Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du mercredi 14 avril 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Il existe un fort enjeu politique autour de cette proposition déposée par nos collègues du groupe La France insoumise visant à instaurer le parrainage d'un candidat à l'élection présidentielle par 150 000 citoyens.

Comme le disait Jean-Claude Colliard, ancien membre du Conseil constitutionnel, « […] que la désignation du Président de la République, depuis la révision de 1962, dépende directement du vote des électeurs, est un dogme bien établi dans notre vie politique, mais le dire ainsi sans nuances, c'est oublier un peu vite que ce vote est nécessairement déterminé par l'offre politique, autrement dit la liste des candidats admis à concourir ».

Dans ce cadre, la question du nombre, celle de la qualité des parrains et celle, enfin, de la publicité, sont posées. Si le seuil des parrainages citoyens retenu est celui proposé par la commission présidée par Lionel Jospin en 2012, d'autres propositions ont envisagé celui de 500 000. On est encore très loin du seuil – qualifié par Jean-Claude Colliard d'irréaliste – retenu pour le référendum d'initiative populaire au moment de la réforme de 2008.

Il existe plusieurs arguments en faveur de la proposition de loi. En effet, nous sommes le seul pays où l'élection du Président de la République au suffrage universel se pratique avec un système de parrainage d'élus, héritage du temps où le chef de l'État était élu par un collège. Alors que, jusqu'en 1976, 100 parrainages étaient exigés, l'augmentation de ce nombre n'a pas empêché la multiplication des candidatures. Ce système a également fait la preuve de son incapacité à faire une place à des candidats populaires mais hors système ou liés à des formations disposant de peu d'élus.

Mais les arguments contre la proposition de loi sont également forts : elle arrive ainsi à contretemps des primaires organisées à droite et à gauche. Autrement dit, elle va à l'encontre de la recherche d'une candidature de rassemblement dans chaque camp qui se définit comme tel. Le système nord-américain présente bien des inconvénients, mais il comprend des élections primaires. Or, aux dernières élections, celles de 2020, le taux de participation y a été le plus fort depuis 1900.

Un tel engouement pour les primaires, ailleurs et ici, montre que les citoyens sont prêts à s'investir dans des pratiques participatives. Cela suppose que les candidats et les candidates respectent leurs propres engagements. On doit donc considérer qu'un système de primaires est bien de nature à assurer une participation forte.

Le parrainage tel qu'il nous est présenté a été critiqué par les petits partis car le seuil reste élevé, en comparaison avec d'autres pays. Au Portugal par exemple, il a été fixé à moins de 10 000 parrainages pour 10 millions d'habitants.

Cette proposition pose enfin, et fortement, la question du contrôle des parrainages par le Conseil constitutionnel et de l'effectivité du choix des citoyens. Si l'État et le gouvernement « mettaient le paquet » sur l'identité numérique, nous aurions une perspective nouvelle de développement.

Les élus transmettent eux-mêmes leur parrainage, ce qui renvoie à la question de la publicité des parrainages, effective depuis 2016. Je suis personnellement favorable à la proposition qui va dans le sens d'une plus grande responsabilisation des citoyens ayant la qualité juridique d'électeur. Nous trouvons cependant étonnant que les parrains ne soient pas connus. Si je comprends la réticence des élus qui parrainent, je ne vois pas pourquoi cette démarche des citoyens devrait rester secrète. Être citoyen, c'est s'engager dans la vie publique. Quoi de plus naturel alors que de dire publiquement que l'on soutient tel ou tel candidat ? L'anonymat n'est donc pas une nécessité : il pourrait même être à l'origine d'une inconstitutionnalité rappelée par Jean Gicquel en 2012, à l'époque de la commission présidée par Lionel Jospin.

Notre groupe s'abstiendra donc en commission sur ce texte, et observera l'évolution de la discussion sur les questions contradictoires qu'il pose, comme celui que nous examinerons ensuite.

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