds, qu'il convient de combler en adoptant des dispositions favorisant la parité ou même en révisant la Constitution. Mais je ne suis pas sûre que les dispositifs proposés permettent d'aller dans ce sens – bien au contraire.

Il faut renouveler les élus et diversifier les profils : c'est aussi votre préoccupation, monsieur le rapporteur, et nous sommes évidemment d'accord avec vous à ce sujet. On aurait d'ailleurs pu imaginer un lien entre la participation citoyenne, que vous entendiez encourager dans votre première proposition de loi, et la proportionnelle intégrale, que vous proposez maintenant d'instaurer, car ces deux réformes poursuivent le même objectif.

Il n'y a pas de corrélation entre l'instabilité gouvernementale et le scrutin proportionnel – il faut le dire, car l'argument a souvent été utilisé pour s'opposer à l'instauration de ce mode de scrutin. Il faut également souligner que le scrutin proportionnel favorise l'élection de députés appartenant à des formations politiques plus extrémistes, alors que l'exclusion de ces partis nourrit la défiance envers le système institutionnel. Le scrutin de liste permet aussi, sans doute, une meilleure représentation des femmes. Cependant, l'idée d'instaurer la proportionnelle intégrale pour répondre à la crise démocratique, à un moment où l'image des partis est très dégradée, nous semble déconcertante. En effet, les listes seraient établies par des partis qui ne bénéficient pas de la confiance des citoyens. Nous pouvons d'ailleurs tous constater que le mode de scrutin utilisé lors des élections régionales ne favorise pas l'ancrage territorial des élus régionaux. Ce souhait d'une meilleure représentation de la société à l'Assemblée nationale, que nous partageons, nous semble pouvoir être réalisé par d'autres voies.

Vous l'avez compris, nous écartons l'idée d'une proportionnelle intégrale, parce que ce n'est plus le moment de l'imaginer. Pour atteindre le même objectif, d'autres réformes nous semblent majeures. Dans le cadre d'un renforcement du statut de l'élu – un autre serpent de mer –, il conviendrait peut-être de réfléchir au devenir de l'élu après son mandat. Je pense aussi au non-cumul des mandats : cette avancée importante favorise la diversité, mais il s'agit, à mon sens, d'une réforme inachevée, puisqu'elle a fait l'impasse sur l'action locale du député et sur son rôle essentiel de lien entre les niveaux national et local. Il faut également valoriser l'action publique dans les associations, car la démocratie ne se joue pas seulement au Parlement et à l'Élysée. Une autre réforme fondamentale serait l'inversion du calendrier électoral ; la prééminence de l'élection présidentielle sur les élections législatives pose problème, et nous faisons amende honorable de cette erreur.

Je vous invite à relire les propositions du groupe de travail sur l'avenir des institutions coprésidé par Michel Winock et Claude Bartolone, dont vous avez bien voulu parler. Si nous sommes favorables à l'introduction d'une dose de proportionnelle, nous insistons sur le fait que cette solution ne serait que partielle et qu'elle ne permettrait pas, à elle seule, de résoudre la crise de la démocratie.

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Je remercie une nouvelle fois monsieur le rapporteur, qui a ouvert le débat sur un sujet encore plus important que celui dont nous avons discuté précédemment. Je vais immédiatement mettre fin au suspense : le groupe Agir ensemble est globalement opposé à cette proposition de loi, mais il la considère avec beaucoup d'attention.

Nous sommes véritablement confrontés, dans notre pays, à un problème de représentation, lié en tout ou partie à l'ampleur de l'abstention. Ce problème me paraît d'abord psychologique. Nous élisons en effet de nombreux représentants, qui siègent à l'échelle européenne, nationale – je pense aux députés et aux sénateurs –, régionale, départementale ou communale, sans parler des élus présents au sein des établissements publics de coopération intercommunale. Avec près de 620 000 élus, la France est d'ailleurs le pays dont le nombre de représentants par habitant est le plus important au monde. Aux élections européennes, régionales et communales, il existe déjà des mécanismes de scrutin proportionnel, avec un correctif majoritaire. Le problème est aussi sociologique, car la représentation des différentes catégories socio-professionnelles est déséquilibrée, mais cet obstacle est sans doute plus d'ordre éducatif qu'institutionnel. Comme vient de le dire Cécile Untermaier, la proximité de l'élection présidentielle et des élections législatives, la première précédant les secondes, pose un problème structurel. Raphaël Schellenberger a également évoqué un problème touchant au statut du député : la fonction des parlementaires, très mal comprise, mériterait de faire l'objet d'une réflexion plus globale. Enfin, il faut en convenir, il existe un problème lié au mode de scrutin lors des élections législatives, car l'ensemble des sensibilités politiques de notre pays ne sont pas représentées dans notre hémicycle.

La représentation proportionnelle a des vertus incontestables. Elle assure une meilleure représentation des nuances et des sensibilités politiques, ce qui permet une meilleure acceptation du système institutionnel. S'il n'est pas certain que ce mode de scrutin entraîne nécessairement une baisse de l'abstention, il favorise indéniablement la discussion et la construction de coalitions, ce qui peut avoir un certain intérêt. Dans le cadre d'un scrutin de liste, on vote plus pour un parti dont on se sent proche que pour des candidats que l'on veut faire gagner.

Il n'en demeure pas moins que le scrutin proportionnel pose un certain nombre de problèmes. Je ne m'inquiète pas du fait qu'il pourrait favoriser l'arrivée des extrêmes dans notre assemblée : si le vote des électeurs se porte sur les extrêmes, pourquoi ces derniers ne seraient-ils pas représentés ? Je ne crois pas non plus au risque d'émiettement de la représentation, puisque le système de représentation proportionnelle inexacte, par département, que vous proposez, écrase les petits partis. Par ailleurs, compte tenu des mécanismes du parlementarisme rationalisé que nous connaissons, il me semble tout à fait possible de gouverner avec une majorité plus morcelée. En revanche, je déplore la faiblesse du lien qui s'établit entre une liste et le corps électoral ; dans le contexte de défiance entre les partis politiques et les citoyens rappelé par Cécile Untermaier, le recours à des listes établies par des formations politiques très largement rejetées par les Français n'est probablement pas une bonne idée. En outre, ce mode de scrutin entraînerait la disparition des candidats individuels, puisque toute candidature devrait passer par le filtre des partis. Je ne reviens pas sur les effets de la représentation à la plus forte moyenne.

