Intervention de Laetitia Avia

Réunion du mercredi 5 mai 2021 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaetitia Avia :

Monsieur le ministre, votre projet vise à renforcer la confiance dans l'institution judiciaire, belle ambition à laquelle notre groupe ne peut que souscrire tant elle s'inscrit dans la continuité de ce que nous soutenons depuis le début de notre mandat avec la loi de programmation et de réforme de la justice votée en 2019 pour une justice plus moderne, plus efficace, plus humaine, plus accessible, prévoyant une programmation budgétaire inédite sur cinq ans à laquelle vous avez donné un coup d'accélérateur historique– à hauteur de 8 %, soit 1,7 milliard d'euros supplémentaires – dès votre nomination ; avec la proposition de loi de notre collègue Dimitri Houbron pour une justice pénale de proximité ; avec la réforme de la justice pénale des mineurs portée par nos collègues Jean Terlier et Alexandra Louis, ainsi qu'avec les nombreux rapports et missions sur la justice qu'ont produits nos collègues.

Je pense en particulier à ceux de Didier Paris sur les travaux d'intérêt général et le secret de l'enquête, de Naïma Moutchou et Philippe Gosselin sur l'aide juridictionnelle, de Raphaël Gauvain sur le secret professionnel ou encore de Cécile Untermaier et Fabien Matras sur les officiers publics ministériels.

Nous n'avons pas chômé. Et pourtant, il reste tant à faire, tant nos concitoyens peuvent exprimer vis-à-vis de la justice de la distance, de la méfiance, voire de la défiance, ce qui n'est pas acceptable dans un pays de droits et de libertés tel que la France.

Ce projet de loi vise à entendre les préoccupations légitimes de nos concitoyens et à y répondre, au travers de dispositions redonnant du bon sens au fonctionnement de la justice, comme celles visant à filmer et à diffuser les audiences. Car si la justice est théoriquement rendue publiquement, rares sont ceux qui osent pousser les portes d'un palais de justice et qui en comprennent le fonctionnement, réservant ainsi la justice, notre bien commun, à quelques sachants.

Nous débattrons des garde-fous, notamment de la protection des mineurs à laquelle notre groupe est particulièrement attaché. Nous en saluons d'ores et déjà le principe.

Ce projet vise également à mieux encadrer des enquêtes qui sont interminables et qui placent une épée de Damoclès au-dessus de justiciables, sans perspective ni calendrier clairs. Je salue en particulier la disposition visant à ouvrir le contradictoire lorsque le secret de l'enquête n'est plus qu'illusoire, tant il aura été porté atteinte à la présomption d'innocence dans les médias ou sur les réseaux sociaux.

Vous proposez également des mesures d'encadrement des perquisitions, écoutes et fadettes chez ceux qui assurent la défense des intérêts de nos concitoyens, les avocats. Si nous soutenons ces mesures, nous devons nous assurer que l'ensemble de la relation entre le client et son avocat, qu'il s'agisse de conseil, d'évaluation des risques, de règlement amiable ou de contentieux, soit couvert par le secret professionnel de la loi de 1971 et ainsi protégé dans le cadre d'une procédure pénale, sauf, évidemment, en cas de soupçon de complicité de l'avocat.

La confiance dans l'institution judiciaire passe aussi par la confiance en son propre avocat.

En ce qui concerne les auxiliaires de justice, vous avez mis le doigt sur une difficulté réelle : le sentiment d'entre-soi qui alimente lui-même un sentiment d'injustice chez ceux qui ont des réclamations à formuler à l'encontre de ceux-ci.

Lors des auditions, vos propositions portant sur la déontologie et la procédure disciplinaire ont largement fait consensus. J'espère que cela sera également le cas en commission des Lois.

Enfin, deux propositions feront, nous le savons, un peu moins consensus. Tout d'abord, la généralisation des cours criminelles départementales : si nous entendons les interrogations de ceux qui auraient voulu que l'expérimentation aille à son terme, nous ne pouvons pour autant nier les réels bénéfices de ces cours, notamment dans la lutte acharnée contre la correctionnalisation des viols. Nous ne pouvons plus tolérer que des victimes l'acceptent pour éviter le jury populaire, le temps et la pression de la cour d'assises.

Je remercie notre collègue rapporteur Stéphane Mazars et notre collègue Antoine Savignat qui ont si promptement pu mener à bien une première évaluation du dispositif : elle nous est particulièrement précieuse au moment de légiférer sur cette généralisation.

Deuxième disposition qui fait moins consensus : redonner du sens à l'exécution des peines de prison. Avec la création du code pénitentiaire et d'un statut de détenu travailleur, nous disons bien évidemment oui à la dignité en prison.

Vous proposez également de supprimer les réductions automatiques de peine. Comment, en effet, avoir confiance en la justice si dès le prononcé de la peine de prison, le détenu sait que, sauf accident de parcours, il ne l'accomplira pas intégralement ? Nous devons donner du sens à la peine en renforçant le rôle des efforts de réinsertion dans l'octroi des réductions de peine.

Si nous ne pouvons sur ce point que saluer le principe de la disposition qui nous est soumise, il nous reste cependant de nombreuses questions opérationnelles à soulever pour faire vivre pleinement cette idée. Comment nous assurer que cela n'entraîne pas de surpopulation carcérale ? Comment éviter les disparités de traitement selon les établissements ? Comment anticiper et préparer les sorties dans ce nouveau système et éviter ainsi les sorties sèches ?

Nous espérons que les débats à venir nous permettront d'obtenir des éclaircissements sur ces quelques points d'un projet de loi qu'à l'issue de notre travail collectif le groupe La République en marche votera avec enthousiasme.

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