Intervention de Laurence Vichnievsky

Réunion du mercredi 5 mai 2021 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Vichnievsky :

Une observation liminaire : le projet de loi n'aborde pas les questions relatives aux contentieux civils, commerciaux et prud'homaux, qui représentent les trois quarts de l'activité des juridictions de l'ordre judiciaire, et dont nos concitoyens attendent tant en raison des conséquences qu'ils entraînent sur leur vie quotidienne.

L'article 1er permet l'enregistrement d'audiences et sa diffusion au nom d'un motif d'intérêt public lié à la pédagogie ou à l'importance de l'affaire. Nous soutenons cette mesure, mais voulons réserver au législateur plutôt qu'à l'exécutif le pouvoir de déterminer l'autorité compétente pour décider d'un enregistrement, et nous proposons qu'il s'agisse des chefs de cour dans les deux ordres de juridiction.

L'article 2 limite à trois ans au total la durée des enquêtes préliminaires, la portant à cinq ans pour certains crimes ou délits – criminalité organisée, terrorisme. Il introduit en outre une part de contradictoire au sein des procédures en question. Mais il faut être réaliste : lutter contre la délinquance suppose aussi de limiter, au niveau de l'enquête, les droits de la défense des personnes soupçonnées. Nous avons donc déposé deux amendements à cet article, l'un étendant aux infractions financières le champ des enquêtes dont la durée est susceptible d'être prolongée jusqu'à cinq ans, l'autre visant à éviter que le fait d'avoir été présenté comme coupable dans les médias ne donne de plein droit accès au dossier de la procédure.

L'article 3 s'attache à mieux garantir le secret professionnel de l'avocat dans le cadre de l'enquête pénale. Si nous en soutenons le principe, nous prenons acte du fait que le texte exclut toute immunité de l'avocat lorsqu'il existe des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis l'infraction qui fait l'objet de l'enquête. Pour nous, il doit en être de même de l'avocat soupçonné d'avoir commis une infraction connexe – commise, aux termes de l'article 203 du code de procédure pénale, pour faciliter ou consommer l'exécution de l'infraction principale ou pour en assurer l'impunité. Stéphane Mazars me faisait observer que c'était aussi l'objectif de l'avocat que d'assurer l'impunité de son client ; certes, mais pas en commettant une infraction !

L'article 7 généralise les cours criminelles départementales bien que la période de leur expérimentation soit inachevée. Nous soutenons cette proposition du Gouvernement, qui aboutira à désengorger le rôle des cours d'assises et à réduire le délai de jugement des affaires criminelles.

L'article 8 permet de faire siéger des avocats honoraires au sein de la formation de jugement des cours d'assises et des cours criminelles départementales. La motivation de cette mesure, liant le remplacement d'un magistrat par un avocat à la restauration de la confiance en la justice – c'est le sens de l'étude d'impact –, a été logiquement perçue par le corps judiciaire comme un signe de défiance. Je ne suis pas sûre, pour ma part, que les Français préfèrent voir juger les criminels par des avocats plutôt que par des juges. Notre groupe est très majoritairement opposé à cette réforme, qui ne remédie à aucune difficulté de gestion des effectifs, du moins au niveau des cours d'assises.

Nous partageons en revanche la philosophie du projet de loi en matière d'exécution des peines. L'article 10 tend ainsi à remplacer le crédit acquis de plein droit par une réduction de peine accordée par le juge en fonction de critères fondés sur la bonne conduite et les efforts de réinsertion.

Les dispositions relatives à la promotion du travail et de la formation en prison vont elles aussi dans le bon sens. Ce n'est pas notre présidente qui dira le contraire, ni les nombreux collègues ayant participé comme moi à nos missions concernant les prisons – même s'il reste à confronter ces mesures aux difficultés inhérentes à tout travail carcéral.

Enfin, le renforcement du cadre déontologique et disciplinaire applicable aux professions du droit peut accroître la confiance que nos concitoyens leur accordent et favoriser le dialogue entre magistrats et avocats.

Nous avions souhaité compléter le texte par plusieurs mesures destinées à renforcer la confiance des citoyens dans l'institution judiciaire, notamment la modification de l'article 122-1 du code pénal s'agissant de la responsabilité pénale ; mais notre amendement en ce sens a été déclaré irrecevable. Bien que le Gouvernement ait annoncé un projet en cette matière, et que notre commission ait décidé de créer une mission flash à ce sujet, ce dont je me réjouis, je ne comprends pas cette irrecevabilité, à moins de considérer que la décision prise par la Cour de cassation le 14 avril dernier n'a pas ébranlé la confiance de nos concitoyens dans l'institution judiciaire.

À également été déclarée irrecevable notre proposition d'étendre la qualité à agir dans les actions de groupe en matière de consommation, alors qu'elle faciliterait l'accès de nombreuses victimes à la justice – certes civile – et serait de nature à redonner confiance dans l'institution.

Seule a été retenue notre proposition de consacrer aux crimes sériels et aux affaires non élucidées un pôle national spécialisé qui permettra d'en améliorer le traitement à moyens constants.

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