Monsieur Gosselin, votre intervention me rappelle les annotations que je lisais parfois sur mes bulletins scolaires : « peut mieux faire au troisième trimestre ». Vous aviez tenu des propos similaires lors de l'examen du budget. Vous soulignez aujourd'hui l'effort que nous avons accompli, mais vous n'aviez pas voté le budget à l'époque, parce que vous le jugiez insuffisant. Par ailleurs, vous venez de proférer quelques inexactitudes. Par exemple, vous avez dit que le texte ne comportait pas de volet civil. Or, il comprend une partie importante sur la médiation. C'est essentiel, car cela permet d'aller plus vite et cela procure une grande satisfaction aux parties qui adhèrent au processus, car elles ont le sentiment de participer à l'exercice de la justice.
Madame Ménard, on m'a suffisamment reproché de vouloir maintenir les cours criminelles. Si je le fais, c'est en partie pour les victimes, notamment pour celles qui se plaignent d'une correctionnalisation forcée. En effet, les cours d'assises classiques étaient trop eencombrées pour juger ces affaires. Ne m'intentez donc pas ce procès, car il n'est pas juste.
Madame Untermaier, vous m'avez fait remarquer que j'avais tenu des propos différents sur les cours criminelles lorsque j'étais avocat. Il n'a échappé à personne que je ne le suis plus. Lorsque j'ai exercé cette profession, j'ai affirmé ma crainte – je ne renie aucun de mes propos – que cette juridiction nouvelle soit la chronique d'une mort annoncée de la cour d'assises traditionnelle. J'en étais convaincu. Lorsque je suis arrivé au Gouvernement, le Président de la République m'a dit son attachement à la souveraineté populaire et au jury populaire. Puis j'ai constaté que les magistrats étaient satisfaits, comme la grande majorité des avocats – même si on en a entendu quelques-uns hurler et m'interpeller dans des conditions que je ne rappellerai pas. J'ai lu le rapport d'Antoine Savignat et de Stéphane Mazars. J'ai constaté que les taux d'appel des justiciables étaient inférieurs de 11 points dans les affaires jugées par la cour criminelle par rapport à celles qui étaient examinées par la cour d'assises. Je ne pouvais pas ne pas prendre cela en considération. J'ai noté aussi que les délais d'audiencement étaient beaucoup plus courts. Par ailleurs, cette procédure règle définitivement la question de la correctionnalisation, notamment des affaires de mœurs. Qu'aurait-on dit si j'avais maintenu ma position d'origine sans tenir compte de cette réalité ? J'assume totalement ce que j'ai dit, comme mes choix actuels.
L'expérimentation a été étendue et a assez duré. Comme l'a dit Stéphane Mazars, on ne va pas avoir en France deux systèmes parallèles – la cour d'assises et la cour criminelle – pour juger les crimes.
Je souhaite renforcer la majorité nécessaire de jurés pour prendre une décision de culpabilité en cour d'assises. Cette juridiction est l'expression, historiquement, de la souveraineté populaire. Or, ce n'était plus le cas : la souveraineté populaire n'était plus au rendez-vous de la justice populaire, ce qui constituait un non-sens.
Madame Untermaier, vous dites que vous n'avez trouvé personne, au sein de l'administration pénitentiaire, pour dire du bien de la réforme des réductions de peines. Nous n'avons pas vu les mêmes personnes, car j'en ai rencontré de nombreuses qui l'approuvaient. Madame Buffet, je veux remettre l'effort au centre de la réflexion. Cette réforme répond, à mes yeux, à un objectif humaniste. Actuellement, on accorde des réductions de peines sans faire contribuer les intéressés à l'effort. Or, ils en ont besoin, ne fût-ce que pour ne pas perdre l'usage des règles de la vie civile, à laquelle ils retourneront un jour. L'effort se mesurera à l'aune des capacités de chacun. On pourra ainsi demander à un gamin de se lever dès potron-minet, d'apprendre à lire, de se désintoxiquer, de se soigner…
Vous avez exprimé une préoccupation légitime, en demandant si les juges d'application des peines pourront suivre les intéressés. La réponse est oui, car ils sont déjà mobilisés sur le volet des réductions de peine supplémentaires (RPS), conditionnées à l'effort. La réforme leur donnera moins de travail.
J'ai signé une charte avec les trois grandes organisations syndicales de la pénitentiaire, pour faire participer davantage les personnels. C'est ce qu'ils ont appelé le statut du « surveillant pénitentiaire acteur ». Je ne veux plus en faire des porte-clés ; ils méritent autre chose que cela et sont d'ailleurs autre chose.
