Intervention de Raphaël Schellenberger

Réunion du mercredi 14 avril 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Schellenberger :

Après avoir écouté l'orateur de La République en Marche, je comprends que cette question fera l'objet d'un débat interne au groupe majoritaire. Pour sa part, le groupe Les Républicains a une ligne très claire : que la proposition émane du groupe majoritaire, du MoDem ou de La France insoumise, nous y sommes opposés. En effet, nous tenons aux équilibres construits sous la Ve République de Michel Debré et du général de Gaulle, et à la capacité du député à être un élu de terrain, en prise avec les réalités concrètes. Nous voulons éviter que, par la nature du mode de scrutin proportionnel, il se retrouve complètement déconnecté des réalités vécues par les Français.

Il est vrai que la fonction du député a beaucoup changé sous l'effet de la succession récente des réformes. Je pense notamment à celle qui s'applique à nous pour la première fois, à savoir la fin du cumul des mandats. Cette dernière a profondément modifié la manière dont nous construisons nos relations avec le territoire, avec les réalités quotidiennes, et la perception que nous en avons. Cette décision aura sans doute des conséquences plus fortes que celles qui pourraient résulter de n'importe quel changement du mode de scrutin. Nous avons une réflexion à mener sur la place du député dans son territoire, les outils dont le député dispose pour établir les liens avec sa circonscription et y conduire son action.

Instaurer le scrutin proportionnel irait à l'encontre de l'objectif que nous devons viser, à savoir rapprocher les députés de leur territoire. J'ai été élu dans un département qui compte six députés. Si, demain, nous adoptions le scrutin proportionnel à l'échelle du département, il y a fort à parier que cela renforcerait les jeux d'appareils, l'influence des apparatchiks, et que cela conduirait à des parachutages dans certaines circonscriptions, en particulier celles qui sont favorables électoralement. Par son ADN, mon territoire rejette de telles méthodes. On assisterait forcément à une concentration des candidatures dans les grands pôles urbains, qui représentent beaucoup de voix, plutôt que dans les territoires plus éloignés. Or, ces derniers sont confrontés à des problématiques qui méritent de recueillir l'attention des parlementaires, lesquels doivent intervenir pour porter certains sujets à la connaissance des ministères et des administrations centrales. Les députés sont souvent les élus les mieux placés pour faire avancer ce type de dossiers. Certaines questions pourraient être ignorées ou oubliées par des parlementaires élus au scrutin de liste, même départemental – je pourrais vous dresser une liste longue comme le bras de ce type de sujets dans ma circonscription. On risquerait de ne traiter que deux ou trois grands thèmes, au détriment des dossiers concernant les entreprises, les associations, les infrastructures, l'aménagement, qui nécessitent des interventions législatives.

Nous devons donc travailler, à rebours de l'instauration de la proportionnelle, sur les outils dont disposent les députés pour rester connectés au terrain. La proportionnelle nous éloignerait, nous enfermerait dans l'entre-soi, dans des débats idéologiques très éloignés des préoccupations des Français. Elle accentuerait, contrairement à ce que vous prétendez, monsieur le rapporteur, la dépendance des élus à leur parti politique. Le critère déterminant ne serait pas la capacité à régler les problèmes des Français, mais la fidélité et la loyauté aux groupes et aux partis politiques. C'est l'inverse de ce dont nous avons besoin, à savoir de députés libres, forts, ancrés territorialement, à même d'exprimer clairement la voix de leurs concitoyens, y compris quand ils doivent, pour ce faire, contredire la position de leur groupe parlementaire ou de leur parti.

Le groupe Les Républicains sera, de manière constante, opposé à cette réforme, qu'elle émane de La France insoumise, du MoDem ou de la République en marche.

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