Élection après élection, l'abstention progresse. On pourra trouver toutes sortes d'explications à ce phénomène, mais il s'agit avant tout d'un message politique. Aux dernières élections municipales, celles qui mobilisent le plus les citoyens après la présidentielle, elle a atteint des records ; dans certains bureaux de vote, le candidat qui se trouvait en tête avait recueilli un nombre de voix qui ne lui aurait même pas permis d'être délégué de classe ! L'épidémie est un facteur qui ne retire rien au caractère profond et très politique de cette abstention.
Celle-ci pourrait se résumer à : « si c'est ainsi, faites sans moi ! ». Cela ne peut satisfaire celles et ceux attachés à la démocratie et à la souveraineté du peuple en république, quand bien même ce « si c'est ainsi, faites sans moi ! » arrange les calculs électoraux de certains. L'abstention est en effet plus élevée chez les jeunes, les ouvriers et les employés, pour des tas de raisons politiques incluant les promesses non tenues, les trahisons, les renoncements et le caractère obsolète de notre fonctionnement démocratique.
Pour notre part, nous en avons assez des élections sans le peuple : le peuple doit s'en mêler et nous devons réunir les conditions de sa participation. Nous pensons qu'il est temps pour le peuple français de se refonder en redéfinissant les règles d'un jeu démocratique auquel, de toute évidence, il ne consent plus. Nous voulons qu'une assemblée constituante soit convoquée avec pour mission d'élaborer un projet de nouvelle constitution. Après l'adoption par référendum de ce projet, la France passerait à la VIe République.
L'article 28 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de la Constitution du 24 juin 1793 dispose qu'« un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures. » C'est pourtant le cas depuis de trop nombreuses années – la Constitution de la Ve République, que nous qualifions de monarchie présidentielle, a d'ailleurs été revue plus d'une vingtaine de fois sans que le peuple donne son avis.
Mais le présent texte n'a pas vocation à modifier la Constitution, vous l'aurez compris. Une proposition de loi organique suffit pour instaurer un système de parrainage citoyen. Précision utile si j'en crois les interventions de certains orateurs, ce filtre ne viendrait pas remplacer celui du parrainage des élus locaux, qui continuerait de s'exercer en parallèle.
Cette proposition est issue du rapport de la commission présidée par Lionel Jospin, où siégeaient Roselyne Bachelot, un président de section au Conseil d'État, un préfet, plusieurs magistrats et professeurs de droit, dont Dominique Rousseau. Dans ce rapport, intitulé « Pour un renouveau démocratique », les membres constataient que le système de parrainage des élus s'essoufflait, qu'il créait « une incertitude sur la possibilité, pour certains courants significatifs de la vie politique du pays, d'être représentés au premier tour » et qu'il était source d'inégalité entre candidats : « Les candidats soutenus par des partis ne disposant pas d'un réseau étendu d'élus susceptibles de les parrainer doivent consentir des efforts très importants pour recueillir les signatures requises. L'énergie ainsi déployée les prive d'un temps utile pour mener campagne auprès des électeurs. » De fait, on passe plus de temps à essayer d'être candidat qu'à défendre son projet devant les citoyens.
Le seuil de 150 000 signatures est suffisamment élevé pour dissuader les candidatures purement fantaisistes, strictement régionalistes ou communautaires, le Président de la République ayant vocation à représenter la Nation tout entière, mais il est fixé à un niveau qui permet de ne pas exclure le candidat d'un courant politique représentatif.
Le rapport de la commission présidée par Lionel Jospin propose que tout candidat à la présidentielle devra avoir été parrainé par 150 000 citoyens inscrits sur les listes électorales et issus de 30 départements différents, un même département ne pouvant excéder 5 % du total des parrainages.
Voilà une proposition qui ne devrait pas déplaire à une majorité qui se prétendait l'incarnation du « Nouveau Monde ». Collègues, vous venez d'abandonner l'instauration de la proportionnelle pour les élections législatives, une promesse majeure du candidat Macron ; avec le parrainage citoyen, nous ferons œuvre utile, entamant ainsi le nécessaire renouveau démocratique.