J'aimerais attraper la perche que vous nous tendez, monsieur le rapporteur, et vous proposer une position intermédiaire tenant compte des avantages et des inconvénients que je viens d'exposer. Ma solution, qui s'inspire du système mixte pratiqué notamment en Allemagne, consiste à élire la moitié des députés dans des circonscriptions, au scrutin uninominal majoritaire à deux tours – cela en ferait des élus de terrain, qui se sont présentés personnellement devant les électeurs –, tandis que la seconde moitié des sièges serait pourvue à la représentation proportionnelle, et dans un cadre régional afin de maintenir un rattachement territorial. Je vous invite à réfléchir à un tel dispositif.

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Avec cette deuxième proposition de loi, monsieur le rapporteur, vous continuez de remettre en cause l'équilibre et les principes qui fondent la Ve République – c'est d'ailleurs ce que vous avez expliqué vous-même au début de notre réunion. Vous appelez de vos vœux une nouvelle République, fondée sur une autre logique institutionnelle.

En proposant d'instaurer la proportionnelle intégrale, vous essayez de traiter deux questions.

Tout d'abord, vous tentez d'assurer une représentation plus juste des forces et sensibilités politiques au sein de l'Assemblée nationale. Or le problème n'est pas tant le mode de scrutin que la concordance, depuis l'instauration du quinquennat, entre l'élection présidentielle et les élections législatives : les secondes étant organisées immédiatement après la première, les députés de la majorité procèdent du Président de la République. Il en résulte une extrême faiblesse du Parlement, ou en tout cas une très grande dépendance de l'Assemblée nationale et de sa majorité au Président de la République. Nous voyons tous les jours, à l'occasion de l'examen de chaque projet de loi, que le Premier ministre et les ministres ne sont que les courroies de transmission des choix effectués par le Président de la République. En ajoutant l'hyper-centralisation et l'hyper-personnalisation de l'exercice du pouvoir – la pratique pourrait pourtant être différente, y compris dans notre cadre institutionnel actuel –, on arrive à la catastrophe que nous vivons aujourd'hui : l'Assemblée nationale est réduite à un rôle de bavardage, et non de décision, ce qui aggrave encore la déconnexion entre nos concitoyens et leurs représentants. Nous partageons donc votre constat, mais les mesures à prendre pour remédier au problème dépassent largement la question du mode de scrutin.

La deuxième question à laquelle vous essayez de répondre n'est pas d'ordre politique, mais sociologique : comment pouvons-nous faire en sorte que les élus ressemblent davantage à leurs concitoyens, et que ces derniers se sentent mieux représentés et retrouvent confiance dans la pratique démocratique ainsi que dans le processus électoral, ce qui nous permettrait de mieux lutter contre l'abstention ?

À l'UDI, nous sommes favorables à l'instauration d'une proportionnelle mixte. La proportionnelle intégrale présente en effet plusieurs inconvénients, même lorsqu'elle est appliquée à des circonscriptions départementales, comme cela avait été le cas en 1986, avec les résultats que l'on sait. Rappelez-vous qu'à l'époque, François Mitterrand avait choisi ce mode de scrutin par pur calcul politique – sa réélection en 1988 a montré qu'il avait gagné son pari.

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Il n'aura échappé à personne qu'un candidat pouvait faire une promesse électorale pour des raisons de tactique politique, et que ce genre de calcul pouvait aussi être fait par le candidat que vous soutenez, monsieur le rapporteur. En réalité, la proportionnelle intégrale a deux conséquences. D'une part, elle remet en cause l'attachement des députés à un territoire, en vertu d'un principe appliqué depuis la Révolution. D'autre part, elle entraîne l'élection d'apparatchiks dans une assemblée qui en compte déjà beaucoup trop.

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Voilà qu'est enfin organisé un débat parlementaire sur l'introduction de la proportionnelle aux élections législatives. Je dis « enfin » car, comme l'a dit notre excellent rapporteur, cette question est posée dans le débat public depuis longtemps. Avant l'élection présidentielle, on promet toujours de tout changer – on promet même un nouveau monde –, et on promet donc l'instauration de la proportionnelle comme gage de démocratisation de la Ve République, un régime qui s'éloigne, réforme après réforme, de l'idée de souveraineté populaire sur laquelle il est pourtant fondé.

La promesse de la proportionnelle fonctionne comme un piège à mouche pour ceux qui veulent un régime démocratique : oui, mais toujours plus tard. Les promesses des candidats Nicolas Sarkozy et François Hollande n'ont jamais été tenues. Quant au candidat Macron, le 4 octobre 2016, lors de son premier grand meeting à Strasbourg après sa démission du gouvernement, il présentait la réforme de notre mode de scrutin comme une « nécessité » – un « risque », peut-être, mais « il faut aller vers ce risque, parce qu'il est démocratique ». Voilà ce qu'il disait et, pour une fois, je l'approuve totalement. Le candidat Macron avait fait une proposition raisonnable – insuffisante, certes, mais qui allait dans le bon sens –, en promettant d'introduire « une dose de proportionnelle ». Aujourd'hui, nous n'avons plus le temps de redécouper des circonscriptions, et cette dose était, de toute manière, insuffisante : il faut donc instaurer la proportionnelle intégrale. C'est une proposition raisonnable. D'ailleurs, le président du groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés a déposé une proposition de loi relative au scrutin législatif à la proportionnelle intégrale, que j'approuve.

