Je ne m'attarderai pas sur le caractère présomptueux du titre, relevant seulement qu'il réduit l'institution judiciaire à la justice pénale. Conscient vous-même, monsieur le ministre, de cet écueil signalé par plusieurs de mes collègues, vous avez annoncé la semaine dernière de grandes mesures pour la justice civile, que vous avez qualifiées de « sucres rapides » – mais tout le problème de ces sucres est que leur effet n'est pas durable. De fait, c'est de contractuels embauchés pour huit mois qu'il est question, sans parler de la manière dont on utilise des chiffres de l'année dernière, ce qui ne rend pas compte de la réalité des efforts accomplis.
Le texte comporte des mesures qui retiennent l'attention et que je trouve tout à fait positives, notamment le contrat de travail pour les personnes détenues et le code de déontologie des officiers ministériels.
D'autres vont dans le bon sens, mais méritent d'être retravaillées et amendées pour être améliorées. Je songe à l'article 1er. Dans les conclusions de la commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire, que j'ai présidée, je formulais mes propres propositions au nom de mon groupe, dont la possibilité de filmer les audiences, aux fins moins de transparence que de contrôle démocratique – c'est ce qui justifie aujourd'hui la publicité des audiences : la justice est rendue au nom et à la vue du peuple français. Nous proposons cependant que les mesures de l'article 1er s'appliquent à titre expérimental : s'il est un domaine dans lequel l'expérimentation est pertinente, c'est bien celui-là. On sait que, de toute façon, la Chancellerie commencera par tester le dispositif dans certaines juridictions. Autant inscrire ce caractère expérimental dans la loi de manière à pouvoir revenir ici en discuter, puisque les avis – tous légitimes – sont partagés, certains craignant une justice spectacle. De ce point de vue, mieux vaudrait ne pas limiter les retransmissions aux audiences pénales : la justice civile, la plus méconnue, ne fait jamais, elle, l'objet d'aucun reportage télévisé.
Je suis spontanément favorable à l'encadrement de l'enquête préliminaire, mais le problème, ce sont les moyens, et les perspectives qu'ils impliquent quant à l'issue des affaires. On a cité à ce propos les dossiers économiques et financiers. Dans ce domaine, je l'ai constaté avec Jacques Maire dans le cadre de notre rapport d'information sur l'évaluation de la lutte contre la délinquance financière, il n'est pas rare que les enquêtes préliminaires durent plus de deux ou trois ans, du fait non de la lenteur du parquet ou des enquêteurs, mais de la dimension internationale des affaires qui nous rendent tributaires des délais de communication de pièces par d'autres pays.
Dans ce contexte, à quoi bon reporter la charge sur l'information judiciaire ? Au stade de l'instruction, les piles de dossiers sont encore plus élevées qu'au parquet ! On voudrait prolonger le délai de traitement de l'affaire que l'on ne s'y prendrait pas autrement, au détriment tant de la victime que du mis en cause. Rappelons que la dernière décision du Gouvernement en matière d'instruction a été la suppression des chambres de l'instruction dans des circonscriptions où la majorité s'attendait à de mauvais résultats électoraux lors du scrutin municipal – souvenez-vous des échanges de mails à ce sujet entre la Chancellerie et le cabinet du Premier ministre et des pièces auxquelles ont pu avoir accès les membres de la commission d'enquête que j'ai présidée. Le renforcement des cabinets d'instruction ne semble donc pas être à l'ordre du jour. C'est bien dommage, car si c'était là l'objectif, je signerais des deux mains !
Je suis donc plus favorable à l'introduction du contradictoire aux étapes de contrôle et de mise en état du dossier qu'à l'imposition d'échéances fermes et bloquantes, qui aboutira soit à ce que le dossier aille se perdre au stade de l'information judiciaire, soit à un classement sans suite malgré de bonnes raisons de poursuivre.