Un point au moins nous réunit : je n'ai jamais entendu personne, d'aucun groupe, proposer que notre pays soit désarmé face à la pandémie. Chacun a fourni des arguments, fait des propositions pour être collectivement plus efficaces, y compris en acceptant l'idée que l'intérêt général pouvait nécessiter des restrictions des libertés individuelles, à condition que nous le décidions collectivement.
Le problème, avec ce projet de loi comme avec le précédent, est d'être sûr que l'état d'urgence sanitaire, cette mise entre parenthèses de la démocratie, ce renforcement considérable des pouvoirs de l'exécutif, est efficace. Avec un an de recul, on peut en douter. Peut-être, si la démocratie avait été plus vivante, si le Parlement avait été plus consulté, si les remontées du terrain avaient été mieux prises en compte, sachant que le Parlement peut prendre des décisions dans des délais très courts, certaines erreurs auraient-elles été évitées. Je n'accablerai d'ailleurs pas le Gouvernement, car personne ne souhaite être à sa place pour gérer la crise. Mais si l'exercice est difficile, la critique est nécessaire. Pour prendre, comme souvent, l'exemple de la Seine-Saint-Denis, il y avait des forces pour déployer la stratégie d'isolement, mais elle ne l'a jamais été. C'est bien dommage, cela aurait été de nature à freiner la maladie. Quant aux mesures territoriales, on les évoque pour le déconfinement, mais jamais pour la vaccination : encore aujourd'hui, la Seine-Saint-Denis, qui est le département le plus contaminé, est aussi le moins vacciné ! En tenant un peu mieux compte des avis du terrain, pour l'école aussi par exemple, les choses auraient été différentes.
L'état d'urgence pose également une question vertigineuse à notre démocratie. Sur les cinq dernières années, nous avons passé plus de temps en état d'urgence que dans une démocratie normale, pour des raisons liées soit au terrorisme, soit à la crise sanitaire. Mais le monde s'avère chaotique, avec des pandémies qui surviendront de nouveau, le terrorisme qui continue de nous menacer, et des événements par exemple climatiques. La démocratie est-elle inapte à faire face au monde d'aujourd'hui ? Faut-il donc donner du crédit à ceux qui prônent un pouvoir autoritaire ? Quand on met la démocratie entre parenthèses, quand l'état d'urgence règne plus de la moitié du temps sur cinq ans, c'est l'idée qu'on risque de favoriser. On ne peut pas jouer trop facilement avec la démocratie, le Parlement souverain et les décisions collectives.
Enfin, nous demanderons, au fur et à mesure des débats, des explications très précises sur le volet social du texte. Certaines choses nous inquiètent, s'agissant des aménagements du chômage partiel, des intermittents du spectacle ou des possibilités données aux employeurs de jouer avec les RTT ou les congés payés. Quant à la trêve hivernale des expulsions, je n'ai pas bien compris si elle était prolongée jusqu'au 31 octobre. Nous aurons à cœur de clarifier tout cela.