Notre système institutionnel est ainsi fait qu'un groupe parlementaire peut obtenir la majorité absolue des sièges en réunissant à peine 30 % des voix. En revanche, comme l'a dit notre rapporteur, le mouvement auquel j'appartiens a obtenu 11 % des voix mais moins de 3 % des sièges. Les majorités hégémoniques nuisent au débat parlementaire. Elles abaissent le Parlement, puisque le Gouvernement ne doit composer avec personne : le groupe majoritaire obéit, et l'Assemblée nationale se transforme en chambre d'enregistrement. L'inversion du calendrier électoral a achevé de subordonner l'Assemblée nationale au pouvoir exécutif. Un tel abaissement est dangereux pour la démocratie, puisque notre contre-pouvoir ne peut plus s'exercer – et comme il n'y en a quasiment pas d'autre dans notre pays, le monarque républicain règne en maître absolu, sinon de droit, du moins de fait.

En conséquence, personne ne croit plus vraiment que les élections législatives changent quelque chose. Plus grand monde ne sait à quoi sert, au juste, un député. Aussi, pourquoi se déplacer pour l'élire ? Le débat est asphyxié par l'injonction de donner une majorité au président tout juste élu. Les électeurs boudent les urnes : on tombe dans des abîmes d'abstention. La légitimité des élus est entamée d'autant. Moins de légitimité, moins de contre-pouvoirs : tout cela arrange fortement le Gouvernement.

Vous n'avez de cesse de vouloir lutter contre l'abstention. Le groupe La France insoumise vous donne une excellente occasion de le faire, en conférant au peuple le pouvoir de décider. Le scrutin proportionnel permettra d'avoir à l'Assemblée nationale une représentation plus fidèle du peuple politique, notre souverain ; cela forcera le Gouvernement à débattre, à convaincre, puisque les propositions qui ne reçoivent pas l'approbation du peuple pourront être rejetées par ses représentants. Notre République est malade de l'éloignement du peuple des décisions qui le concernent. La pratique du pouvoir donne à voir les caractéristiques d'une république bananière qui nous font honte.

Pour permettre le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, et tenir la promesse démocratique, la proportionnelle intégrale ne suffira évidemment pas, car l'équilibre de nos institutions a été rompu. Il faut refonder le peuple politique par la convocation d'une assemblée constituante. Seule la conclusion d'un nouveau contrat social sera à même de ramener véritablement aux urnes le peuple souverain. Sans cela, nous en sommes réduits à proposer d'améliorer des institutions mourantes et sclérosées. Depuis trois ans, le Président de la République contourne le Parlement par le recours aux ordonnances. Cela concerne près de 51 % des textes : jamais nous n'avions connu cela depuis la guerre d'Algérie, a déclaré Gérard Larcher. À lui aussi, je donne raison. C'est un signe qui ne trompe pas. La Ve République est venue de la guerre d'Algérie ; elle finira là où elle a commencé. Le contournement du Parlement par l'exécutif ne peut pas durer. Nous devons reprendre en main la dignité démocratique, en commençant par restaurer un Parlement digne de ce nom grâce à la proportionnelle intégrale. Ensuite, il faudra commencer à écrire une nouvelle Constitution pour une VIe République.

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L'instauration de la proportionnelle intégrale est une proposition que notre formation politique formule depuis de très nombreuses années. C'est donc en toute cohérence que notre groupe votera des deux mains cette proposition de loi.

Notre pays est confronté à un grand défi démocratique. Tout le monde s'accorde à le reconnaître, puisque cela fait quatre élections présidentielles que de nombreux candidats, de droite comme de gauche, introduisent dans leur programme une réforme de la représentation et du mode de scrutin. C'est un argument que les candidats utilisent pour se faire élire, même s'ils abandonnent toujours leur promesse après leur élection. Nous l'avons vu avec Nicolas Sarkozy comme avec François Hollande : il y a eu la commission Balladur, puis la commission Jospin, mais vous savez bien ce qu'il en est advenu. La même promesse a été faite par Emmanuel Macron, et elle avait encore plus de poids que lors des élections présidentielles précédentes puisque le candidat a fait campagne sur le thème de la rénovation de la vie politique ; il a inscrit noir sur blanc, dans le pacte signé avec François Bayrou, l'introduction de la proportionnelle aux élections législatives. Vous savez cependant le sort qu'il a réservé à cet engagement.

Je suis très surpris par les arguments du porte-parole du groupe majoritaire. J'aurais pu comprendre, monsieur Rudigoz, que vous expliquiez que vous souhaitiez cette réforme mais que ce n'était pas le moment ; or j'ai été stupéfié de vous entendre appeler à la rescousse tous les grognards de la Ve République – Jean-Louis Debré, Raymond Barre, Maurice Duverger – pour enterrer cette proposition de loi. Je pensais que la proportionnelle faisait toujours partie de votre projet, mais je suis bien obligé de constater que ce n'est plus le cas. Après quelques années d'exercice du pouvoir, vous faites comme tous les autres partis majoritaires.

Bastien Lachaud a rappelé que les promesses faites par les uns et les autres n'ont jamais été tenues. L'inversion du calendrier électoral pose également un certain nombre de problèmes. Raphaël Schellenberger a bien expliqué que le non-cumul des mandats change un peu la nature de la relation qu'un député entretient avec son territoire. Or la proportionnelle présente plusieurs avantages, au premier rang desquels la meilleure représentation de notre peuple. Le fait que 70 % des Français ne se considèrent pas représentés correctement pose un grand problème démocratique. Si cette proposition de loi n'est pas adoptée, nous terminerons la législature sans avoir voté aucune réforme de la vie démocratique de notre pays. Le mouvement des Gilets jaunes, qui a posé haut et fort la question de la représentation, n'aura pas été pris en compte.

