On ne compte plus le nombre de lois ambitionnant de rétablir la confiance dans nos institutions, comme si nous étions des enfants complètement perdus, privés de tout lien avec ces dernières. En matière judiciaire, il sera pourtant difficile d'atteindre cet objectif essentiel en mettant à ce point l'accent sur la justice pénale.
Car c'est d'abord de la lenteur de la justice civile que les citoyens se plaignent. Sans mettre en cause le travail des magistrats, qui font ce qu'ils peuvent avec les moyens dont ils disposent, ce sont bien les délais dans les litiges du quotidien – affaires familiales, tutelles et curatelles, consommation – qui sont critiqués par les justiciables et qui les découragent de saisir la justice.
Ce sont aussi, pour en revenir au pénal, les nombreux classements sans suite qui ne sont notifiés ni aux plaignants ni aux victimes, faute de temps. Il faut se donner les moyens de satisfaire cette simple exigence qui nous est rappelée constamment par nos concitoyens : dès lors que la justice est saisie, une réponse judiciaire doit être impérativement donnée. C'est d'abord ainsi que l'on crée la confiance.
Le texte comporte plusieurs mesures bienvenues, dont la limitation de la durée de l'enquête préliminaire, une initiative courageuse issue des travaux de la commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire présidée par Ugo Bernalicis. Il convient aussi d'étendre le contradictoire et de rééquilibrer ainsi les droits de la défense et ceux de l'accusation. Nous proposerons de réduire encore davantage le délai dévolu à l'enquête, ce qui ne plaira ni au parquet ni aux juges du siège, et d'ouvrir le contradictoire à un stade plus précoce que ne le prévoit le texte.
La consolidation du secret professionnel de l'avocat s'imposait alors que de récentes affaires ont mis en évidence de graves atteintes à ce principe ; je salue l'avancée qu'elle représente. Nous reviendrons sur la définition du secret professionnel, à propos duquel il nous paraît improbable de dissocier l'activité de défense de celle de conseil.
La refonte des règles déontologiques et des procédures disciplinaires applicables aux professionnels du droit emporte également notre adhésion. Les dispositions en la matière reprennent des recommandations élaborées dans le cadre de la mission d'information que j'ai menée avec Fabien Matras. Nous demanderons qu'elles soient complétées par la création du collège de déontologie dont nous avons tant parlé dans le cadre de la loi relative au parquet européen.
La création du statut de détenu travailleur, ainsi que la reconnaissance à venir, par ordonnance, des droits sociaux des détenus concourt à l'effort qui incombe en la matière à la France, condamnée à de nombreuses reprises par la Cour européenne des droits de l'homme en raison des conditions de détention dans ses prisons. Il s'agit d'un programme vaste et important.
Enfin, l'acte d'avocat, très attendu, est sans doute le seul moyen d'agir plus vite en matière judiciaire.
D'autres mesures appellent quelques réserves.
Ainsi de la généralisation des cours criminelles départementales, amenée à réduire fortement la fréquence de la tenue des cours d'assises, que vous prétendiez pourtant vouloir défendre bec et ongles, monsieur le ministre. Cette disposition ne respecte pas la volonté du législateur d'imposer une phase expérimentale de trois ans afin de permettre une véritable évaluation à laquelle soient associés les professionnels, notamment les avocats. La création de ces nouvelles cours signe par ailleurs la fin de l'oralité des débats et du jury populaire, lequel contribue pourtant au rapprochement visé par le texte entre le peuple et la justice. Au demeurant, ces juridictions mobilisent cinq magistrats, contre trois pour les cours d'assises, alors que les effectifs manquent.
La suppression des remises de peine automatiques n'emporte pas l'adhésion des professionnels, qu'il s'agisse des magistrats, des avocats ou des membres de l'administration pénitentiaire. Je n'en ai pas trouvé un seul pour défendre ce nouveau dispositif, à propos duquel le Conseil d'État a par ailleurs émis des réserves. Actuellement, l'automaticité n'est pas de droit, puisque les crédits de réduction de peine peuvent être retirés en cas de mauvaise conduite, et il me semble dangereux de laisser croire au contraire aux citoyens que ce dispositif permettrait à n'importe quel détenu de bénéficier d'une réduction de peine, quel que soit son comportement.
En ce qui concerne l'enregistrement d'une audience et sa diffusion, pourquoi pas ? La justice doit devenir visible, sortir des murs du tribunal – mais sans que ses professionnels soient mis en danger. Qu'en est-il du motif d'intérêt public justifiant un tel mécanisme ? Est-ce la pédagogie qui est visée ?
S'agissant enfin d'un amendement déposé par plusieurs groupes et concernant une demande émanant de la Cour de cassation, le régime sec de l'article 45 auquel sont soumis les députés n'exclut pas le discernement et, dans ce cas précis, je regrette que nous n'ayons pas ouvert la porte de la loi pour y intégrer une mesure relevant pleinement de son sujet.