L'instauration de la proportionnelle intégrale est une proposition que notre formation politique formule depuis de très nombreuses années. C'est donc en toute cohérence que notre groupe votera des deux mains cette proposition de loi.
Notre pays est confronté à un grand défi démocratique. Tout le monde s'accorde à le reconnaître, puisque cela fait quatre élections présidentielles que de nombreux candidats, de droite comme de gauche, introduisent dans leur programme une réforme de la représentation et du mode de scrutin. C'est un argument que les candidats utilisent pour se faire élire, même s'ils abandonnent toujours leur promesse après leur élection. Nous l'avons vu avec Nicolas Sarkozy comme avec François Hollande : il y a eu la commission Balladur, puis la commission Jospin, mais vous savez bien ce qu'il en est advenu. La même promesse a été faite par Emmanuel Macron, et elle avait encore plus de poids que lors des élections présidentielles précédentes puisque le candidat a fait campagne sur le thème de la rénovation de la vie politique ; il a inscrit noir sur blanc, dans le pacte signé avec François Bayrou, l'introduction de la proportionnelle aux élections législatives. Vous savez cependant le sort qu'il a réservé à cet engagement.
Je suis très surpris par les arguments du porte-parole du groupe majoritaire. J'aurais pu comprendre, monsieur Rudigoz, que vous expliquiez que vous souhaitiez cette réforme mais que ce n'était pas le moment ; or j'ai été stupéfié de vous entendre appeler à la rescousse tous les grognards de la Ve République – Jean-Louis Debré, Raymond Barre, Maurice Duverger – pour enterrer cette proposition de loi. Je pensais que la proportionnelle faisait toujours partie de votre projet, mais je suis bien obligé de constater que ce n'est plus le cas. Après quelques années d'exercice du pouvoir, vous faites comme tous les autres partis majoritaires.
Bastien Lachaud a rappelé que les promesses faites par les uns et les autres n'ont jamais été tenues. L'inversion du calendrier électoral pose également un certain nombre de problèmes. Raphaël Schellenberger a bien expliqué que le non-cumul des mandats change un peu la nature de la relation qu'un député entretient avec son territoire. Or la proportionnelle présente plusieurs avantages, au premier rang desquels la meilleure représentation de notre peuple. Le fait que 70 % des Français ne se considèrent pas représentés correctement pose un grand problème démocratique. Si cette proposition de loi n'est pas adoptée, nous terminerons la législature sans avoir voté aucune réforme de la vie démocratique de notre pays. Le mouvement des Gilets jaunes, qui a posé haut et fort la question de la représentation, n'aura pas été pris en compte.
Marie-George Buffet et moi avons été élus dans deux circonscriptions différentes de Seine-Saint-Denis, mais nous sommes avant tout députés de la Seine-Saint-Denis. Hier soir, lorsqu'une fillette a été blessée par balle à Pantin, j'ai été sollicité pour réagir à cette actualité, au même titre que les autres députés du département. C'est pourquoi je trouve important que le scrutin proportionnel soit organisé au niveau départemental, surtout à une époque où les régions sont devenues si grandes qu'elles n'ont plus de sens et que nos concitoyens ne s'y reconnaissent plus. Je déplore que ces régions prennent le pas sur les départements, qui restent un échelon territorial pertinent pour l'élection et la représentation démocratique.
J'entends dire que le scrutin proportionnel permettra à l'extrême-droite – ou, demain, à un autre courant de pensée qui nous inquiète – de participer au débat démocratique. Justement, l'expérience des dernières décennies montre que c'est en ostracisant ces formations politiques qu'on leur donne la possibilité de progresser. On ne fait pas baisser la fièvre en cassant le thermomètre !
Je termine en défendant une autre proposition relative à la représentation de notre peuple, à savoir le droit de vote des étrangers aux élections locales. Cette proposition connaît le même sort que la proportionnelle : certains promettent cette réforme lorsqu'ils sont en campagne, mais ils enterrent leur engagement lorsqu'ils sont au pouvoir. Ne vous étonnez pas que, demain, le réveil soit douloureux.