Marie-George Buffet et moi avons été élus dans deux circonscriptions différentes de Seine-Saint-Denis, mais nous sommes avant tout députés de la Seine-Saint-Denis. Hier soir, lorsqu'une fillette a été blessée par balle à Pantin, j'ai été sollicité pour réagir à cette actualité, au même titre que les autres députés du département. C'est pourquoi je trouve important que le scrutin proportionnel soit organisé au niveau départemental, surtout à une époque où les régions sont devenues si grandes qu'elles n'ont plus de sens et que nos concitoyens ne s'y reconnaissent plus. Je déplore que ces régions prennent le pas sur les départements, qui restent un échelon territorial pertinent pour l'élection et la représentation démocratique.

J'entends dire que le scrutin proportionnel permettra à l'extrême-droite – ou, demain, à un autre courant de pensée qui nous inquiète – de participer au débat démocratique. Justement, l'expérience des dernières décennies montre que c'est en ostracisant ces formations politiques qu'on leur donne la possibilité de progresser. On ne fait pas baisser la fièvre en cassant le thermomètre !

Je termine en défendant une autre proposition relative à la représentation de notre peuple, à savoir le droit de vote des étrangers aux élections locales. Cette proposition connaît le même sort que la proportionnelle : certains promettent cette réforme lorsqu'ils sont en campagne, mais ils enterrent leur engagement lorsqu'ils sont au pouvoir. Ne vous étonnez pas que, demain, le réveil soit douloureux.

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J'ai remarqué que le rapporteur avait commis un lapsus : voulant parler d'une modalité d'élection, il a parlé d'une « modalité d'exception ». Cela montre qu'il connaît lui-même le caractère exceptionnel de cette modalité d'élection, et c'est la raison pour laquelle nous n'avons jamais promis d'instaurer la proportionnelle intégrale. L'engagement que nous avons pris le 2 octobre 2016, lors de la campagne présidentielle, est l'introduction d'une dose de proportionnelle, à hauteur de 15 ou 20 %, couplée à la réduction du nombre de parlementaires, qui est très importante. En 1986, lorsqu'on est passé d'un scrutin uninominal à la proportionnelle intégrale, on a aussi augmenté de quatre-vingt-six députés l'effectif de l'Assemblée nationale, porté de 491 à 577 membres. En revanche, lorsqu'on est revenu au scrutin uninominal, on n'a pas réduit le nombre de parlementaires. Dès lors, nous ne pouvons introduire une dose de proportionnelle qu'en réduisant le nombre de parlementaires.

Dans ces conditions, nous pourrions améliorer la représentation des Français, puisque des partis actuellement sous-représentés auraient davantage de députés à l'Assemblée nationale. Dans le même temps, nous garantirions la stabilité politique du système. Par ailleurs, en diminuant le nombre de parlementaires, nous renforcerions leur rôle, leurs pouvoirs et leur importance, tant dans leur territoire qu'au sein de notre assemblée. Ce n'est plus à quarante, cinquante ou soixante que nous auditionnerions un ministre dans ces salles ; c'est à quelques-uns que nous lui demanderions de rendre compte de l'action conduite par le Gouvernement.

Enfin, si je suis tout à fait favorable au non-cumul du mandat de parlementaire avec des mandats exécutifs locaux, je considère qu'un député doit être associé à un territoire. C'est pourquoi je crains que la proportionnelle intégrale finisse par déraciner les parlementaires et ne leur permette pas de connaître précisément le territoire dont ils sont issus.

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Je suis ravi de constater aujourd'hui la quasi-unanimité des groupes, de la majorité comme de l'opposition, sur la nécessité d'introduire enfin une dose de proportionnelle aux élections législatives. Bien que nos opinions divergent quant à la hauteur de cette dose, nous pourrions trouver un accord. C'est le sens de mon amendement CL5, qui vise à instaurer un mécanisme de proportionnelle corrective inspiré du système allemand, dont beaucoup de collègues de la majorité comme de l'opposition ont souligné les nombreux avantages. Concrètement, 50 % des députés seraient élus au scrutin uninominal majoritaire, dans le cadre des circonscriptions actuelles fusionnées deux par deux, tandis que les 50 % restants seraient élus au scrutin de liste, à la proportionnelle, par région, sachant que seules les forces politiques ayant recueilli plus de 5 % des voix seraient admises à la répartition des sièges. Ce mode de scrutin présenterait trois avantages : le maintien de l'ancrage territorial des élus, la représentation fidèle de la diversité politique du pays, et une stabilité plus grande que ne le permettrait la proportionnelle intégrale. Dans la mesure où cet amendement répond à la volonté de presque tous les groupes, je ne doute pas qu'il sera largement adopté.

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Je concentrerai mon intervention sur le sujet important de l'ancrage territorial des parlementaires, qui suscite quelques interrogations depuis l'interdiction du cumul des mandats – monsieur Schellenberger l'a dit, et je sais que madame Untermaier y est aussi particulièrement sensible.

Je vous invite à regarder l'histoire et à examiner, département par département, les résultats du scrutin de 1986. En cas de proportionnelle intégrale à l'échelle nationale, je craindrais effectivement une déconnexion entre les élus, désignés par les partis, et les territoires. Or, en cas de proportionnelle à l'échelle du département, les citoyens gardent la possibilité d'élire des représentants détachés des partis. Si vous êtes une personnalité de la société civile impliquée dans la vie publique et implantée depuis longtemps dans votre département, vous pouvez parfaitement constituer une liste – dans le département du Finistère, il vous suffit de trouver huit personnes, soit quatre femmes et quatre hommes, représentant l'ensemble du territoire. Ainsi, vous pourrez constater qu'en 1986, un certain nombre de députés ont été élus en dissidence de leur parti.

Par ailleurs, un ancrage territorial sans prise en compte de l'ensemble de la nation française va à l'encontre de l'idée même de représentation nationale. J'ai d'ailleurs pu observer cette tendance lors de certaines législatures, où plusieurs députés étaient des barons locaux, très ancrés dans leur territoire, mais où la représentation nationale était complètement déconnectée de la réalité des partis et autres formations politiques. Or, avec un scrutin proportionnel départementalisé, il sera tout à fait possible d'allier représentativité de tous les courants politiques et ancrage local des députés élus.

