Je suis de ceux qui ont considéré avec un peu de dédain, voire de l'irritation, la révision constitutionnelle de 2008, qui a instauré les niches parlementaires de façon un peu démagogique à mes yeux. Je dois reconnaître que j'ai beaucoup évolué sur ce point depuis lors. Certes, l'adoption de textes, dans ce cadre, reste relativement rare mais cela permet d'ouvrir au cœur de notre assemblée des débats majeurs.
Deux vrais sujets institutionnels sont ainsi portés à notre attention, ce matin. La crise que nous traversons ne date pas d'aujourd'hui : elle est au moins trentenaire. Si je me réjouis de la présence d'Alexis Corbière, je regrette l'absence de Jean-Luc Mélenchon, à qui j'aurais dit : « Collègue, vous étiez sénateur lorsque, jeune étudiant, je m'abreuvais de Jean Baudrillard, de Michel Crozier ou d'Hannah Arendt. Collègue, vous étiez ministre lorsque je commençais à enseigner et que je faisais passer les messages véhiculés par Orwell et Huxley. Collègue, et vous étiez à nouveau sénateur lorsque j'ai critiqué la réforme de 2008. »
Nous avons donc traversé cette crise en lui portant un regard différent, dans des postures différentes, tout simplement parce qu'elle dépasse nos mots et même nos sensations immédiates, qui dépendent de nos situations matérielles.
Aujourd'hui, nous pourrions bien être les témoins et les acteurs involontaires de ce qui pourrait être, si nous n'y prenons pas garde, une période historique de « refermeture » de l'expérience démocratique.
Les peuples ne marquent plus d'intérêt pour nos principes – démocratie, droits de l'homme, laïcité, pluralisme – ni pour nos concepts – démocratie libérale, régime autoritaire, dictature – ou pour notre système institutionnel ou pour notre démocratie. Il faut en convenir : nous ne parvenons pas à éradiquer le phénomène parce qu'il est complexe, que nous vivons une période d'individualisme exacerbé et de déterritorialisation de l'humain, mais également parce que nous sommes prisonniers de nos postures politiques comme de nos formes et de nos procédures juridiques. Il faut impérativement prendre garde à tout cela et embrasser ces problématiques avec sérieux.
La présente proposition de loi a le grand mérite d'ouvrir le débat sur une thématique importante. Je crois cependant que vous vous trompez à la fois sur le fond et sur la forme. Le groupe Agir ensemble ne partage pas votre point de vue.
Vous êtes dans l'erreur, du point de vue constitutionnel, lorsque vous évoquez la VIe République qui serait précédée par la réunion d'une assemblée constituante dont on ne peut anticiper les travaux : c'est un non-sens historique et constitutionnel.
S'agissant du parrainage citoyen à proprement parler, je trouve votre proposition très intéressante et alléchante. Je vais vous dire la vérité : si vous l'aviez formulée il y a quinze ans, ou à l'issue des travaux de la commission présidée par Lionel Jospin, j'y aurais adhéré. La question de la candidature à la magistrature suprême est essentielle, tout comme celle des parrainages : 500 élus, c'est insatisfaisant car cela agit comme une sorte de filtre, de suffrage universel indirect à l'occasion d'une élection au suffrage direct. Certains candidats, bien qu'apparaissant comme légitimes, ont du mal à les réunir. Cela assure, à l'inverse, de la fausse publicité à d'autres qui en disposaient et qui faisaient semblant de ne pas pouvoir les obtenir. En outre, le système est mal compris par les élus.
Si la solution proposée est intéressante, elle ne me paraît cependant pas adaptée. Laissant de côté la temporalité, mes remarques sont de deux types. Techniquement, tout d'abord, la collecte et la vérification des signatures me semblent difficiles, et leur anonymisation contre-productive. Par ailleurs, dans le monde dans lequel nous vivons, la place accordée aux médias et aux réseaux sociaux pourrait faire germer des candidatures complètement fantaisistes : un Jérôme Rodrigues, un Didier Raoult ou un Cyril Hanouna pourrait ainsi très bien devenir, en quelques semaines, candidat à l'élection présidentielle et fausser complètement le scrutin.
Or le sérieux et la solennité de la consultation présidentielle méritent un peu mieux. Cette idée intéressante doit être affinée et repensée. Nous y serons opposés en l'état, pas sur le principe.