Mais enfin ! Une élection n'est pas une partie de poker – the winner takes all, celui qui gagne rafle tout ! C'est une chambre qui comprend 577 personnes à travers lesquelles les différentes sensibilités politiques doivent s'exprimer. Ce n'est pas le cas aujourd'hui : la représentation nationale est déformée, voire amputée. Le collègue Balanant a raison de souligner que certaines forces politiques n'ont pas un seul député. Tout cela doit nous interpeller. Comment corriger les choses afin que la réalité du terrain soit mieux représentée ? Nombre de nos concitoyens considèrent qu'il est inutile d'aller voter une fois l'élection présidentielle passée parce qu'il n'y a plus d'enjeu.
On dit qu'en Italie, il y a de l'instabilité, mais le taux de participation était de quelque 73 % aux dernières élections, soit presque le double de ce que nous enregistrons en France : cela laisse rêveur ! La chambre des députés italienne est peut-être plus représentative que l'Assemblée nationale française. J'ai bien conscience qu'une telle réforme ne réglerait pas la totalité de nos problèmes, mais elle permettrait que l'Assemblée nationale reflète mieux le débat bouillonnant qui anime le pays ; toutes les forces politiques qui ont une certaine audience pourraient être représentées à l'Assemblée nationale et s'y faire entendre, alors que le système majoritaire actuel écrase les minorités, ce qui conduit les électeurs à s'abstenir.
Et ne me répondez pas qu'un tel mode de scrutin est antirépublicain ou que ce que je dis n'est pas conforme à l'histoire nationale. Savez-vous qu'il y a encore peu de temps, on pouvait se faire élire dans plusieurs circonscriptions à la fois ? Ce fut le cas de Léon Blum en 1936 ; c'était alors la tradition. L'histoire de la République ne plaide pas pour le système actuel.
N'oubliez pas non plus que la Ve République est née d'une crise politique sans précédent, d'une guerre civile qui touchait trois départements français, en Algérie, et d'une incapacité du régime précédent à régler ce conflit, l'un des derniers de notre histoire coloniale. On était sous la menace d'un coup d'État militaire. Connaissez-vous l'opération Résurrection, collègues ? Des régiments parachutistes préparaient un coup de force ; ils avaient établi une tête de pont en Corse. C'est dans ces conditions qu'est née la Ve République !
De grâce, n'utilisons pas des arguments d'autorité pour justifier quelque chose qui ne va pas de soi. Examinons plutôt comment notre pays s'est transformé, comment la société française a évolué, passant du rural à l'urbain, et essayons d'adapter le mode de scrutin à ces modifications.
Adopter un système mixte en introduisant une dose de proportionnelle n'a pas de sens : soit on est partisan de la proportionnelle, parce que cela assure l'expression de toutes les sensibilités, soit on ne l'est pas. Qui plus est, sur le plan technique, que de difficultés ! Qui sera élu au scrutin majoritaire dans une circonscription, qui sera élu à la proportionnelle sur une liste ? Quelles sont les circonscriptions qui vont disparaître ? Pour le coup, ce sont les partis qui décideront ! On va jouer des ciseaux !
Enfin, pourquoi faudrait-il réduire le nombre de députés ? À la grande époque de la Révolution française, il y en avait plus de 650, alors que le pays était deux fois moins peuplé. Le problème, ce n'est pas le nombre de députés, c'est le pouvoir qu'ils détiennent, leur capacité d'intervention.
Ce que nous souhaitons, c'est que la souveraineté s'exprime au mieux. Certes, ce ne sera jamais parfait, mais au moins pouvons-nous essayer de corriger les difficultés que nous rencontrons. Si nous ne faisons rien, il n'y aura eu aucune réforme institutionnelle au cours des cinq années de cette législature, alors qu'une des dynamiques de la candidature d'Emmanuel Macron en 2017 était une promesse de transformation démocratique. Je le dis aux collègues de la majorité : il ne serait pas dans votre intérêt de rompre avec cette ambition.