Même si la composition actuelle de l'Assemblée nationale est assez diverse, puisqu'il n'y a jamais eu autant de groupes, il n'est pas normal que certains partis ou mouvements politiques n'y soient pas représentés. On a beaucoup parlé des extrêmes et du Rassemblement national, mais je pense aussi aux écologistes, qui ont obtenu 17 % des suffrages exprimés aux dernières élections européennes.

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Je suis totalement opposée à la proportionnelle. La proportionnelle, c'est la fin de la liberté d'opinion, c'est une paire de menottes que l'on passe aux poignets des députés, c'est une prime aux partis politiques, puisqu'il faut plaire au chef du parti pour être investi. Il suffit de regarder ce qui se passe aux élections européennes ou régionales : les candidats se battent pour figurer sur les listes, ils s'abstiennent de toute critique envers les dirigeants du parti auquel ils appartiennent, quoi qu'ils en pensent en privé. En outre, la proportionnelle renforce l'anonymat des députés. Or, si ceux-ci sont les élus de la nation, ils doivent aussi être implantés dans une circonscription ; ce sont les porte-parole de leurs électeurs, la courroie de transmission des revendications locales – c'est en tout cas ainsi que je conçois mon rôle de députée et c'est ce qui fait, selon moi, toute la beauté de notre mandat. L'ancrage dans le terrain nous est absolument nécessaire.

D'ailleurs, dans l'hémicycle, lorsqu'on traite de questions pratiques, les contributions les plus pertinentes et les plus intéressantes sont le fait de députés qui ont été maires ou qui ont eu un autre mandat local. Prenez François Pupponi : je suis admirative de ses interventions ; il sait de quoi il parle, on voit qu'il a une vraie connaissance du terrain – d'ailleurs, je suis souvent d'accord avec ce qu'il dit. Cela n'a rien de politique : c'est du concret. Il serait dommage de s'en passer.

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Je tiens tout d'abord à féliciter Bastien Lachaud d'être devenu à la fois larchérien et macronien ! Cela ne manque pas de sel.

(Sourires.)

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Je veux aussi saluer l'enterrement de première classe des propositions de François Bayrou : il ne le sait pas encore, mais la réforme électorale qu'il soutenait est aujourd'hui définitivement écartée. De ce point de vue, l'évolution du groupe La République en marche me satisfait, puisque ses représentants en viennent à citer les meilleurs auteurs de la Ve République !

Il faut dire que ces institutions ne sont pas si mal. Nous avons besoin de stabilité. Or qu'est-ce que la proportionnelle intégrale, si ce n'est l'institutionnalisation de l'instabilité ? Si la Ve République a opté pour le scrutin majoritaire uninominal à deux tours, c'est parce que la IVe République avait consacré un régime des partis qui favorisait l'instabilité gouvernementale. L'histoire nous le montre : la proportionnelle intégrale conduit à la mainmise des partis politiques sur les élections. Je n'ai rien contre les partis politiques, qui concourent à l'expression du suffrage en structurant l'offre électorale, mais on ne peut pas tout attendre d'eux. La proportionnelle intégrale, c'est aussi l'autoprotection, l'entre-soi ; on est sûr que tous les apparatchiks seront élus – même si cela peut être le cas avec d'autres modes de scrutin.

S'il est indéniable que nous sommes confrontés à un problème démocratique, la réponse proposée ne me semble pas la bonne. On risque de créer des élus hors sol, alors que l'on a besoin d'un ancrage territorial. Nos concitoyens demandent de la proximité, une identification – une incarnation, pour reprendre un mot à la mode. On doit être à portée d'engueulade ! Comment l'être si l'on est un simple nom sur une liste ? Avec la proportionnelle, personne en réalité ne prend vraiment de risque, hormis la tête de liste – mais les suivants, du coup, ont du mal à trouver leur place et à exprimer leurs sentiments et leurs opinions, car ils craignent de déplaire au prince et de ne plus figurer sur ladite liste lors de l'élection suivante. Bref, ce n'est pas par la proportionnelle que l'on réglera les problèmes actuels – du moins, pas par la proportionnelle intégrale qui nous est proposée.

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Je remercie les intervenants pour la franchise de leurs propos, qui révèle la diversité des opinions sur le sujet.

Beaucoup d'entre vous disent craindre un « déracinement » – mais, pardon si je le dis de manière un peu abrupte, un député n'est pas un « supermaire », c'est un représentant de la nation, dont la mission est de discuter des textes de lois, d'effectuer un travail législatif, et qui doit le faire dans l'intérêt général du pays.

Nombre de nos concitoyens nous considèrent comme un relais de la mairie et viennent nous voir pour nous saisir de problèmes locaux – problèmes d'emploi, de logement, demandes d'aide sociale etc. –, pour lesquels ils n'arrivent pas à obtenir satisfaction. Le député en est réduit à une fonction de pseudo-proximité, ce qui correspond à une dégradation de son rôle. Nous y passons l'essentiel de notre temps. Voulez-vous entretenir cette spirale ?

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Moi, je suis très heureux d'aider mes concitoyens !

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Mais en réalité vous ne les aidez pas ! Concrètement, combien de fois pouvez-vous le faire ? Au Parlement, l'opposition n'a pas de pouvoir ; d'ailleurs, certains collègues se découragent et finissent par rester dans leur circonscription parce qu'ils ont le sentiment de perdre leur temps à Paris. Ils font la tournée des marchés parce qu'ils ont l'impression de ne rien peser. Je ne suis pas d'accord avec cette vision des choses ; nous n'avons pas été élus pour cela. Le travail de maire a sa spécificité, celui de conseiller départemental aussi. Vos arguments, collègues, conduisent à miner la fonction de parlementaire !