Je vous donne tout à fait raison sur l'attractivité du contrat de travail. Je me suis rendu en Alsace, à la prison de Oermingen, qui a investi massivement dans le travail. En France, le pourcentage de détenus travaillant est passé de 50 % dans les années 2000 à 29 % aujourd'hui. Je veux absolument ramener le travail dans la prison. La semaine dernière, j'ai rencontré de grands patrons, qui m'ont donné leur accord de principe. Les services du ministère sont en train de travailler pour concrétiser ces intentions. Nous avons mis à la disposition des employeurs une cartographie des établissements, en précisant quel type d'entreprise et de formateur on peut y accueillir. Certains secteurs, on le sait, vont embaucher massivement : je veux qu'on oriente le travail pénitentiaire en fonction des perspectives économiques. C'est très avantageux pour l'employeur, qui est parfois accusé de délocaliser dans des pays lointains, dans des conditions sanitaires discutables, en faisant travailler des enfants. En prison, le détenu bénéficie de conditions de travail, de règles d'hygiène et de protection sociale. Son activité lui est bénéfique, comme elle l'est à la société, car cela nous permet d'envisager sa sortie en ayant des raisons d'espérer qu'il se réinsérera et ne récidivera pas.
Monsieur Bernalicis, je suis tout à fait d'accord avec vous, le fait de filmer une audience représente d'abord une grande garantie démocratique. Cela élève le niveau : l'avocat plaidera mieux, le magistrat, le procureur feront un effort, comme l'expert ou le policier qui vient témoigner. En même temps, cela doit rester discret. On avait commencé l'expérience au moment de l'affaire Dominici, puis on a tout arrêté, car cela faisait du bruit. Robert Badinter a exprimé le regret de ne pas avoir été plus loin. Je pense que tout le monde fera attention et que la justice y gagnera en qualité. Je veux que cela soit très pédagogique. J'ai envisagé que la diffusion soit réalisée une fois l'affaire terminée. Je souhaite qu'un magistrat, un policier et un avocat, de préférence n'ayant pas participé à l'affaire, soient présents sur le plateau pour expliquer un certain nombre de choses.
Quand on voit, par exemple, le travail de Raymond Depardon ou de Daniel Karlin, on se dit que la retransmission d'une audience a un véritable sens, une portée pédagogique. C'est un projet éclectique, qui comporte plusieurs facettes, à l'image de la diversité des causes de la défiance envers la justice. Moins d'un Français sur deux a confiance dans la justice de son pays. Pour avoir confiance, il faut connaître et comprendre. À l'origine du projet, on m'a reproché de vouloir faire de la justice spectacle. Récemment, à ma grande satisfaction, un haut magistrat a affirmé que si l'affaire de Viry-Châtillon avait été filmée, certains se seraient sans doute interdits de raconter n'importe quoi et de dénaturer le réquisitoire de l'avocat général que, fort heureusement, il avait écrit en toutes lettres.
J'ai limité drastiquement les remontées d'informations, mais elles n'en demeurent pas moins utiles. Le garde des Sceaux doit savoir, par exemple, que les ex-brigadistes italiens ont été arrêtés et à quel moment ils l'ont été. C'est la moindre des choses. Les remontées d'informations sont aussi utiles dans le cas d'atteintes aux élus. Les informations que j'ai reçues à ce sujet m'ont conduit à adresser aux procureurs une circulaire en septembre 2020. Cela étant, cette question relève beaucoup du fantasme, car le ministre de l'Intérieur reçoit un nombre bien supérieur de remontées d'informations. Par ailleurs, que fait-on de ces informations ? Il est strictement interdit d'appeler le procureur pour lui donner des ordres ; c'est une ligne rouge que je ne franchirai jamais.
S'agissant de la justice civile, j'ai demandé au président du tribunal judiciaire de Bobigny de piloter un groupe de travail composé de magistrats, de greffiers et d'avocats exerçant dans les cinq plus grandes villes de France. Il a rendu quarante-trois propositions, faites par des professionnels pour des professionnels, parmi lesquelles figure la possibilité de faire travailler ensemble avocats et magistrats, comme le prévoit déjà le code de l'organisation judiciaire. Nous allons étendre cette mesure par le truchement des bonnes pratiques ; comme vous le savez, nous avons créé un moteur de recherche à destination des magistrats.
Nous avons embauché 1 000 personnes, qui prendront leurs fonctions dans les juridictions civiles d'ici à trois mois, auxquelles s'ajoutent 1 100 personnes pour la justice pénale. C'est le plus gros plan d'embauche mené depuis vingt-cinq ans. Si je lis certaines critiques syndicales – on me dit que les sucres rapides donnent de l'hypoglycémie –, à l'inverse, dans les juridictions où je vais, on me dit : heureusement qu'il y a ce personnel supplémentaire. Nous ne devons pas avoir honte de ce que nous avons fait. Nous allons, pour la première fois, franchir le cap des 9 000 magistrats. Nous avons voté un certain nombre de dispositions, souvent tous ensemble. Je pense, par exemple, à l'adoption du code de la justice pénale des mineurs, qui n'a pas soulevé beaucoup de difficultés, ou à la proposition de loi de Dimitri Houbron améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.
On ne peut pas décréter la confiance, mais on peut l'espérer. J'ai la certitude que les mesures prises nous aideront à atteindre cet objectif.
J'ai répondu à M. Diard, hier, sur l'irresponsabilité pénale. Nous avons consulté l'ensemble des acteurs et sommes parvenus à un certain nombre d'équilibres, que je vous présenterai.
S'agissant de la déontologie, il n'a échappé à personne que le Président de la République a demandé au Conseil supérieur de la magistrature de lui rendre un avis sur la responsabilité des magistrats, dont nous tirerons les conséquences.