Retisser le lien de confiance entre les Français et leur justice est un enjeu majeur pour une société démocratique comme la nôtre. Les deux textes qui nous sont soumis se fondent sur un constat que nous partageons tous : l'érosion de la relation entre la société et l'institution judiciaire. Le Parlement ne cesse de se réunir pour remédier à ce mal et améliorer le fonctionnement de la justice, comme lors de la réforme de 2019 ou, plus modestement, de l'examen, il y a quelques mois, de la proposition de loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.
Les deux textes prévoient des mesures inédites touchant l'ensemble des acteurs de l'institution judiciaire ainsi que les auxiliaires de justice, mais aussi les Français – étudiants, justiciables et citoyens curieux.
Concernant la peine et la réinsertion, je suis très attaché aux questions de la réponse pénale, du sens de la peine et de la réinsertion des détenus. Je ne peux donc que saluer la reprise par le projet de loi de propositions très ambitieuses formulées par le Conseil économique, social et environnemental dans le rapport relatif à la réinsertion des personnes détenues qu'il a rédigé à la demande du Premier ministre. Le CESE recommandait notamment de faire de la formation et du travail les leviers de la réinsertion grâce à l'établissement d'un contrat de travail spécifique déterminant l'acquisition de droits à l'assurance chômage, à la retraite et à la formation et grâce au développement de l'insertion par l'activité. À cet égard, le projet de loi est conforme aux attentes et aux besoins de l'administration pénitentiaire, très soucieuse de l'existence et de la qualité des perspectives économiques et sociales offertes aux détenus.
Dans le même esprit, j'avais déposé des amendements directement inspirés des recommandations du CESE, hélas jugés pour la plupart irrecevables. Il s'agissait d'améliorer l'accès des détenus au numérique pour leur permettre d'amorcer leurs démarches administratives et de recherche d'emploi, de faciliter leur accès à un logement ou à un hébergement, d'alléger les conditions auxquelles ils peuvent ouvrir un compte bancaire ou encore de fluidifier le processus de renouvellement de leur pièce d'identité.
En effet, s'il est nécessaire de faire preuve de fermeté envers ceux qui violent le pacte social et les lois de la République, ne pas aider un détenu à trouver un emploi, à apprendre à lire, à trouver un logement ou à entamer des démarches administratives, c'est le condamner une nouvelle fois.
De plus, le code pénal le dit, l'une des fonctions de la peine est de favoriser l'amendement, l'insertion ou la réinsertion de l'auteur de l'infraction. Le projet de loi contribuera à cette visée.
Je souhaite également un plan d'action global visant à définir des critères objectifs permettant de valider la suppression de la réduction automatique de peine. En se donnant la possibilité de prévoir les situations où des efforts ont été accomplis, les cas de bonne conduite, on rendrait le texte plus lisible. Cette recherche de sécurité juridique se traduirait par un décret. Ainsi le droit à la sûreté garanti par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen serait-il pleinement respecté.
S'agissant de l'enregistrement et de la diffusion des audiences, le groupe Agir ensemble attend du Gouvernement plus de précisions sur leurs modalités et sur la pédagogie par laquelle le garde des Sceaux entend mieux faire connaître la justice à nos concitoyens. Rappelons que c'est en réponse aux désordres déclenchés par le procès Dominici que ce type de procédé fut interdit par la loi du 6 décembre 1954. Le risque du sensationnel et du voyeurisme est grand si la façon de faire n'est pas clairement définie. Nous vous proposerons donc que l'article 1er soit d'abord appliqué à titre expérimental, de manière à pouvoir constater les écueils et y remédier avant la généralisation de la mesure, tout simplement pour éviter de faire échouer une belle idée par précipitation.
Concernant les enquêtes préliminaires visées à l'article 2, il nous paraît nécessaire de préciser davantage les cas dans lesquels elles pourront être soumises au contradictoire et, surtout, de quelle manière elles le seront. Je défendrai donc un amendement réservant cette possibilité aux procès-verbaux achevés, à l'exclusion des actes en cours. En effet, soumettre l'intégralité des actes au contradictoire pourrait contrer l'enquête, se révéler inefficace et, ainsi, affaiblir notre justice.
Enfin, nous sommes surpris de la possibilité offerte aux avocats honoraires d'être désignés assesseurs de la cour d'assises ou de la cour criminelle départementale. L'avocat et le magistrat exercent deux offices tout à fait différents. En institutionnalisant un tel mélange des genres, on risque de compliquer encore davantage la compréhension par les citoyens de l'architecture judiciaire.
Nous ne comprenons pas non plus la volonté de rétablir la minorité de faveur pour les accusés aux assises : elle rend plus difficile leur condamnation, partant du postulat que les trois magistrats votent nécessairement de la même façon et qu'il faut donc que quatre jurés, et non seulement trois, votent la culpabilité pour que celle-ci soit déclarée. J'entends le souhait de renforcer les jurys populaires, mais j'ai peur que cette évolution n'entraîne une défiance vis-à-vis de nos magistrats, contrairement à l'objectif du texte.
Si, dans l'ensemble, les mesures qui nous sont soumises vont dans le sens des ambitions affichées, certaines méritent d'être encadrées et débattues pour davantage de cohérence. Cela dit, je voterai bien évidemment en faveur du projet de loi et du projet de loi organique.