Monsieur Schellenberger, vous considérez qu'il faut que vous soyez au plus près du terrain, ce que même une proportionnelle départementale ne permettrait pas, dites-vous. Je me suis permis d'aller regarder vos affiches électorales de 2017. Votre slogan était : « Majorité alsacienne : Pour l'avenir de l'Alsace » : ce n'est pas un département, ce sont deux départements que vous affirmez représenter ! C'est tout à votre honneur, et je ne vous le reproche pas, mais faisons preuve de sincérité et n'utilisons pas des arguments à géométrie variable. Dès lors que vous avez fait le choix – manifestement payant – de présenter votre candidature sous les auspices d'une région, ne nous dites pas que la région est un échelon qui interdit toute relation de proximité !

De même, les membres du groupe La République en Marche condamnent ce qu'ils présentent comme le règne des apparatchiks, mais votre affiche électorale, collègue Rudigoz, vous montrait aux côtés d'Emmanuel Macron. Sans vouloir vous manquer de respect, je pense que vous étiez pour beaucoup de vos électeurs un illustre inconnu – et si l'on veut entrer dans le détail et parler d'apparatchiks ou de combinazioni, on remarquera que vous avez appartenu successivement à différents partis !

Mais revenons au fond. En raison, notamment, de l'inversion du calendrier électoral et de la proximité entre les élections législatives et l'élection présidentielle, les premières sont désormais écrasées par la seconde – les collègues socialistes, qui, s'ils ont depuis fait acte de contrition, sont à l'origine de la situation, le reconnaissent eux-mêmes. Vous aurez beau raconter tout ce que vous voulez, pour la plupart, vous avez été élus parce que, quels que soient vos talents propres, il y avait sur votre affiche, à côté de votre visage, celui d'un candidat ou d'une candidate à l'élection présidentielle. C'est le parti qui a décidé que vous seriez candidat et c'est votre proximité avec un candidat à l'élection présidentielle qui a permis votre élection.

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Tout à fait, madame : vous allez dans mon sens.

C'est avec cette logique-là que nous souhaiterions rompre. Nous voulons redonner aux élections législatives leur autonomie et éviter qu'elles ne soient qu'un remake de l'élection présidentielle.

De surcroît, le scrutin actuel déforme les résultats de l'élection. Ainsi, le parti majoritaire a obtenu 28 % des voix exprimées au premier tour et 13 % de celles des électeurs inscrits, mais 53 % des sièges de la représentation nationale. N'y a-t-il pas là un problème ? Inversement, alors que le Rassemblement national avait un candidat au second tour de la présidentielle et a fait un score significatif aux législatives, il n'a même pas eu la possibilité de constituer un groupe parlementaire. Cela nous paraît-il satisfaisant d'un point de vue démocratique ? L'Assemblée nationale nous paraît-elle représentative du débat national ? N'y a-t-il pas là quelque chose qui relève de la combinazione ?

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Mais enfin ! Une élection n'est pas une partie de poker – the winner takes all, celui qui gagne rafle tout ! C'est une chambre qui comprend 577 personnes à travers lesquelles les différentes sensibilités politiques doivent s'exprimer. Ce n'est pas le cas aujourd'hui : la représentation nationale est déformée, voire amputée. Le collègue Balanant a raison de souligner que certaines forces politiques n'ont pas un seul député. Tout cela doit nous interpeller. Comment corriger les choses afin que la réalité du terrain soit mieux représentée ? Nombre de nos concitoyens considèrent qu'il est inutile d'aller voter une fois l'élection présidentielle passée parce qu'il n'y a plus d'enjeu.

On dit qu'en Italie, il y a de l'instabilité, mais le taux de participation était de quelque 73 % aux dernières élections, soit presque le double de ce que nous enregistrons en France : cela laisse rêveur ! La chambre des députés italienne est peut-être plus représentative que l'Assemblée nationale française. J'ai bien conscience qu'une telle réforme ne réglerait pas la totalité de nos problèmes, mais elle permettrait que l'Assemblée nationale reflète mieux le débat bouillonnant qui anime le pays ; toutes les forces politiques qui ont une certaine audience pourraient être représentées à l'Assemblée nationale et s'y faire entendre, alors que le système majoritaire actuel écrase les minorités, ce qui conduit les électeurs à s'abstenir.

Et ne me répondez pas qu'un tel mode de scrutin est antirépublicain ou que ce que je dis n'est pas conforme à l'histoire nationale. Savez-vous qu'il y a encore peu de temps, on pouvait se faire élire dans plusieurs circonscriptions à la fois ? Ce fut le cas de Léon Blum en 1936 ; c'était alors la tradition. L'histoire de la République ne plaide pas pour le système actuel.

N'oubliez pas non plus que la Ve République est née d'une crise politique sans précédent, d'une guerre civile qui touchait trois départements français, en Algérie, et d'une incapacité du régime précédent à régler ce conflit, l'un des derniers de notre histoire coloniale. On était sous la menace d'un coup d'État militaire. Connaissez-vous l'opération Résurrection, collègues ? Des régiments parachutistes préparaient un coup de force ; ils avaient établi une tête de pont en Corse. C'est dans ces conditions qu'est née la Ve République !

De grâce, n'utilisons pas des arguments d'autorité pour justifier quelque chose qui ne va pas de soi. Examinons plutôt comment notre pays s'est transformé, comment la société française a évolué, passant du rural à l'urbain, et essayons d'adapter le mode de scrutin à ces modifications.

Adopter un système mixte en introduisant une dose de proportionnelle n'a pas de sens : soit on est partisan de la proportionnelle, parce que cela assure l'expression de toutes les sensibilités, soit on ne l'est pas. Qui plus est, sur le plan technique, que de difficultés ! Qui sera élu au scrutin majoritaire dans une circonscription, qui sera élu à la proportionnelle sur une liste ? Quelles sont les circonscriptions qui vont disparaître ? Pour le coup, ce sont les partis qui décideront ! On va jouer des ciseaux !

