Intervention de Christophe Euzet

Réunion du mercredi 14 avril 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Euzet :

Je remercie une nouvelle fois monsieur le rapporteur, qui a ouvert le débat sur un sujet encore plus important que celui dont nous avons discuté précédemment. Je vais immédiatement mettre fin au suspense : le groupe Agir ensemble est globalement opposé à cette proposition de loi, mais il la considère avec beaucoup d'attention.

Nous sommes véritablement confrontés, dans notre pays, à un problème de représentation, lié en tout ou partie à l'ampleur de l'abstention. Ce problème me paraît d'abord psychologique. Nous élisons en effet de nombreux représentants, qui siègent à l'échelle européenne, nationale – je pense aux députés et aux sénateurs –, régionale, départementale ou communale, sans parler des élus présents au sein des établissements publics de coopération intercommunale. Avec près de 620 000 élus, la France est d'ailleurs le pays dont le nombre de représentants par habitant est le plus important au monde. Aux élections européennes, régionales et communales, il existe déjà des mécanismes de scrutin proportionnel, avec un correctif majoritaire. Le problème est aussi sociologique, car la représentation des différentes catégories socio-professionnelles est déséquilibrée, mais cet obstacle est sans doute plus d'ordre éducatif qu'institutionnel. Comme vient de le dire Cécile Untermaier, la proximité de l'élection présidentielle et des élections législatives, la première précédant les secondes, pose un problème structurel. Raphaël Schellenberger a également évoqué un problème touchant au statut du député : la fonction des parlementaires, très mal comprise, mériterait de faire l'objet d'une réflexion plus globale. Enfin, il faut en convenir, il existe un problème lié au mode de scrutin lors des élections législatives, car l'ensemble des sensibilités politiques de notre pays ne sont pas représentées dans notre hémicycle.

La représentation proportionnelle a des vertus incontestables. Elle assure une meilleure représentation des nuances et des sensibilités politiques, ce qui permet une meilleure acceptation du système institutionnel. S'il n'est pas certain que ce mode de scrutin entraîne nécessairement une baisse de l'abstention, il favorise indéniablement la discussion et la construction de coalitions, ce qui peut avoir un certain intérêt. Dans le cadre d'un scrutin de liste, on vote plus pour un parti dont on se sent proche que pour des candidats que l'on veut faire gagner.

Il n'en demeure pas moins que le scrutin proportionnel pose un certain nombre de problèmes. Je ne m'inquiète pas du fait qu'il pourrait favoriser l'arrivée des extrêmes dans notre assemblée : si le vote des électeurs se porte sur les extrêmes, pourquoi ces derniers ne seraient-ils pas représentés ? Je ne crois pas non plus au risque d'émiettement de la représentation, puisque le système de représentation proportionnelle inexacte, par département, que vous proposez, écrase les petits partis. Par ailleurs, compte tenu des mécanismes du parlementarisme rationalisé que nous connaissons, il me semble tout à fait possible de gouverner avec une majorité plus morcelée. En revanche, je déplore la faiblesse du lien qui s'établit entre une liste et le corps électoral ; dans le contexte de défiance entre les partis politiques et les citoyens rappelé par Cécile Untermaier, le recours à des listes établies par des formations politiques très largement rejetées par les Français n'est probablement pas une bonne idée. En outre, ce mode de scrutin entraînerait la disparition des candidats individuels, puisque toute candidature devrait passer par le filtre des partis. Je ne reviens pas sur les effets de la représentation à la plus forte moyenne.

J'aimerais attraper la perche que vous nous tendez, monsieur le rapporteur, et vous proposer une position intermédiaire tenant compte des avantages et des inconvénients que je viens d'exposer. Ma solution, qui s'inspire du système mixte pratiqué notamment en Allemagne, consiste à élire la moitié des députés dans des circonscriptions, au scrutin uninominal majoritaire à deux tours – cela en ferait des élus de terrain, qui se sont présentés personnellement devant les électeurs –, tandis que la seconde moitié des sièges serait pourvue à la représentation proportionnelle, et dans un cadre régional afin de maintenir un rattachement territorial. Je vous invite à réfléchir à un tel dispositif.

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