Intervention de Marie-George Buffet

Réunion du mercredi 5 mai 2021 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Plusieurs remarques sur le titre du projet de loi. La justice n'est pas la seule de nos institutions qui connaisse ce que l'on appelle facilement une crise de confiance. Cela devrait nous faire réfléchir sur la vieille dame qu'est la Ve République et sur son usure, mais aussi sur les moyens confisqués depuis des années au détriment du déploiement de grands services publics permettant aux usagers et citoyens de disposer de l'ensemble de leurs droits. Monsieur le rapporteur a dit que le projet de loi était ambitieux par son intitulé ; j'espère que son ambition ne s'arrête pas à celui-ci. Il faudrait travailler à restaurer un grand service public de la justice, et ce n'est pas l'objet du texte tel qu'il est rédigé.

Vous parliez à un moment de deux réformes-phares, monsieur le ministre, l'une portant sur l'indépendance du parquet, l'autre visant à encadrer plus strictement les transmissions d'informations des juridictions à la Chancellerie. Ces deux aspects sont absents du projet de loi ; nous ne pouvons que le regretter.

Quelques points me paraissent positifs : le rétablissement de la minorité de faveur afin de respecter la souveraineté populaire ; le statut du détenu travailleur et les droits sociaux afférents – un premier pas qui ne résoudra pas tous les problèmes liés à la condition des détenus, mais dont je ne pense pas, contrairement à ce qui a pu être dit, qu'il fera fuir les commanditaires, car les grandes entreprises devraient se réjouir de confier leur production à des hommes et à des femmes jouissant de véritables droits, et même y voir une source de rayonnement pour elles.

En ce qui concerne les audiences filmées, il faut faire preuve d'une grande prudence, s'assurer que toutes les personnes présentes au tribunal – prévenus, témoins, avocats, juges, etc. – sont consultées au préalable et veiller à l'utilisation du matériel enregistré. Plusieurs l'ont dit, nous ne voulons pas d'une justice spectacle. Il va donc falloir interpeller à ce propos les chaînes publiques – le dossier relève de leurs missions –, mais aussi le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Nous sommes plus réticents et inquiets s'agissant de la généralisation des cours criminelles départementales au détriment des cours d'assises. L'absence de jury populaire dans ces juridictions contredit l'objectif de rétablir la confiance entre la population et la justice. Surtout, il ne faudrait pas que les cours criminelles départementales se spécialisent dans le traitement de certains crimes comme les agressions sexuelles et les viols. Il n'y a pas de crimes moins importants que d'autres et qui ne mériteraient pas d'être jugés en cour d'assises. J'aimerais vous entendre sur ce point, monsieur le ministre.

En ce qui concerne la suppression des crédits de réduction de peine dits automatiques, leur obtention était jusqu'à présent subordonnée au comportement des détenus : elle n'était pas si automatique qu'on le dit. Le suivi de l'ensemble de ces mesures va représenter un gros travail : il conviendrait de s'intéresser au nombre de juges de l'application des peines qu'il requerra, ainsi qu'aux moyens nécessaires en effectifs et en formation au sein de l'administration pénitentiaire.

J'espère que l'examen du texte nous permettra de progresser vers une justice plus efficace au service de nos compatriotes.

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