Enfin, pourquoi faudrait-il réduire le nombre de députés ? À la grande époque de la Révolution française, il y en avait plus de 650, alors que le pays était deux fois moins peuplé. Le problème, ce n'est pas le nombre de députés, c'est le pouvoir qu'ils détiennent, leur capacité d'intervention.

Ce que nous souhaitons, c'est que la souveraineté s'exprime au mieux. Certes, ce ne sera jamais parfait, mais au moins pouvons-nous essayer de corriger les difficultés que nous rencontrons. Si nous ne faisons rien, il n'y aura eu aucune réforme institutionnelle au cours des cinq années de cette législature, alors qu'une des dynamiques de la candidature d'Emmanuel Macron en 2017 était une promesse de transformation démocratique. Je le dis aux collègues de la majorité : il ne serait pas dans votre intérêt de rompre avec cette ambition.

La commission en vient à l'examen de l'article unique de la proposition de loi.

Article unique (arts. L. 123, L. 124, L. 125, L. 126, L. 154-1 [nouveau] et L. 156 du code électoral) : Instauration d'un scrutin de liste à la représentation proportionnelle pour les élections législatives

La commission examine les amendements de suppression CL1 de Mme Marie-France Lorho et CL2 de Mme Emmanuelle Ménard.

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La formulation du 2° de l'article unique me semble ambiguë : elle laisse entendre que les députés qui n'appartiennent à aucun groupe politique ne pourraient pas bénéficier d'un siège à l'Assemblée nationale. C'est attentatoire à la pluralité des opinions et porterait un coup à la représentativité de la chambre basse. La portée jacobine d'une telle ambition marque le refus du parti La France insoumise de reconnaître que les Français veulent être représentés par des députés évoluant en dehors des arcanes partisans. Comme plusieurs de mes collègues non inscrits, je suis fière de représenter mon terroir sans être contrainte par les décisions d'un groupe politique ; je suis heureuse de représenter librement les spécificités d'une localité dont j'entends continuer à porter la voix. Dès lors que vous entendez supprimer la liberté de ton à laquelle les députés non inscrits prétendent et de nombreux Français sont attachés – en témoignent les nombreux maires sans étiquette en activité –, je propose de supprimer l'article unique.

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Mon opposition au scrutin proportionnel tient en trois points. Premièrement, c'est une prime aux partis politiques. Deuxièmement, il renforce l'anonymat des élus, ce qui ne semble pas opportun vu la défiance actuelle envers les politiques. Troisièmement, il réduit la liberté et l'indépendance de députés de surcroît déconnectés de la réalité du terrain.

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Que répondre ?

Les attaques contre le jacobinisme, franchement, cela commence à être lassant. Ce sont les jacobins qui ont donné le plus de pouvoir aux communes et aux départements. Révisons notre histoire !

Madame Ménard n'avez-vous pas été élue grâce au soutien d'un parti politique national – même si vous cherchez à le dissimuler ? Je serais curieux de voir le résultat des prochaines élections si ce parti présentait un candidat contre vous ! Ce ne fut d'ailleurs pas le cas lors des dernières municipales à Béziers…

Sur le fond, je trouve sain d'être lié à des grandes organisations nationales et de soutenir un projet. Je ne suis pas sûr de vouloir pour représentation nationale une mosaïque de personnes qui viendraient défendre telle ou telle ville, diluant ainsi l'intérêt général en une addition de petits intérêts locaux. Ce n'est pas ma conception de la République.

Je le répète, les élections municipales et départementales ont chacune leur spécificité. Quand on est député, on représente la nation ; on n'est pas là pour défendre les intérêts de Béziers ou de Montreuil. Si l'on peut être particulièrement sensible à la situation de la population locale, il faut proposer quelque chose de plus grand, pour l'ensemble du pays ; on ne peut se contenter d'être le dernier recours lorsque la mairie n'a pas su répondre aux difficultés : c'est un aveu d'impuissance ! Je crois pour ma part que le maire et le député ont chacun un rôle à jouer ; je ne suis pas pour les fusionner parce que la Ve République aurait retiré tout pouvoir aux parlementaires.

Quant à l'amour du terroir, ce n'est pas incompatible. Je pense en cet instant aux viticulteurs de Béziers, qui ont besoin d'être défendus, et c'est sans doute ce que vous faites, madame Ménard. De même, en Seine-Saint-Denis, monsieur Peu et moi sommes confrontés aux mêmes problèmes de logement, et nous pouvons fort bien faire entendre une voix commune sur ces sujets d'intérêt général.

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Je ne vois pas pourquoi le scrutin proportionnel favoriserait nécessairement l'expression des partis politiques, auxquels les députés seraient inféodés. Monsieur Gosselin, vous appartenez bien à un parti politique, et vous en éprouvez une certaine fierté, me semble-t-il. Qui, dans cette législature, n'appartient pas à un parti ? Peut-être vous deux, madame Lorho, madame Ménard – et encore : vous avez été élues avec le soutien d'un parti politique.

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Quoi qu'il en soit, seulement 2 députés sur 577 n'appartiennent pas à un parti politique : je ne vois donc pas où est le problème.

Je vous invite vraiment à regarder la proportionnelle avec un autre prisme. Ne la considérez pas à l'aune des élections européennes, où elle s'applique à l'échelle nationale. Le mode de scrutin qui est ici proposé est le même qu'en 1986, à savoir la proportionnelle départementale. On peut fort bien avoir eu une carrière politique, avoir été élu communal, puis conseiller départemental et, un jour, monter un projet pour être élu député avec des personnes appartenant ou non à un parti. Le fait que le scrutin soit départementalisé change tout.

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Le groupe LaREM votera contre les amendements de suppression, et cela bien qu'il soit en partie d'accord avec l'argumentation de madame Ménard, car il souhaite que le débat aille jusqu'au bout.

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Je suis d'accord avec vous, monsieur Corbière : un député ne doit pas être un « supermaire » ; ce n'est pas du tout la façon dont je conçois mon mandat. En revanche, il est aussi une courroie de transmission. Sur certains sujets, j'exprime mes convictions personnelles, mais sur d'autres, je ne fais que refléter ce qui se dit sur le terrain, dans ma circonscription. Par exemple, quand nous avons des textes très techniques à examiner, je ne sais pas comment vous faites, mais, moi, je n'ai pas la science infuse : j'interroge les maires de ma circonscription. Ce fut notamment le cas pour l'examen du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN). Si l'on n'est rattaché à aucune circonscription, on est complètement déconnecté du terrain et l'on ne peut pas travailler en liaison avec les maires. Or les problèmes que l'on rencontre dans ma circonscription du Sud de la France ne sont pas forcément les mêmes que l'on rencontre dans le Nord, ni même dans une autre circonscription. Tout à l'heure, monsieur Peu disait que quand il y a un problème à Saint-Denis, on l'appelle, lui ou un autre député du département. Eh bien, lorsqu'il y a un problème à Montpellier, il est rare qu'on me sollicite ; en revanche, si c'est Béziers qui est concerné, c'est moi qu'on appelle. Il existe des spécificités sur le terrain, et c'est vous, député, qui êtes le mieux placé pour relayer les demandes locales à l'échelon national, dans l'hémicycle ou auprès du Gouvernement.

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Ce débat est passionnant, et cela tient, à mon avis, au fait que tout le monde a raison : ceux qui sont favorables au scrutin majoritaire comme ceux qui sont pour la proportionnelle. C'est pourquoi je suggère d'envisager un éventuel mode de scrutin hybride qui associerait les avantages de l'un et de l'autre, en permettant des candidatures isolées tout en assurant la représentation de tous.

Néanmoins, nous pensons qu'une telle réforme ne peut être dissociée d'une réflexion sur le rôle et le statut du député dans notre pays ; c'est pourquoi le groupe Agir ensemble ne votera pas pour cette proposition de loi. Je rejoins monsieur Corbière sur certains points, notamment sur le fait que notre action locale est l'héritage du cumul des mandats, lorsque le député-maire ou le sénateur-maire prenait à bras-le-corps les problèmes locaux – mais cela ne fait pas partie intégrante de notre mission. Cela étant, ce n'est pas parce qu'on est député de la nation qu'on doit perdre complètement de vue le territoire dont on est l'élu. Je vous invite par conséquent à réfléchir à une éventuelle hybridation des modes de scrutin, qui permettrait de dégager une majorité tout en disposant d'élus à la proportionnelle qui ne seraient pas complètement déracinés, par exemple parce qu'elle serait appliquée à l'échelon régional.

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Chers collègues, je me permets de vous rappeler que nous avons encore à écouter une communication de la mission flash sur les entraves opposées à l'exercice des pouvoirs de police des élus municipaux. Il est d'usage que les travaux législatifs passent avant une mission d'information, mais le temps passe et il est bientôt treize heures… Soit nous accélérons le rythme, soit je me verrai dans l'obligation de repousser la communication à une date ultérieure. À vous de voir.

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Il faut dire que nous sommes en train de discuter d'un sujet important… D'ailleurs, si monsieur le rapporteur et d'autres orateurs pouvaient nous épargner les arguments ad hominem, ce serait appréciable ! J'assume complètement mon affiche électorale, et je suis très fier des idées qu'elle véhicule, mais je pense que la question qui nous préoccupe dépasse celle de la qualité d'une affiche. Il serait bon que nous prenions un peu de hauteur et que nous dépassionnions le débat, si nous voulons qu'il soit à la hauteur de notre commission.

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Pardon, collègue : je ne voulais égratigner personne, je souhaitais simplement illustrer mon propos en montrant les pratiques des uns et des autres. Ne le prenez pas comme une attaque personnelle.

Je pense, madame la présidente, que, si les collègues en sont d'accord, nous pouvons maintenant aller très vite, car les principaux arguments ont d'ores et déjà été échangés.

La commission rejette les amendements.

Elle examine l'amendement CL6 de M. Matthieu Orphelin.

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Il s'agit de l'amendement que M. Orphelin a évoqué tout à l'heure.

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De tels systèmes hybrides conduiraient à avoir certains députés élus à la proportionnelle, tandis que d'autres le seraient dans des circonscriptions. Imaginez ce que cela donnerait : on aurait, d'un côté, des apparatchiks, qui siégeraient dans les commissions parlementaires les plus nobles, de l'autre, des élus des territoires, qui seraient en quelque sorte des députés de seconde zone ! Je pense que le scrutin proportionnel départemental permettrait d'articuler ancrage sur le terrain et représentativité du corps politique.

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Le groupe LaREM votera contre cet amendement car, même si nous promouvons une dose de proportionnelle, nous ne sommes pas favorables à ce type de scrutin mixte.

D'autre part, je voudrais dire à nos collègues du groupe Dem qu'il serait bon de faire preuve d'un peu de cohérence vu que le président de leur groupe avait déposé une proposition de loi visant à instaurer un tel mode de scrutin mixte.

La commission rejette l'amendement.

Elle en vient à l'amendement CL3 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Il serait difficilement concevable qu'une seule liste représente l'ensemble des Français établis hors de France.

Suivant l'avis du rapporteur suppléant, la commission rejette l'amendement.

Suivant les avis du rapporteur suppléant, la commission rejette successivement les amendements CL5 de M. Matthieu Orphelin et CL4 de Mme Emmanuelle Ménard.

La commission rejette l'article unique de la proposition de loi.

En conséquence, l'ensemble de la proposition de loi est rejeté.

La réunion se termine à 12 heures 40.

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

- M. Jean-Pierre Pont, rapporteur sur le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire

(sous réserve de son dépôt)

- M. Stéphane Mazars, rapporteur sur le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire (n° 4091)

- M. Stéphane Mazars, rapporteur sur le projet de loi organique pour la confiance dans l'institution judiciaire (n° 4092)

- M. Fabien Matras, rapporteur sur la proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs‑pompiers (n° 3162).

Membres présents ou excusés

En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.